JUSTICE. L'architecte et maître d'œuvre de l'immeuble où se trouvait le balcon qui s'est effondré en 2016 s'est vivement défendu au tribunal d'Angers. Le prévenu s'est défini comme un "homme de l'art" et a écarté sa responsabilité dans cette affaire.

Deuxième jour du procès du drame de l'effondrement du balcon d'Angers. L'architecte et maître d'œuvre de la résidence "Le Surcouf", où le balcon d'un appartement s'était décroché en 2016, a affirmé ce jeudi 10 février devant le tribunal qu'il "ignorait tout du déroulé et du contenu" de la construction du bâtiment. Le prévenu était appelé à la barre pour, notamment, la mort de quatre étudiants, qui fêtaient ce 15 octobre 2016 une pendaison de crémaillère et sont décédés suite à l'effondrement de l'édifice sur lequel ils se trouvaient. 88 personnes se sont constituées parties civiles dans ce procès qui doit durer trois semaines. Les débats se sont portés durant ce deuxième jour sur les contrats passés par les différentes entreprises intervenant sur le chantier et l'étendue de leurs missions. La réception du bâtiment en 1998 avait été "sans réserve". Situé dans le centre-ville d'Angers, l'immeuble compte 20 logements d'habitations, un ensemble "relativement petit" pour la présidente du tribunal, Catherine Ménardais. Un contrat de huit millions d'euros avait été signé en mars 1997, le cabinet d'architecte assurant la maîtrise d'œuvre complète du projet.

 

"J'ignore tout"

 

Cette mission "comporte toutes les phases de la construction, les études préliminaires, l'obtention du permis de construire, les avant-projets, les appels d'offres et le contrôle, la surveillance et la réception des travaux", a indiqué la présidente du tribunal. L'architecte exerçait à l'époque en entreprise individuelle et non sous la forme juridique d'une société. Selon lui, il s'agissait d'un bâtiment sans "complexité architecturale particulière". "C'est un projet dont j'ignore tout le déroulé et le contenu. Je suis le titulaire d'un contrat que je n'ai pas signé." Il a en effet expliqué que le contrat avait été signé par le secrétaire général de son cabinet d'architecture, qu'il avait repris à son père en 1989.

 

La veille, il avait rejeté tout implication dans d'éventuels défauts dans la conception de l'immeuble. Le diplômé des Beaux-Arts de Paris et de l'Université Columbia, au casier judiciaire vierge, s'est présenté comme un "homme de l'art", tourné "exclusivement sur la recherche de la création d'un concept". "Un architecte ne sera jamais un ingénieur ni un calculateur. A aucun moment je ne fais de calcul de dalles et de ferraillage", a-t-il fait savoir. Celui qui était maître d'œuvre du chantier affirme s'être formé "avec l'expérience" au suivi de chantier. Il a également affirmé avoir été occupé à cette époque par la conception d'un projet en Chine, tout en assurant "en France le suivi du respect esthétique de l'œuvre" sur les chantiers.

 

 

L'un des avocats "choqué"

 

Face à ce témoignage, l'avocat de 32 parties civiles Me Louis-René Penneau s'est dit "choqué". "On demeure interdit de l'entendre dire que depuis des années il n'exerce son métier que pour l'esthétique alors même qu'il devrait le faire pour la sécurité." De son côté, Laurence Couvreux, autre avocate des parties civiles, a argué que les projets à l'étranger de l'architecte ne lui auraient pas permis d'être "présent localement pour suivre les chantiers". "Il dit qu'il avait des ingénieurs qui réalisaient le chantier, mais en exploitant à titre individuel son entreprise, sans le garde-fou de la forme juridique d'une société, il doit assumer la responsabilité juridique et pénale", a-t-elle déclaré.

 

La responsabilité de la trentaine d'invités présents à la soirée qui a tourné au drame a été écartée par les enquêteurs. L'hypothèse penche plutôt sur les actions des constructeurs : un béton gorgé d'eau, un chantier mal supervisé, des armatures en acier mal positionnées... Autre élément relevé par l'enquête : les balcons ont été coulés sur place alors qu'ils devaient être préfabriqués en usine. Cette évolution de mode constructif n'a pourtant pas fait l'objet de nouveaux plans. Les modifications de la construction des balcons avaient permis, à l'époque, de gagner 14 semaines de travaux dans le calendrier. Interrogé, le conducteur de travaux, également mis en cause, a affirmé "ne pas pouvoir oublier 2016". Le chef de chantier n'a, quant à lui, "aucun diplôme" et a appris le métier "sur le tas" comme il l'a confié lui-même.

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