PARLEMENT. Grandes opérations d'urbanisme, transformation de bureaux en logement, assouplissement de la loi littoral... les articles de la loi Elan font l'objet de vives discussions à l'Assemblée nationale.

L'examen du projet de loi Elan et ses très nombreux amendements a commencé à l'Assemblée nationale. Plusieurs sujets sont déjà source de crispations et de critiques. A commencer par l'article 1er concernant les opérations d'aménagement en matière d'urbanisme et vivement dénoncé par les architectes. Ce 31 mai 2018, les députés ont pourtant validé la création de deux nouveaux outils pour les grandes opérations urbaines : le projet partenarial d'aménagement (PPA) entre Etat et collectivités et la grande opération d'urbanisme (GOU) qui permettra de déroger à certaines règles de droit commun de l'urbanisme. Des amendements MoDem ou LR ont aussi cherché à supprimer la possibilité de déroger à la loi relative à la maîtrise d'ouvrage publique, dite "loi MOP", des députés invoquant notamment le besoin pour ces opérations d'être "exemplaires".

 

 

Une critique balayée par Jacques Mézard qui le redit : "Le message est clair : il ne s'agit aucunement de remettre en cause la qualité architecturale", de faire qu'il n'y ait plus d'architecte dans la conception, ce qui serait "ridicule". Un argument soutenu par Jean-Christophe Lagarde (UAI) qui a dit comprendre que "l'Ordre des architectes s'émeuve de dérogations", mais a affirmé que "les pires horreurs urbanistiques ont été construites" à partir de la loi MOP, louant le "courage" du gouvernement qui "résiste à un lobby puissant".Une remarque qui risque de faire bondir les architectes, déjà très en colères.

 

D'autres amendements de divers bords, pour empêcher de déroger à la loi MOP pour réaliser des bâtiments publics (écoles, gymnases, etc.) avec des fonds publics, ont aussi été rejetés. Le secrétaire d'Etat Julien Denormandie a de nouveau insisté sur le fait que le texte ne constituait en aucun cas "une remise en cause du rôle des architectes qui restent présents dans tous les cas de figure" car le code de l'urbanisme les impose.

 

Craintes autour de la transformation de bureaux en logements

 

L'article 9 portant sur la transformation de bureaux en logements a également reçu l'aval de l'Assemblée. Mais là encore, le texte a essuyé des critiques. Par exemple, l'ancienne ministre du logement, Sylvia Pinel, voit dans cet article "un recul important" car "il remet en cause les avancées de la loi égalité et citoyenneté qui avait permis que la mixité sociale soit un objectif dans la construction de logements". Le député socialiste, François Pupponi, craint lui que cela n'empêche la mixité. Quant à l'Insoumis Eric Coquerel, il voit dans cette disposition "une petite touche qui parsème cette loi et qui entame la loi SRU dans ses fondamentaux".

 

Réponse du gouvernement, par la voix de Jacques Mézard : "Ce que nous proposons est un progrès" alors que "jusqu'ici, les propriétaires de ces bureaux voulaient les laisser vacants". Sur cet "article important" alors qu'il y a "des centaines de milliers de mètres carrés de bureaux vacants dans les zones tendues", le secrétaire d'Etat Julien Denormandie a récusé tout "détricotage" de la loi SRU. S'agissant de la mixité sociale, il a souligné que "les autorisations restent dans la main du maire", notant aussi que dès lors qu'une commune est carencée en logements sociaux, les avantages ne s'appliquent pas.

 

Des dérogations à la loi Littoral finalement supprimées

 

Autre sujet délicat : les dérogations à la loi Littoral. Mais cette fois, les députés ont supprimé ou réduit la portée de plusieurs d'entre elles qui avaient été votées par la majorité en commission. Ils ont ainsi supprimé les dérogations permettant de construire ou d'installer des équipements collectifs dans les territoires ultra-marins et insulaires de métropole. Une suppression appuyée par Julien Denormandie qui a reconnu que la dérogation "n'avait pas été suffisamment circonscrite". Autre dérogation supprimée : celle qui étendait aux projets photovoltaïques ce qui est prévu actuellement pour les éoliennes. "Les projets solaires sont très fortement consommateurs d'espaces et sont particulièrement impactants du point de vue paysager", a argumenté le gouvernement.

 

 

Enfin, pour ce qui concerne le "comblement des dents creuses", des parcelles vides situées entre deux bâtiments construits dans un même hameau, les députés ont également adopté plusieurs amendements du gouvernement voulant éviter "des interprétations malencontreuses". Cette "possibilité de densifier les formes urbaines intermédiaires entre le village et l'urbanisation diffuse" ne pourra pas "s'appliquer ni dans la bande des 100 mètres" (du littoral) ni "dans les espaces proches du rivage", selon ces amendements. Des amendements LR et LREM ont également été votés pour que ces constructions "soient réservées aux logements et aux services publics" d'une part et que "l'autorisation soit refusée" lorsqu'elles sont "de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages".

 

L'Unsfa Ile-de-France interpelle Julien Denormandie
Alors que le secrétaire d'Etat, Julien Denormandie a défendu (28 mai 2018) la loi Littoral estimant que "c'est un acquis qu'il ne faut absolument pas remettre en cause", Didier Chinardet, président de l'Unsfa Ile-de-France profite de l'occasion pour mettre cela en parallèle avec ce qui pourrait se passer pour le concours d'architecte et la loi MOP. Il interpelle Julien Denormandie : "Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez raison ! A propos du projet de loi Elan, en persistant à vouloir supprimer le concours d'architecture, la loi MOP […] vous êtes en train de céder à des impératifs économiques au détriment de l'architecture, du cadre de vie, de la qualité et de l'innovation dans le logement". Pour Didier Chinardet, "il est temps d'écouter les architectes". Leur raisonnement est le même que celui du secrétaire d'Etat sur la loi Littoral, fait-il valoir.

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