Le Syndicat français de l'industrie cimentière (Sfic) espère avoir atteint le point bas du cycle économique en 2015 et que la situation va se stabiliser en 2016, pour peut-être repartir à la hausse. Raoul de Parisot, le président du syndicat, analyse les chiffres et dévoile quelques éléments de prospective.

Le chiffre est éloquent : en 2015, la consommation nationale de ciment n'était que de 17,2 millions de tonnes, c'est-à-dire équivalente à ce qu'elle était en… 1964, lorsque la population s'élevait à 49 millions d'habitants, contre 66,3 millions aujourd'hui. Une activité industrielle fortement ralentie donc, qui a perdu, en moyenne, 1 million de tonnes par an pendant sept années. Totalement dépendante du bâtiment et des travaux publics, la filière a vu son chiffre d'affaires global baisser de -5,3 % pour atteindre les 2,3 Mrds €, soit tout de même un milliard d'euros de moins qu'en 2007, lorsque le secteur était à son apogée. Raoul de Parisot, le président du Sfic, résume : "Le ciment, la matière active du béton, est une filière importante en France. C'est même un matériau stratégique et essentiel".

 

Cette consommation a été couverte par la production nationale (15,6 Mt) et par des importations (1,5 Mt) dont le volume reste stable depuis 2012. "Mais ce volume a doublé en dix ans", souligne Raoul de Parisot. Alors que les capacités françaises s'élèvent à 27 Mt/an et tournent au ralenti, l'entrée de matériau moins cher se poursuit, principalement en provenance de pays riverains (Italie, Allemagne, Belgique, Espagne…). Du côté des exportations, qui dépassent elles-aussi le million de tonnes, les distances sont plus grandes et c'est vers le Maghreb et l'Afrique que les adhérents du Sfic trouvent des débouchés. "Kernéos, par exemple, exporte la majeure partie de sa production mais les volumes restent faibles au regard des autres cimentiers", explique Arnaud Perigord, responsable des Affaires économiques & statistiques au syndicat.

 

Des signes encourageants de reprise

 

Le marché français du ciment reste divisé en trois parts égales : le logement, les travaux publics, et le non résidentiel plus l'entretien-rénovation. "Il y a des signes encourageants depuis quelques mois qui se traduisent sur les livraisons de ciment. Ce sont des signes clairs de reprise dans le bâtiment, depuis la fin de 2015, qui interviennent après une chute marquée", analyse-t-il. Avant de poursuivre : "Mais la construction est encore touchée par la baisse des dotations de l'Etat : on construit moins d'écoles, moins d'hôpitaux, moins de routes… L'activité industrielle du ciment suit donc la courbe du bâtiment et se trouve peu impactée par l'évolution des cours du pétrole ou celle des devises". A cela deux raisons : une énergie moins chère ne compense pas une demande de ciment très faible, et les exportations ne se font quasiment pas en dehors de la zone Euro.

 

"Nous allons vers un léger mieux en 2016, avec une reprise des investissements. Le point bas a été atteint en 2015", estime le spécialiste des statistiques. Les deux branches principales clientes du ciment offrent des perspectives contrastées : la Fédération française du bâtiment (FFB) se veut optimiste pour 2016, avec un bond des mises en chantier, tandis que la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) prévoit une année plus mitigée avec des commandes publiques toujours en retrait. "Le Sfic prévoit donc une stabilisation de la consommation, avec un volume anticipé de 17,2 Mt", déclare Arnaud Perigord. "Ce n'est pas encore une reprise franche de l'activité. On ignore par exemple si la progression observée est un effet réel de reprise ou un simple effet climatique d'un hiver doux".

 

Densifier la ville et enterrer les infrastructures

Les industriels adhérents du Sfic prévoient donc d'investir dans la R&D, notamment afin de poursuivre leur effort de diminution de leur consommation énergétique. Ils continueront à adapter leur outil de production à la combustion de nouveaux déchets (huiles usagées, solvants, pneus et maintenant déchets solides broyés) afin de valoriser des matériaux qui seraient mis en décharge et ainsi, réduire leur dépendance aux carburants fossiles. L'objectif est de porter le taux de substitution de 38 % à 60 % en 2020. "Il n'y a pas de concurrence avec les chaufferies bois, car ce sont des classes de déchets différents", avertit Raoul de Parisot. Quant aux pistes de relance, le président du syndicat cimentier mise sur la densification des villes, "un phénomène inéluctable". Il précise : "Il est impensable de consommer davantage de terres agricoles ou d'étendre indéfiniment les réseaux. La solution est de densifier, de construire en ville. Et là où il serait trop cher de le faire en surface, il faut construire en souterrain". Le responsable syndical évoque notamment la construction d'infrastructures de transport en site propre (métros du Grand Paris, ligne 2 du tramway de Nice) ou celle de fondations d'éoliennes. Selon le Sfic, les axes routiers et voies de chemin de fer en béton, respectivement sans asphalte et sans ballast, jouiraient d'une durée de vie plus longue et nécessiterait moins d'interventions d'entretien. Au prix, il est vrai, d'un surcoût au moment de la construction. Les adhérents du syndicat vont donc mener une campagne de communication auprès des décideurs afin de présenter leurs solutions.

 

L'industrie cimentière française en quelques chiffres :
5 acteurs (Lafarge France, Ciments Calcia, Vicat, Kernéos et Eqiom ex-CRH)
40 sites industriels (dont 27 avec four intégré)
5.000 emplois directs
2,3 Mrds € de chiffre d'affaires
15,6 Mt produites (pour un marché national de 17,2 Mt)
2,4 Mt de déchets minéraux recyclés (laitier, cendres volantes, déchets de gypse ou de sidérurgie)
900.000 t de déchets valorisées énergétiquement

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