Anne-Sophie Hainsselin est chargée de mission urbanisme durable à la Direction de la Stratégie et du Développement des Programmes de l'ANRU

Batiactu : Dans le cadre de l'appel à projets, les lauréats sont ceux qui, pour les jurys, répondaient le mieux à la question "Qu'est-ce qui fait la qualité urbaine, architecturale et paysagère dans les projets de rénovation ?". Au vu des résultats et selon votre propre expérience, qu'est-ce qui caractérise selon vous un projet urbain durable ?
Anne-Marie Hainsselin : L'urbanisme durable se traduit, selon moi, au travers d'un projet de territoire à l'échelle d'une agglomération, articulant au mieux les enjeux sociaux, économiques et environnementaux de la ville et de son territoire environnant : la compétitivité économique, l'éco-efficience, la cohésion sociale. L'exercice réalisé au travers de cet appel à contributions plutôt d'appréhender la question du projet urbain durable. Et au vu des résultats, un projet urbain durable est, selon moi, un projet de renouvellement urbain qui est : adapté au site, s'appuyant sur une bonne connaissance de ses atouts et ses contraintes - d'où l'importance du diagnostic urbain et social ; à la hauteur des enjeux du site - fonction et inscription du quartier dans la ville ; qui articule les différentes échelles de projet, spatiales et temporelles ; qui est élaboré et mis en œuvre de manière partenariale, en prenant en compte les avis des habitants à toutes les étapes du projet ; et enfin, qui intègre dès l'amont, les enjeux de gestion future et les questions environnementales.

 

Batiactu : Sur l'ensemble des projets, voyez-vous justement des points communs, des tendances particulières qui ressortent plus fortement ?
Anne-Marie Hainsselin :Parmi les points forts dans les contributions on note :
- que les dossiers de candidature reflètent une grande diversité de situations urbaines et de projets - des productions de logements qui peuvent être marquées par leur époque, mais pas par le programme ANRU en tant que tel. Il ne semble donc pas y avoir de standardisation, comme nous aurions pu le craindre ;
- que des progrès ont été faits par tous : les acteurs du projet ont appris à partager une même culture du projet urbain, acquise par l'expérience, ce qui est une grande richesse ;
- que les porteurs de projet - les collectivités - et les maîtres d'ouvrage ont su redonner du sens, de la cohérence dans des projets structurés, même dans des contextes de grande complexité ;
- et qu'enfin, les projets ont permis de redonner un statut aux espaces, avec une meilleure compréhension de la relation entre sol et bâti : les espaces publics et privés ont fait l'objet d'un traitement souvent très qualitatif.

 

Batiactu : Quelles sont les marges de progrès ?
Anne-Sophie Hainsselin :Les dossiers n'ont pas toujours suffisamment mis en avant la manière dont les projets s'appuyaient sur les identités des sites, sur les atouts et contraintes du territoire, et la manière dont ils articulaient les différentes échelles du territoire - quartier, ville, agglomération. La dimension environnementale pourrait quant à elle être également mieux appréhendée, elle est souvent limitée à la seule performance du bâti. Enfin, le travail sur l'appropriation des espaces par les habitants, sur leurs usages arrive parfois un peu tard... Il y aurait encore des progrès à faire pour mettre en œuvre une concertation adaptée à toutes les étapes du projet et à prendre en compte l'expertise d'usage des habitants.

 

Batiactu : Une mention spéciale pour Pointe à Pitre, un prix spécial pour Saint-Denis : pourriez-vous nous en dire plus ?
Anne-Sophie Hainsselin :C'est une volonté de l'ANRU et de ses partenaires de donner une place aux habitants des quartiers dans cette démarche. Les contributions (donc les dossiers de candidature) devaient en effet : exprimer la diversité des points de vue sur la qualité urbaine, architecturale et paysagère, y compris ceux des habitants et usagers du quartier ; présenter les dispositifs de concertation mis en place et leurs résultats/effets sur la qualité du projet ; et enfin, préciser ce que la collectivité mettrait en place avec le soutien financier si elle était lauréate - actions associant les habitants. Un jury des habitants a été organisé, permettant ainsi de reconnaître, au niveau national, leur expertise d'usage. Les 10 projets sélectionnés par le jury des professionnels leur ont été présentés.

 

Batiactu : En quoi les villes de Saint-Denis et Pointe-à-Pitre se sont distinguées ?
Anne-Sophie Hainsselin :Les habitants ont souhaité remettre leur prix au projet de Saint-Denis parce qu'ils ont notamment apprécié la participation des habitants et son inscription dès le départ comme un aspect déterminant dans sa réussite. En effet, la ville a souhaité impliquer les habitants dès la conception du projet, jusqu'à sa réalisation. Une concertation adaptée aux opérations et aux différents publics et qui a porté ses fruits : leur avis a été pris compte dans le choix des grandes options urbaines.

 

Les habitants ont également souhaité mettre en avant le projet de Pointe-à-Pitre et ont demandé que soit décernée une mention spéciale à ce projet de renouvellement urbain 'différent', pensé pour retrouver l'attractivité perdue du centre-ville et faire revenir les habitants et les commerces. Ils ont insisté sur l'importance de la question de l'identité dans la qualité urbaine : rendre la fierté aux habitants et à tous ceux qui vivent et travaillent dans la ville.

 

Batiactu : Quelle suite à ces prix ? Pouvez-vous nous en dire plus sur le programme d'animation et de qualification des acteurs de la rénovation urbaine qui suit cet appel à projets ?
Anne-Sophie Hainsselin : Nous préparons en ce moment ce programme d'actions. Nous avons d'ores et déjà envisagé, sur la période automne 2011 - été 2012 : la publication d'un ouvrage pour valoriser l'ensemble des contributions et capitaliser sur les premières réflexions ; des workshops d'une journée avec visite de site ; des ateliers sur Paris pour approfondir quelques thèmes et dégager des bonnes pratiques qui permettront d'enrichir les réflexions de l'ANRU sur ces questions.

 

L'ensemble des contributions pourra également nourrir à la fois les journées d'échanges - organisées soit au niveau local par l'Anru, soit au niveau national par nos partenaires - et le programme de formation de l'Ecole de la rénovation urbaine (ERU).

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