NUMÉRIQUE. Le secrétaire d'État à la Cohésion des territoires a dévoilé sur le salon BIMWorld, le nom et les fonctionnalités de la plateforme de travail collaboratif à destination des professionnels de la construction. Un nouvel outil gratuit qui doit permettre l'adoption du BIM dans le bâtiment, y compris dans les plus petites structures.

Julien Denormandie en est convaincu : "Numérique et bâtiment sont deux mots qui vont très bien ensemble." Pour le prouver, il a présenté, ce 29 mars 2018, Kroqi, la plateforme de travail collaboratif, gratuite et publique, pour les professionnels de la construction. Le secrétaire d'État auprès du ministre de la Cohésion des territoires explique : "Avec Jacques Mézard, nous avons entrepris de lancer la loi logement dite Elan, qui porte entre autres sur la question fondamentale du numérique dans le développement de logements."

 

Les deux responsables souhaitent favoriser l'éclosion de toutes les initiatives autour du BIM et de la transition digitale en cours, afin que le secteur du bâtiment adopte de nouveaux outils tout en maintenant la qualité du bâti. "D'où l'idée de cette plateforme pour les TPE/PME, annoncée sur Batimat et conçue à partir des besoins des artisans", martèle le secrétaire d'État, pour que ces plus petites entités rattrapent une partie de leur retard sur les plus grands groupes. Pour Julien Denormandie, cette évolution inéluctable vers le numérique constitue "une formidable opportunité" puisque la France "dispose de tous les acteurs, d'une dynamique économique retrouvée et qu'elle représente un facteur de compétitivité".

Un Kroqi pour convaincre les petits

Mais que représente vraiment Kroqi ? Julien Soula, le directeur de la plateforme pour le CSTB, répond : "La plateforme présente différentes fonctionnalités déployées en deux temps. Tout d'abord des services collaboratifs." L'expert précise qu'il s'agit d'un espace de travail sécurisé par un login et un mot de passe, qui permet de partager des informations avec tous les participants d'un projet de construction. Outre des possibilités de tchat et de visioconférence, la plateforme gère la traçabilité des documents (devis, appels d'offres…) et organise le travail collaboratif grâce à un agenda et l'assignation de tâches spécifiques aux membres du projet. "Elle ressemble aux outils habituels type Google Agenda et Doodle, pour ne pas perdre les utilisateurs."
Ensuite, Kroqi propose des fonctionnalités plus avancées, orientées vers le BIM. Julien Soula reprend : "Là, ce sont des services apportés par des éditeurs tiers, sélectionnés par appel à manifestation d'intérêt."

 

Ces services proposent notamment un gestionnaire de protocole afin de s'assurer que toutes les règles sont bien respectées par les différentes maquettes numériques métiers. Un autre service consistera à assister les entreprises à remplir des permis de construire. "On extrait les surfaces habitables de la maquette numérique pour remplir automatiquement le Cerfa", révèle le spécialiste. Plusieurs sociétés avaient été retenues dans le cadre du premier AMI (WiseBIM, Abyla, Edificius et BatiChiffrage), tandis que huit autres* ont été révélées ce 29 mars 2018 par Bertrand Delcambre, le président du PTNB.

La tablette comme outil pédagogique

Deux professionnels, qui ont testé la plateforme Kroqi, racontent leur expérience. Nicolas Chabrand, chef d'une entreprise de maçonnerie et représentant de la FFB, a utilisé à la fois le vérificateur («checker») et le visualisateur BIM («viewer»). Il relate : "Au moins, tout le monde voit la même chose sur la plateforme collaborative. Le travail est mieux fait, plus vite et moins cher. C'est un outil au service des entreprises qui peut être utilisé même uniquement en interne (BIM de niveau 1), dès le début des études." De son côté, David Morales, artisan plaquiste et référent BIM à la Capeb, estime que la plateforme est "un outil fiable et de confiance, qui fait gagner du temps aux professionnels, notamment au moment de rédiger des devis". Et les deux chefs d'entreprises assurent que les tablettes sont les outils idéaux pour favoriser l'adoption des nouveaux modes de travail collaboratifs au sein de leurs équipes.


L'indispensable digitalisation

 

Le secrétaire d'État a expliqué que la démarche Kroqi s'inscrivait dans une logique d'incitation à la transition numérique dans le bâtiment, plus productive que la coercition selon lui : "Si vous le faites [passer au BIM], vous y trouverez un intérêt ! Mais on n'impose pas une bonne idée." Pour Julien Denormandie, il est nécessaire de passer d'une économie du rattrapage à une économie de l'innovation et donc, de la donnée. Il a tenu à tranquilliser les professionnels les plus inquiets sur leur utilisation : "La Cnil veille et nous surveillons les Gafa pour qu'ils n'utilisent pas ces données personnelles à d'autres fins que celles pour lesquelles les utilisateurs ont signé."
Afin d'encourager les entreprises à partager ces fameuses données, il a cité l'exemple du CSTB Lab qui mettra les siennes à disposition des startups pour qu'elles développent des services. De son côté, Bertrand Delcambre a salué le travail réalisé jusqu'ici par cet organisme et les autres intervenants : "Mais il ne faut pas en rester là. Il y a une effervescence dans le monde des outils numériques, un foisonnement pour répondre aux besoins de tous les acteurs", évoquant le développement d'outils spécifiques à chaque métier qui pourraient être proposés dans le cadre de la 3e vague de l'appel à manifestation d'intérêt. L'accent sera mis sur l'interopérabilité et l'ergonomie des solutions.

 

Interrogé sur l'absence du carnet numérique du projet de loi Elan, le secrétaire d'État répond : "Il y a eu des discussions juridiques qui ont fait qu'il est absent. Il faut encore le sécuriser sur ce plan. Mais c'est un autre outil du numérique pour le bâtiment." Julien Denormandie a rappelé que d'autres aspects digitaux figurent dans le texte réglementaire, comme le bail numérique ou la dématérialisation des documents de construction et d'urbanisme. Le projet de loi sera discuté la semaine prochaine en Conseil des ministres.

 

(*) Archic, Atlibitum, Attestis, Bimeo, datBIM, e-btp, Quartus, Tamaplace, Ubat et le CSTB.

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