La hausse des taux de la banque centrale américaine devrait stopper la folle envolée des prix de l'immobilier, qui s'est accélérée avec la perspective des crédits plus chers, au point de susciter un début d'inquiétude chez certains analystes.

"Des taux d'intérêt plus élevés devraient à court terme refroidir le marché en fin d'année, mais ils n'arrêteront ni les achats ni les transactions à long terme", estime Gina Martin de la banque Wachovia.
Les taux d'emprunt immobiliers, influencés par le rendement des bons du Trésor à 10 ans, ont déjà commencé à augmenter dans l'anticipation du resserrement monétaire de la Réserve fédérale (Fed) dont la première étape est attendue mercredi.

De 5,10% en juin 2003, les taux d'emprunt sur 30 ans sont ainsi passés à 6,24% un an plus tard. Les acheteurs, conscients que l'engrenage de la hausse est enclenché, se lancent à corps perdu sur le marché dans l'espoir de profiter de ces niveaux de taux qui restent tout de même historiquement très bas.
En mai ainsi, les ventes et reventes de logement se sont emballées à des niveaux record, et le prix médian des logements anciens a gagné plus de 10% sur un an. La fédération des agents immobiliers prévoit une quatrième année consécutive de ventes records en 2004.
Au point que certains commencent à s'inquiéter. "Il y a un risque pour les prix en termes constants compte-tenu de la hausse faramineuse de ces dernières années", avertit John Lonski de Moody's Investors Services. C'est pourquoi la Fed devrait s'interdire de relever ses taux trop agressivement, selon lui.

D'autres vont plus loin: "la hausse sans précédent de ces huit dernières années créent les conditions d'une baisse sans précédent", note Dean Baker du centre de recherche économique et politique, proche de la gauche, en soulignant que "la hausse du prix moyen des logements a dépassé l'inflation de plus de 40 points" sur cette période.
Il serait en effet sain que le marché s'assagisse, alors que l'envolée des prix frise la surchauffe dans certaines zones -- à Manhattan, district le plus prisé de New York, les prix ont augmenté de 30 à 43% en un an et le trois-pièces se négocie désormais à plus d'un million de dollars en moyenne...

Le président de la Fed Alan Greenspan l'a dit lui-même le 15 juin: les riches heures de l'immobilier sont derrière nous et "le boum tout à fait inattendu des ventes de logements ces dernières années ne devrait pas se poursuivre".
Pour autant, le patron de la Fed s'est montré serein en pariant sur une "prévision stable" pour le secteur -- ce qui exclut tout écroulement immobilier comparable à ce que les Etats-Unis avaient connu au début des années 1990.
Il y a plusieurs raisons à cela.
Tout d'abord, les taux sont encore aujourd'hui à un niveau historiquement bas et ils devraient rester très attractifs dans un avenir proche.
De plus l'économie a pris un virage vers une franche croissance et cette vigueur devrait prendre le relais des taux bas pour soutenir le secteur immobilier.
"Même si la Fed resserre sa politique en juin, une hausse des taux d'emprunt sera contrebalancée par la robustesse du marché de l'emploi, la hausse de la confiance des consommateurs et l'augmentation de leurs salaires, pour garder le secteur immobilier solide", assure Sung Won Sohn de la banque Wells Fargo.
Peut-être le resserrement modifiera-t-il la nature des ventes, avec une plus forte progression des constructions d'appartements au détriment des maisons par exemple, selon Mme Martin.

Mais le secteur sera soutenu par une demande structurellement forte avec l'augmentation de la population américaine. "Les gens auront toujours besoin d'un endroit pour vivre, et les Américains préfèrent sans le moindre doute être propriétaire de cet endroit", souligne l'analyste.

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