Amélioration de la connaissance du parc immobilier, refonte de la gouvernance, mutualisation, extension du champ de la politique immobilière et insuffisance des opérations de rénovation énergétique: des impératifs ont été rendus publics dans un référé de la Cour des comptes adressé au Premier ministre le 30 décembre dernier. Manuel Valls y répond.

Dans un référé adressé au Premier ministre le 30 décembre dernier et rendu public ce jeudi 19 mars, la Cour des comptes a formulé quatorze recommandations pointant du doigt la programmation de la politique immobilière du Gouvernement. Les Sages de la rue Cambon, qui contrôlent depuis quelques années la mise en œuvre de cette politique, estiment que les finalités de la "politique immobilière de l'Etat (PIE) mériteraient d'être mieux définies compte tenu de possibles interférences avec d'autres politiques publiques et de l'absence d'une doctrine d'emploi claire de l'immobilier". Ils demandent aussi une consolidation de la position de France Domaine et un recentrage de ses missions.

 

Avant d'enfoncer le clou : "La maîtrise des données techniques et de la gestion physique des bâtiments occupés par l'État demeure lacunaire et doit encore être perfectionnée."

Les impératifs listés par les magistrats

Finalement, les experts relèvent ainsi plusieurs impératifs à travers les propositions principales : "Mieux en préciser les finalités, resserrer sa gouvernance, parfaire la connaissance du parc immobilier, poursuivre la rationalisation des implantations, affiner l'analyse des coûts, clarifier l'architecture budgétaire, améliorer la programmation des opérations et traiter des sujets, encore pendants, comme celui de l'insuffisance des ressources pour la conservation en bon état du parc."

 

La Cour des comptes estime ainsi que les recettes de l'Etat découlant de la gestion de son foncier, déjà en baisse, risquent de souffrir encore avec le choix gouvernemental de céder terrains ou bâtiments à bas prix pour la construction de logements.

 

Dans ce dernier document controversé, la Cour des comptes explique qu'entre 2005 et 2012, "les recettes de cession ont atteint 5,13 milliards d'euros" (soit quelque 641 millions d'euros par an en moyenne), alors qu'elles n'ont rapporté que 391 millions d'euros en 2013.

 

Pour rappel : l'année 2013 a été marquée par une baisse du marché immobilier et, contrairement aux huit années précédentes, n'a pas été touchée par une réorganisation administrative d'ampleur comme par exemple la fusion entre la Direction Générale des Impôts (DGI) et la Direction Générale de la Comptabilité Publique (DGCP).

 

Par conséquent, les magistrats de la Cour des comptes craignent que ces recettes ne s'amenuisent encore avec l'"accroissement de la contribution demandée au foncier public pour le développement du logement social devenu prioritaire" depuis la loi, en janvier 2013, sur la cession du foncier public. Par ailleurs, la Cour regrette que l'affectation au désendettement de l'Etat, des recettes issues de la gestion du foncier public ait été moindre que prévu. "Les versements ont été en moyenne de 11,4% au lieu de 15% entre 2005 et 2011 puis de 17,8% au lieu de 25% en 2013", a-t-elle détaillé.

 

Selon la Cour, "l'Etat occupe, en 2013, 67,2 millions de m² de surface utile brute, dont 18,2 millions de m² de bureaux". A noter que ses opérateurs (universités, musées, etc) occupent 34 millions de m² dont 4,4 millions de bureaux.

Les programmes de rénovation énergétique épinglés

Par ailleurs, les programmes de rénovation énergétique sont épinglés dans ce dernier référé, d'autant plus que l'obligation de rénovation énergétique du parc tertiaire, privé et public, est devenue la priorité numéro un : les travaux de rénovation visant à réduire d'au moins 40 % les consommations d'énergie et d'au moins 50 % les émissions de gaz à effet de serre, enclenchées dès 2012 à partir des lois Grenelle I et II de 2009 et 2010, sont jugés insuffisants.

 

"L'État n'a pas les moyens financiers de ces ambitions", martèle la Cour des comptes pour respecter les objectifs des dernières lois du Grenelles, c'est-à-dire engager 17 milliards d'euros en travaux, soit 2 milliards d'euros par an.

 

Autre chiffre à retenir : "Entre 2012 et le PLF 2014, les crédits pour l'entretien lourd baissent de 26,3 % et ceux pour l'entretien courant de 17 %", poursuit la note alarmiste de la Cour des comptes. Au final, les crédits du programme 309 "Entretien des bâtiments de l'Etat", sont également jugés limités dans ce référé et n'ont permis, d'après ce document, "ni de financer les travaux de mise aux normes, ni même d'assurer un entretien préventif suffisant. Cette situation ne favorise pas la réduction des dépenses courantes et induit un report de charges sur les périodes futures".

 

Flécher le financement d'actions prioritaires

Malgré ces notes négatives, le président de la Cour des comptes, Didier Migaud, se veut encourageant sur les schémas directeurs immobiliers régionaux (SDIR) qui doivent succéder aux Schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI). "Une telle vision est nécessaire à la fois pour flécher le financement d'actions prioritaires dans le domaine immobilier et pour définir des objectifs chiffrés et pluriannuels d'économie, constate la Cour des comptes. Ces tableaux de bord permettraient de suivre l'exécution annuelle des programmations stratégiques et de les réajuster au besoin à partir de l'analyse des résultats."

La réponse de Manuel Valls

Dans une lettre réponse, le Premier ministre Manuel Valls reconnait que "les analyses développées par la Cour sur les résultats et les marges de progrès sont particulièrement pertinentes". Et d'ajouter : "Il en sera tenu compte dans les améliorations à venir de la conduite de cette politique publique". Le rendez-vous est déjà fixé dans quelques mois pour évaluer les progrès ou les reculs enregistrés.

 

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