Les deux-tiers des salariés du BTP sont exposés à des produits chimiques, et méconnaissent souvent l'existence de risques associés. L'identification des substances, de leur nocivité et les moyens de s'en prémunir sont donc primordiaux. Explications avec Dominique Payen, le responsable du pôle Risque chimique Environnement à l'OPPBTP.

Une nouvelle réglementation sur l'étiquetage des produits chimiques (substances simples ou mélanges) est entrée en vigueur ce lundi 1er juin 2015. L'occasion pour l'OPPBTP (Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics) de faire le point sur le risque chimique dans le secteur de la construction, lié à l'utilisation de produits manufacturés ou à des nuisances liées aux travaux. Dominique Payen, responsable du domaine Risque chimique Environnement, explique : "Selon les derniers chiffres, qui datent de 2010, les 2/3 des salariés du BTP sont exposés à des produits chimiques et 1/3 à plusieurs produits différents (au minimum trois)". Un danger parfois invisible et insidieux, qui entraîne l'apparition de maladies professionnelles comme des allergies ou des cancers.

Les poussières considérées comme risque chimique

Le spécialiste liste les composés et mélanges le plus souvent rencontrés. Outre certaines substances (voire l'encadré), l'exposition à des fumées, gaz ou poussières (de bois, de silice, etc.) est également considérée comme un danger. "Le risque est égal à un danger identifié multiplié par une période d'exposition, ce qui peut engendrer des incidents voire des accidents", détaille Dominique Payen. Les effets, qui peuvent être immédiats comme une brûlure à l'acide, sont parfois différés, aggravés par une durée d'exposition plus longue mais répétée. "En plus de la fréquence, qui peut être exprimée en jours, semaines, mois ou années, le mode d'application du produit a également une influence. Une mise en œuvre manuelle aura moins d'impact qu'une mise en œuvre mécanisée qui met en suspension des gouttelettes par exemple", précise-t-il.

 

L'étiquetage des substances est donc indispensable afin de bien appréhender les dangers. Des nouveaux pictogrammes font leur apparition aux côtés des mentions de danger ("phrases H" pour "hazard") et des conseils de prudence ("phrases P" pour "precaution"). Autre source d'information, les fiches de données de sécurité (FDS) réglementaires, qui doivent accompagner les produits livrés et contiennent 16 points différents (identification, composition, premiers secours, mesures de lutte contre l'incendie, manipulation et stockage, propriétés physico-chimiques, stabilité et réactivité, toxicologie, etc.). "La réglementation sur le risque chimique repose sur de très nombreux décrets du Code du travail", détaille Dominique Payen qui rappelle l'importance de la médecine du travail dans la bonne application des fiches des postes, le suivi des aptitudes des travailleurs ou l'information.

Mettre à jour le DU et instaurer un plan d'actions

"De plus, il faut un plan d'actions efficace et précis", souligne le spécialiste. Il énumère différents points, dont la nécessité de substituer aux produits dangereux des substances moins nocives pour la santé et l'environnement, celle de stocker et transporter les produits chimiques avec soin, d'adapter les modes opératoires sur les chantiers et de prévoir des installations spécifiques en termes de ventilation ou d'équipements (sas, vestiaires, douches de décontamination). "Les équipements de protection individuels appropriés - combinaisons, masques, gants, lunettes - constituent la dernière barrière et sont généralement bien distribués", remarque le responsable de l'OPPBTP.

 

Dominique Payen rappelle, enfin, l'importance de bien établir et compléter la partie "Risque chimique" du Document unique (DU) tout en formant les collaborateurs. L'Organisme de prévention a notamment mis en ligne un nouvel outil interactif, dans son espace "e-prévention". "Il est testé depuis trois mois par des entreprises, comme des filiales de Colas ou des PME, et permet de simplifier l'édition d'inventaires de produits et d'évaluation des risques". Basé sur la méthode de l'INRS (ND 2233), il permet de mettre en évidence les situations de travail qui nécessitent la mise en œuvre d'actions de prévention. La base de données, qui contient une pré-liste succincte des substances les plus utilisées par les métiers du bâtiment, sera ensuite enrichie par les utilisateurs eux-mêmes. L'OPPBTP étudie la possibilité d'extraire directement des données depuis les FDS fournies par les fabricants de produits chimiques.

 

Principales substances rencontrées dans le bâtiment :
- solvants organiques, utilisés en nettoyage/décapage et dans les peintures ;
- acides forts (chlorhydrique, nitrique, sulfurique, fluorhydrique) ;
- bases fortes (soude, ammoniaque, ciment frais) ;
- résines dans les peintures, vernis, colles et joints (acrylique, glycérophtalique, époxydique, polyuréthane)
- produits noirs comme l'asphalte ou le bitume ;
- huiles de coffrage et démoulage pour le béton banché ;
- produits pour le traitement du bois.

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