Devant 4.000 entrepreneurs du BTP réunis pour la convention de la FFB, le Premier Ministre a exalté les valeurs de l’entreprise et du travail manuel en déclarant «qu’il existe aussi une intelligence de la main».

La petite phrase a fait son effet sur les 4.000 adhérents de la FFB réunis vendredi 5 mars au Palais des Congrès de la porte Maillot à Paris. "Puisque le débat sur l'intelligence est posé dans notre pays, il existe aussi une intelligence de la main et elle n'a pas de complexe à avoir, cette intelligence de la main, parce que elle, elle communique directement avec le coeur", a déclaré M. Raffarin.
Le premier ministre entendait réagir au débat lancé par l'hebdomadaire Les Inrockuptibles, qui a accusé le gouvernement de mener "une guerre à l'intelligence". Quelques 70.000 enseignants, architectes, cinéastes, chercheurs, magistrats, avocats, écrivains ou intermittents du spectacle ont en effet signé un appel contre "la guerre à l'intelligence" menée, selon eux, par le gouvernement et qu'avait publié l'hebdomadaire.

"Nous avons besoin de l'intelligence de la main, le travail manuel est souvent un travail d'excellence" a ajouté le premier Ministre. "J'ai rarement vu des meilleurs ouvriers de France, j'ai rarement vu des artisans de haut niveau, des entrepreneurs de grande qualité qui étaient capables de mener les chantiers les plus fins, les plus sophistiqués (et) être par ailleurs des gens qui n'avaient pas une conscience intellectuelle et une capacité cérébrale particulièrement développées", a ajouté le Premier ministre devant 8.000 professionnels du bâtiment.

"L'intelligence de la main dans le pays, nous devons ensemble la revaloriser", a plaidé M. Raffarin alors que les professionnels du bâtiment sont confrontés au quotidien à des problèmes de recrutement, dus à des départs massifs à la retraite dans les prochaines années et à une mauvaise image du secteur.
"Les compétences de nos salariés sont la première ressource des entreprises. Ces compétences, elles passent d'abord par le recrutement des jeunes, des hommes et des femmes que nous aurons su convaincre de construire leur vie professionnelle avec nous", a rappelé de son côté Christian Baffy, président de la Fédération française du bâtiment qui chiffre, pour 2004, à 75.000 personnes les besoins de renouvellement des effectifs dans le secteur pour faire face aux prochains départs en retraite.
"La courbe des âges est explosive. 20% des employés les plus qualifiés vont partir à la retraite et la pénurie va s'aggraver", a averti pour sa part Marc Bony, chef d'entreprise.

Christian Baffy a toutefois tenu à rappeler au Premier Ministre qu’en "matière d’emploi, la profession est en pointe". "Nos entreprises ont recruté 25.000 contrats jeunes sans diminuer pour autant leur effort pour l’apprentissage" a expliqué Christian Baffy. Le patron des patrons du BTP croit même pouvoir embaucher d’ici 5 ans 30.000 femmes dans le secteur, soit "trois fois plus que nous n'en avons aujourd'hui". Enfin, toujours en matière d’emploi, le président de la FFB a souhaité «donner l’exemple" et a pris l’engagement de "recruter 1.500 RMA avant la fin de l’année".

Ce soutien franc et massif de la politique économique et sociale du gouvernement, Christian Baffy ne s’en est pas caché. En cette période électorale, M. Baffy a exalté les valeurs de la libre entreprise alors que selon lui, la France est "un pays qui n’aime pas ses patrons", "un pays qui n’aime pas ses entreprises", "un pays qui soupçonne la richesse et diabolise le profit".

"Les actions menées par votre gouvernement montrent que vous partagez bon nombre de nos conviction" a toutefois déclaré Christian Baffy en s’adressant au premier ministre. Et le président de la FFB de citer l'expérience prorogée pour deux ans d'un abaissement à 5,5% de la TVA pour les métiers du bâtiment ou la réforme de la taxe professionnelle (TP) annoncée par le président de la République et décriée par les patrons depuis son instauration en 1975.

Le président de la FFB a également profité de sa tribune pour fustiger la réforme des 35 heures, "une loi scélérate aux effets ravageurs".
"Qui se souvient que les grands illusionnistes des 35 heures chiffraient de 700.000 à 1.400.000 le nombre d'emplois censés être créés par ce tour de passe-passe?", a ironisé M. Baffy. "Nous savons tous ici que si le bâtiment a créé 110.000 emplois en 4 ans, c'est bien grâce à la croissance, à la TVA à 5,5% et non à la RTT", a-t-il dit.

"Ce ne sont pas les lois qui créent l’emploi, mais les carnets de commandes" a expliqué Christian Baffy en rappelant que "le niveau de l’activité exigeait une réduction drastique des dépenses de fonctionnement". "Votre gouvernement a commencé à changer de cap et nous sommes les premiers à vous en féliciter. La traversée sera longue et les sirène du social à tout crin chantent parfois jusque dans votre majorité" a tenu à rappeler Christian Baffy.
Le président de la FFB évoquait notamment la "menace" pour les entrepreneurs du BTP de voir leurs charges salariales augmentées d’une taxe de 0,15% de la masse salariale qui servirait à financer le dialogue social, mesure soutenue notamment par la Capeb, l’autre syndicat patronal. "Les entrepreneurs n’ont ni envie, ni besoin d’un syndicat ligoté par des subventions" a déclaré Christian Baffy. "Notre indépendance n’est pas à vendre. Elle n’a pas de prix... fût-il de 0,15% de la masse salariale des entreprises salariales" a-t-il ajouté.

Malgré cette absence de réponse sur ce point sensible, le Premier Ministre n’est pas venu les mains complètement vide et a promis de réformer la procédure de recours abusive en annulation de permis de construire.
Selon le Premier Ministre, ces procédures, souvent lancées à l’initiative d’associations de riverains, sont de plus en plus courantes et bloquent ne nombreux permis. Le gouvernement devrait annoncer une modification de ce texte, en "responsabilisant" davantage les personnes qui décident d’engager ce type de recours.

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