POINT D'ETAPE. Après des heures de discussion entamées le 30 mai, les députés ont procédé ce 12 juin au vote solennel du projet de loi Elan et adopté le texte par 342 voix contre 169. Voici les différents textes adoptés malgré de vives tensions.

Les grandes opérations d'urbanisme


L'article 1er, vivement critiqué par les architectes, prévoit la création de deux nouveaux outils pour les grandes opérations urbaines : le projet partenarial d'aménagement (PPA) entre Etat et collectivités et la grande opération d'urbanisme (GOU) qui permettra de déroger à certaines règles de droit commun de l'urbanisme. Alors que depuis plusieurs semaines, les architectes dénoncent avec force une remise en cause de la loi relative à la maîtrise d'ouvrage publique, dite "loi MOP", les députés n'ont pas cédé à la pression et ont adopté le texte.

 

Lors des débats, le secrétaire d'Etat Julien Denormandie a insisté sur le fait que le texte ne constituait en aucun cas "une remise en cause du rôle des architectes qui restent présents dans tous les cas de figure" car le code de l'urbanisme les impose.

 

Transformation de bureaux en logements


L'article 9 portant sur la transformation de bureaux en logements a également reçu l'aval de l'Assemblée. Mais là encore, le texte a essuyé des critiques. L'ancienne ministre du logement, Sylvia Pinel, y voyant "un recul important" car "il remet en cause les avancées de la loi égalité et citoyenneté qui avait permis que la mixité sociale soit un objectif dans la construction de logements". Le Gouvernement y voit au contraire "un progrès" alors que "jusqu'ici, les propriétaires de ces bureaux voulaient les laisser vacants". Sur cet "article important" alors qu'il y a "des centaines de milliers de mètres carrés de bureaux vacants dans les zones tendues", le secrétaire d'Etat Julien Denormandie a récusé tout "détricotage" de la loi SRU. S'agissant de la mixité sociale, il a souligné que "les autorisations restent dans la main du maire", notant aussi que dès lors qu'une commune est carencée en logements sociaux, les avantages ne s'appliquent pas.

 

Création d'une nouvelle catégorie d'immeuble


Article 10. Les députés ont voté la création d'une nouvelle catégorie d'immeuble de « moyenne hauteur » qui disposera de règles de sécurité incendie adaptées pour faciliter la mutation de bureaux en logements.

 

Lire notre article : "Loi Elan : que seront les nouveaux Immeubles de moyenne hauteur (IMH) ?"

 

Des dérogations à la loi Littoral finalement supprimées

 

Face aux critiques, les députés ont supprimé les dérogations permettant de construire ou d'installer des équipements collectifs dans les territoires ultra-marins et insulaires de métropole. Une suppression appuyée par Julien Denormandie qui a reconnu que la dérogation "n'avait pas été suffisamment circonscrite". Autre dérogation supprimée : celle qui étendait aux projets photovoltaïques ce qui est prévu actuellement pour les éoliennes. "Les projets solaires sont très fortement consommateurs d'espaces et sont particulièrement impactant du point de vue paysager", avait alors argumenté le gouvernement.

 

Enfin, pour ce qui concerne le "comblement des dents creuses", des parcelles vides situées entre deux bâtiments construits dans un même hameau, les députés ont également adopté plusieurs amendements du gouvernement voulant éviter "des interprétations malencontreuses". Cette "possibilité de densifier les formes urbaines intermédiaires entre le village et l'urbanisation diffuse" ne pourra pas "s'appliquer ni dans la bande des 100 mètres" (du littoral) ni "dans les espaces proches du rivage", selon ces amendements. Des amendements LR et LREM ont également été votés pour que ces constructions "soient réservées aux logements et aux services publics" d'une part et que "l'autorisation soit refusée" lorsqu'elles sont "de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages".

 

Lutter contre les recours abusifs


Article 24. Alors que les recours abusifs contre les permis de construire se multiplient et bloqueraient environ 33.000 projets en France, les députés ont voté le texte prévoyant de lutter contre les abus.

 

Réforme du logement social


=> Faciliter le regroupement des organismes
Articles 25 à 28.
Les députés ont voté en faveur du regroupement des 861 organismes sociaux. Jacques Mézard a défendu un texte "équilibré" et affirmé qu'il ne s'agissait pas d'un "exercice de fusions autoritaires", assurant aussi que "la politique de chacun des organismes conserve son lien avec la proximité".

 

=> Encourager les ventes de logements sociaux
L'article 29
, adopté par les députés, entend faciliter la vente de logements HLM aux locataires, pour atteindre les 40.000 ventes par an, contre 8.000 actuellement, et dégager ainsi, selon le gouvernement, des fonds pour créer de nouveaux logements. L'article a été adopté après de longs débats, par 62 voix contre 17 et malgré l'opposition des députés LR, LFI, socialistes et communistes.

 

La vente se fera au prix fixé par le bailleur, et non plus au prix estimé par le service des domaines. Les occupants des logements sociaux seront prioritaires à l'achat et la vente en bloc, c'est-à-dire par lot de plusieurs logements, sera autorisée à des acteurs privés. Si elle existe déjà dans les faits, la vente de logements sociaux "fonctionne mal", a jugé le ministre de la Cohésion des territoires Jacques Mézard, estimant qu'en atteignant les 40.000 logements vendus par an (1% des logements sociaux), "nous pourrions générer la construction de 100.000 à 120.000 logements sociaux".

 

Les logements vendus resteront comptabilisés pendant dix ans dans les quotas de logements sociaux des villes, même pour celles qui ne respectent pas les 25% de logements sociaux prévus par la loi SRU, malgré les critiques et les amendements de suppression présentés par l'opposition. Un amendement a en revanche été adopté pour "maintenir le droit de préemption exercé par une collectivité territoriale en direction de logements sociaux", alors que le gouvernement s'était d'abord opposé à la mesure, puis s'en est remis à l'avis de l'Assemblée.

 

Des logements évolutifs

 

Article 18. Malgré des critiques, l'Assemblée nationale a voté en première lecture le passage de 100% à 10% de logements accessibles aux personnes handicapées dans la construction neuve, les 90% restants devant être "évolutifs". "Le gouvernement est pleinement mobilisé" pour "la société d'inclusion" et la plupart des logements pourront évoluer tout au long de la vie via des travaux simples, en cas d'accident ou avec le vieillissement notamment, a justifié le secrétaire d'Etat Julien Denormandie.

 

Face aux vives critiques, Sophie Cluzel, la secrétaire d'État aux Personnes handicapées a précisé ce 4 juin sur RTL que "les 90% restants seront évolutifs", une notion qui va être "précisée dans un décret pour rassurer les personnes handicapées". "Nous sommes autour de la table avec les associations pour enlever le flou. Qu'est ce que ça veut dire un appartement évolutif ? Tout simplement que des travaux pourront être faits très facilement, à moindre coût, pour le moduler, et pas à la charge des personnes pour tout ce qui ressort des logements sociaux", a-t-elle expliqué. Elle a rappelé que les parties communes ou les toilettes resteront "totalement accessibles" et les habitants "pourront recevoir des personnes en fauteuil roulant", "on ne revient pas en arrière".

 

Bail mobilité


Article 34. Les députés ont approuvé ce 3 juin 2018 le nouveau bail mobilité de un à dix mois, destiné aux personnes en formation, études supérieures, stage, apprentissage ou mission temporaire professionnelle, mais dénoncé par la gauche comme un "bail précarité". Pour ce nouveau bail, non reconductible, aucun dépôt de garantie ne pourra être exigé par le propriétaire et le locataire pourra bénéficier de la garantie Visale (Visa pour le logement et l'emploi). Le gouvernement a justifié ce nouveau bail car "la demande de location de courte durée est en hausse à la fois chez les actifs et chez les étudiants, en raison du développement des mobilités professionnelles courtes, des formations et des stages qui, dans le cadre d'un cursus universitaire, ont de plus en plus lieu dans des zones géographiques distinctes du lieu d'étude".
Les députés ont par ailleurs adopté un amendement LREM visant à créer une nouvelle catégorie de résidence, à destination des jeunes actifs pour accueillir des jeunes qui ne sont pas pris en résidence universitaire.

 

Encadrement des loyers


Article 49. L'encadrement des loyers, créé sous François Hollande, pourra être expérimenté.

 

Carnet numérique maintenu dans le projet de loi


Article 55 Ter. Alors que la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale avait introduit le carnet numérique dans le projet de loi Elan, le Gouvernement avait déposé un amendement pour le supprimer. Mais les députés ont rejeté ce dernier maintenant ainsi le carnet numérique dans le projet de loi Elan. Lire notre article : "Le carnet numérique résiste à la volonté de suppression du Gouvernement".

 

Lutte contre les marchands de sommeil


Article 56. Les députés ont voté ce texte qui prévoit le renforcement de la lutte contre les marchands de sommeil, en rendant notamment obligatoires les peines complémentaires de confiscation des biens et d'interdiction d'acquisition de nouveaux biens immobiliers pour une durée de cinq ans.

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