ÉNERGIES RENOUVELABLES. Le ciel se dégage pour l'industrie française du photovoltaïque, qui s'appuie sur des perspectives de marché très bien orientées et sur le renforcement de nouveaux acteurs. La filière est notamment encouragée par la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et l'essor de l'autoconsommation.

Un ciel sans nuages pour la filière solaire tricolore : c'est ce qui ressort d'une étude de Xerfi-Precepta intitulée "Le marché de l'énergie photovoltaïque à l'horizon 2023. Nouvelle PPE (Programmation pluriannuelle de l'énergie, ndlr), offensive des grands énergéticiens, essor de l'autoconsommation et des PPA (contrats de longue durée par lesquels le consommateur achète directement son énergie auprès du producteur, ndlr) : quelles perspectives pour le marché et le jeu concurrentiel ?". Pour les analystes, les perspectives du marché français du solaire demeurent très bien orientées grâce au plan "Place au soleil" lancé par le Gouvernement en juin 2018 et la publication de la première mouture de la PPE à la fin de l'année dernière. Les appels d'offres pour les centrales photovoltaïques au sol et sur toitures ont du coup doublé entre 2019 et 2023 par rapport à la période 2017-2018. Partant de là, les spécialistes tablent sur une croissance rapide qui permettrait d'atteindre 19 GW de puissance installée en 2023, contre 24,6 GW dans l'éolien terrestre et 25,5 GW dans l'hydraulique.

 

 

Grandes centrales au sol, grandes toitures et autoconsommation devraient tirer le marché

 

Le rythme de raccordement actuel est d'environ 900 MW par an, et pourrait bien dépasser les 3 GW en 2023, contre 2 GW pour l'éolien terrestre. Pour Xerfi-Precepta, la croissance du marché sera principalement tirée par la construction de grandes centrales au sol qui doivent faire l'objet d'appels d'offres d'une puissance de 2 GW chaque année dès 2019. Les grandes toitures devraient aussi représenter un segment porteur, sans oublier l'autoconsommation qui a particulièrement le vent en poupe dans le secteur résidentiel. En effet, les particuliers affichent un intérêt grandissant pour ce mode de production à cause d'une hausse des prix de l'énergie et dans l'optique de l'intégrer à des travaux de rénovation énergétique mais également de construction neuve.

 

"En plein essor, l'autoconsommation se prépare à changer de dimension", souligne Pierre Paturel, directeur d'études chez Xerfi-Precepta. "Au premier trimestre 2019, le parc français d'installations en autoconsommation (partielle ou totale) a dépassé les 46.000 unités. Un chiffre anecdotique mais en très forte croissance grâce au marché résidentiel. Cette tendance est le reflet de la baisse des coûts des installations, des hausses régulières des prix de l'électricité et enfin du développement rapide de la conscience écologique dans le pays."

 

 

Les prévisions de Xerfi sur le décollage de l'énergie photovoltaïque en France métropolitaine

 

En se basant sur le Panorama de l'électricité renouvelable, l'étude estime que l'Hexagone devrait atteindre en 2019 les 9.500 MW de puissance installée et cumulée pour le parc de centrales photovoltaïques. En 2020, ce chiffre grimperait à 11.000 MW, puis 13.000 MW en 2021, 15.800 MW en 2022 et 19.000 MW en 2023.

 

 

En termes de positionnement marché, les fournisseurs historiques EDF et Engie bénéficient évidemment d'un avantage non-négligeable sur le segment des installations photovoltaïques pour l'autoconsommation : "leur base de données incomparable sur les clients potentiels" est un atout, toutefois contrebalancée par "une réputation négative auprès des 'early adopters' [adopteurs précoces, ndlr] qui, très sensibles à l'écologie, préfèrent se tourner vers les spécialistes des énergies renouvelables". En outre, de nouveaux acteurs émergent sur le marché, que ce soit des structures proposant des offres complètes issues de l'efficacité énergétique, à l'instar d'Effy, ou des spécialistes de systèmes de stockage/pilotage de l'énergie, comme les jeunes pousses françaises Comwatt et My Light Systems.

 

Une "réalité ambigüe" entre les acteurs historiques et les nouveaux spécialistes

 

 

Ceci dit, les PPA, ou contrats d'achat direct d'électricité, constituent un autre élément-clé dans la transition qui s'opère sur le marché de l'électricité, en misant sur la décentralisation de la production et de la consommation et sur les énergies renouvelables. "Encore émergents dans l'Hexagone, ces PPA seront d'autant plus plébiscités qu'ils répondent à des besoins des clients pour améliorer leur RSE (Responsabilité sociétale des entreprises) et pour alléger à terme la facture d'électricité", estime Pierre Paturel. "A l'image de la SNCF qui a signé en juin 2019 le premier grand PPA de France avec le développeur-exploitant Voltalia, la plupart des grands groupes seront en effet intéressés par ce type de contrats." Une évolution qui devrait donc là encore profiter aux grands énergéticiens, étant donné que ces derniers cumulent les casquettes de gestionnaires de grandes infrastructures et de fournisseurs de solutions clients. Ceux-ci souhaitent en fait que le marché français des énergies renouvelables renoue avec leur propre modèle économique classique qualifié "d'utility", autrement dit toutes les étapes relatives à un actif, de son achat à sa distribution aux clients finaux en passant par sa transformation et sa gestion.

 

Les développeurs-exploitants indépendants risquent pour leur part d'être relégués au simple rang de fournisseurs des grands groupes. "Si les PPA ne sont pas à la portée de tous les acteurs, ceux de taille intermédiaire ont de bons arguments à faire valoir tels que la flexibilité, une bonne image et l'acceptation d'une rentabilité moindre que les grands énergéticiens", note cependant Pierre Paturel. Alors, peut-on considérer que l'industrie tricolore du photovoltaïque est en pleine renaissance ? "La situation est en réalité ambiguë entre, d'un côté, des leaders historiques (présents dans le développement et l'exploitation de centrales) qui réduisent la voilure et, de l'autre, les derniers spécialistes encore installés dans l'Hexagone, plutôt offensifs. La production française de panneaux photovoltaïques pourrait ainsi changer d'échelle ces prochaines années."

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