INTERVIEW. Les chiffres de la production de granulats et du béton prêt à l'emploi sont mitigés. Carole Deneuve, chef du service économique et statistique de l'Unicem nous décrypte la note conjoncturelle du second semestre publiée ce lundi 28 septembre.

Batiactu : Après des chiffres négatifs en juillet dernier, quelle leçon à retenir de la nouvelle conjoncture du second semestre ?
Carole Deneuve :
A fin août 2015, et sur les huit premiers mois de l'année, les livraisons de granulats affichaient un recul de près de -11 % sur un an, celles de béton prêt à l'emploi de -8 % (Ndlr : d'après les données cvs-cjo, provisoires). Certes, le rythme de repli de l'activité s'est ralenti par rapport au début de l'année, mais la tendance amorcée en ce début de second semestre 2015 reste sur des rythmes de baisse encore marqués et la modération attendue n'est pas au rendez-vous.

 

Au vu des dernières enquêtes et indicateurs disponibles, cette modération sensible n'interviendrait pas avant la toute fin d'année 2015. De fait, la persistance de rythme baissiers plus forts que prévus conduit à revoir à la baisse la perspective d'activité pour l'année 2015, à -9 % pour les granulats (Ndlr : contre -7% initialement prévu) et à -7 % pour le béton prêt à l'emploi (Ndlr : contre -5%).

 

"L'accession à la propriété reste bridée par la frilosité des ménages"

 

Batiactu : Comment expliquez-vous cette situation de conjoncture ?
Carole Deneuve :
Un redressement était attendu dans le segment du logement avec un léger redémarrage des mises en chantier sur la seconde partie de l'année. Les ventes dans le segment du collectif neuf ont certes décollé grâce en grande partie au succès du dispositif Pinel permettant de réduire les stocks existants de même que celles des constructeurs de maisons individuelles. Toutefois, le délai de mise en chantier étant de 200 jours, les effets sur le terrain se font encore attendre. Les indicateurs de confiance des promoteurs se raffermissent mais certains freins demeurent dans le bâtiment…

 

C'est pourquoi l'accession à la propriété reste bridée par la frilosité des ménages à investir notamment en raison du niveau du chômage toujours élevé et le secteur du non résidentiel est à la peine. Au final, les mises en chantier de logements continuaient de reculer à fin août 2015 de même que les permis, des éléments qui n'augurent pas de rebond de la construction avant le début de l'hiver. Ces tendances affectent directement l'activité du BPE.

 

Quant au granulat, il reste lourdement impacté par la très faible activité du secteur des travaux publics. Ce dernier souffre depuis plus de deux ans de la conjonction de nombreux facteurs négatifs qui ont pesé sur le segment de la commande publique, cette dernière n'ayant pas joué son rôle contra-cyclique à la différence des autres phases de crise économique : cycle électoral plus marqué que d'habitude, baisse des dotations budgétaires, réforme territoriale, manque de lisibilité dans les financements, révision des compétences, retard des contrats Plan Etat Régions et suppression de l'écotaxe… Bref des facteurs "pro-cycliques" qui ont contribué à figer les investissements des collectivités locales, et à accentuer le creux du cycle.

 

Batiactu : Comment voyez-vous l'activité des matériaux de construction en 2016 ? La FFB espère une reprise d'ici à la fin de l'année, qu'en-est-il pour vous à l'Unicem ?
Carole Deneuve :
A la différence des autres secteurs d'activité, le BTP et a fortiori le secteur des matériaux de construction, n'a pas bénéficié des facteurs de soutien de la croissance (Ndlr : aux effets finalement plus limités qu'attendus) que sont la baisse des prix du pétrole, la dépréciation de l'euro et le faible niveau des taux longs. Ce secteur est ainsi resté en marge du mouvement de reprise. Même si ces facteurs devraient persister en 2016, ils ne devraient impacter, encore une fois, que très faiblement l'activité de nos secteurs qui restera avant tout conditionnée par l'évolution de l'investissement public et de l'investissement privé en construction des entreprises et en logements des ménages.

 

Certes, les mises en chantier dans le segment résidentiel devraient amorcer un raffermissement d'ici la fin de l'année 2015 pour se consolider en 2016 mais le segment du non-résidentiel dans son ensemble pourrait rester baissier l'an prochain. Ce réveil partiel de l'activité constructive permettrait d'envisager une légère hausse des productions de BPE en 2016, de l'ordre de +1 %.

 

Quant aux granulats, leur production demeure largement dépendante de l'activité des travaux publics qui devrait rester, encore en 2016, peu dynamique. La baisse des dotations de l'Etat, la réforme territoriale, les échéances électorales... devraient encore peser sur les investissements des collectivités locales, et ce, en dépit d'un certain nombre de mesures des plans de soutien (Ndlr : plan autoroutier, FCTVA...). Le repli de l'activité serait néanmoins plus modéré qu'en 2015, ce qui limiterait la contraction de la production de granulats autour de -1% l'an prochain.

 

C'est pourquoi l'Unicem rappelle donc aux pouvoirs publics que la commande publique se doit d'être un levier de croissance et d'emplois, incitant les acteurs économiques à une transition vers un modèle d'économie plus circulaire. En effet, une nouvelle baisse de la commande publique serait fatale aux entreprises de la filière.

 

Découvrez dès la page 2,l'article dédié à Alain Juppé, maire de Borceaux reçu ces jours-ci par le SNBPE.

 

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