HABITAT INDIGNE. Députée LREM des Bouches-du-Rhône, Alexandra Louis rendra aux côtés du député valdoisien Guillaume Vuilletet un rapport sur l'habitat indigne en mai prochain, après avoir été missionnés par le Premier ministre Édouard Philippe. Auteure d'un chapitre sur le cas marseillais, Alexandra Louis estime que la cité phocéenne peut inspirer les préconisations nationales, et appelle à davantage de "transparence" et de "coordination" dans la lutte contre l'habitat indigne.

Batiactu : Vous présenterez avec le député Guillaume Vuilletet, un rapport sur l'habitat indigne en France, auquel vous ajoutez un chapitre marseillais. Quels sont vos principaux axes de réflexion ?

 

Alexandra Louis : Nous n'avons pas encore terminé notre rapport, je ne peux donc pas trop m'avancer sur ce point. Ce qui est sûr, c'est qu'il faut remettre à plat tout ce qui relève du signalement et du diagnostic de l'habitat insalubre. Nous avons beaucoup d'idées qu'il faut articuler les unes aux autres, et que nous questionnons d'un point de vue juridique et opérationnel.

Batiactu : Qu'attendez-vous de l'État ?

Alexandra Louis : La loi Elan a habilité le gouvernement à ordonner un certain nombre de mesures qui permettent une première clarification. Au niveau légal, nous avons désormais besoin d'un rôle de coordination, et de permettre à l'État d'avoir un rôle plus opérationnel sur l'insalubrité. La compétence juridique relève du préfet, mais c'est le maire qui détient le pouvoir opérationnel. Cela crée un déséquilibre voire une forme de paralysie, puisque l'État peut prendre des décisions mais n'a pas les moyens d'agir. Il faut sortir de cette situation afin d'arriver à des diagnostics qui soient réalisés rapidement après les signalements.

 

Batiactu : Le chapitre que vous consacrez, en écho au drame du 5 novembre, accentue l'idée d'une spécificité marseillaise...


Alexandra Louis : Qu'il s'agisse de péril ou d'insalubrité, la volumétrie d'habitat dégradé à Marseille est très importante. Le rapport Nicol [NDLR : sur l'état du parc privé marseillais, remis en 2015] faisait état de 40.000 logements privés potentiellement insalubres, et il me paraît fort probable que ce chiffre ait été sous-estimé, eu égard à un phénomène très répandu à Marseille. Il y a des problématiques de signalement, de diagnostic, d'établissement d'arrêtés d'insalubrité quand il y a lieu. Nous constatons également plusieurs strates, et que les outils adéquats ne sont pas toujours mobilisés. La législation sur l'insalubrité est intéressante car elle permet de mettre en jeu un certain nombre d'outils juridiques et de lutter efficacement contre les marchands de sommeil, ce que ne permet pas le règlement sanitaire départemental par exemple.

Batiactu : Il y aurait donc beaucoup d'informations et d'acteurs, mais peu de mise en commun ?

Alexandra Louis : Nous disposons d'abord d'un outil qui fonctionne très mal, l'Orthi (outil de repérage et de traitement de l'habitat indigne), et n'est toujours pas opérationnel. L'ambition est néanmoins louable, celle de faire partager des informations entre les différents acteurs. Le problème ne réside pas dans leur pluralité, compte tenu de l'ampleur du phénomène, mais bien au niveau de la coordination, car chacun est dépendant de l'efficacité ou non d'un autre service.

Batiactu : Vous évoquiez plus tôt le volet opérationnel, pensez-vous qu'il devrait être partagé entre les services municipaux et ceux de la préfecture ?

Alexandra Louis : Les services communaux d'hygiène et de santé (SCHS) sont en charge du diagnostic, ce qui est bien en théorie, mais pas tellement en pratique. L'objectif consisterait éventuellement à avoir une réflexion sur cette compétence. L'idée de la faire remonter au niveau métropolitain à circulé, mais il faudra toujours réfléchir à une manière de travailler de concert. Sinon, faire en sorte que l'État puisse se substituer au SCHS lorsque les diagnostics ne sont pas réalisés. Ceci est cependant indissociable d'un système transparent, à travers un outil qui permette une traçabilité des signalements, et de voir si une suite a été donnée, à quel moment, et ce qu'il en advient. Ce qui impliquerait des grilles communes d'analyse, un partage d'informations, et des efforts de chacun.

Batiactu : L'Orthi est supposé répondre à ces enjeux, pourquoi n'est-il toujours pas opérationnel ?

Alexandra Louis : Il me semble qu'il n'est pas forcément adapté. Nous avons besoin d'un outil qui soit le plus simple possible, et ne multiplie pas le travail des différentes parties prenantes. Le sujet traduit aussi une question de volonté, vous pouvez mettre en place un grand nombre d'outils, mais si la volonté ne suit pas, rien ne change au niveau local. A mon sens, le système mériterait un peu plus de transparence ainsi qu'un recentrage du pouvoir décisionnel et des moyens.

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