CRISE SANITAIRE. Préalable à toute relance des chantiers du BTP pour garantir la santé et la sécurité des salariés alors que sévit l'épidémie de covid19, le guide rédigé par l'OPPBTP a été officiellement validé par l'État et publié le 2 avril. Paul Duphil, directeur général de l'organisme, le décrypte pour Batiactu.

Le guide de bonnes pratiques pour la reprise des chantiers est paru ce 2 avril 2020, après plusieurs jours de concertation. Rédigé par l'Organisme professionnel de prévention du BTP (OPPBTP), entité paritaire, il fixe les règles du jeu sanitaire pour une reprise des chantiers en douceur, priorisant la santé des intervenants. Validé dans un premier temps par les organisations patronales du secteur, il a été, vendredi 3 avril, également validé par la FNCB-CFDT. "Notre organisation syndicale défend l'intérêt et les conditions de travail des salariés. C'est pourquoi dans le cadre de la crise sanitaire inédite, nous avons, en responsabilité, décidé d'apporter notre validation au guide de préconisations BTP élaboré avec les services de l'OPPBTP", comme on peut le lire dans un communiqué de presse.

 

 

Pour Batiactu, Paul Duphil, directeur général de l'OPPBTP, revient sur les enjeux de ce guide de bonnes pratiques, qui va devenir incontournable pour le secteur dans les semaines et peut-être les mois à venir.

Batiactu : Après avoir été repoussé plusieurs fois, le guide de préconisations conditionnant une reprise de l'activité dans le BTP est paru le 2 avril. Comment l'OPPBTP a travaillé à son élaboration ?

Paul Duphil : Dès l'annonce du confinement et l'arrêt des chantiers, le 17 mars, des interrogations ont été soulevées : comment accompagner les entreprises dans leur plan de continuité de l'activité ? Comment faire face à l'arrêt parfois très brutal de certains chantiers ? Alors qu'il y avait une contradiction entre l'appel à rester chez nous du président de la République et celui de continuer à travailler de la part de membres du gouvernement, comment faire pour travailler en toute sécurité dans ce contexte d'épidémie ? A l'OPPBTP, nous avons immédiatement commencé à réfléchir à des éléments à mettre en avant. Nous avions une ébauche du guide dès le 20 mars, puis avons travaillé avec des préventeurs, des médecins et autres experts pour le compléter et valider certains principes. Le 23 mars, nous échangions avec les organisations syndicales et professionnelles pour intégrer des remarques et une première version était envoyée le lendemain à l'État pour validation. Deux jours plus tard, nous avions un retour, mais certains éléments ne convenaient pas. Nous avons envoyé une contre-proposition le 28 mars, et avons obtenu un retour de l'État deux jours après. Il y avait encore quelques ajustements à réaliser, même si les éléments principaux n'étaient pas remis en cause.

Sur quels points les discussions ont été les plus compliquées ?

Il faut déjà bien avoir en tête que les services de l'État sont surchargés, il n'était donc pas étonnant de ne pas obtenir de réponse immédiatement. Ensuite, sur la question des masques, les points de vue ont pu être différents. Pour le ministère de la Santé, les masques FFP2 doivent en priorité être pour les personnels soignants. La question de savoir si les écrans faciaux étaient acceptables ou non s'est aussi posée. Concernant les mesures de températures, les professionnels en souhaitaient à l'entrée de certains lieux, mais les autorités n'y étaient pas favorables, car ce dispositif de contrôle de santé ne serait pas vraiment efficace.

 

Reprise des chantier : l'État a adressé une circulaire aux préfets

 

Dans un communiqué de presse gouvernemental daté du 3 avril, les pouvoirs publics précisent avoir faire parvenir aux préfets une circulaire "afin que ceux-ci veillent à la poursuite et à la reprise des chantiers". "Les services déconcentrés de l'État contribueront à l'information et à l'animation de la filière localement : maîtres d'ouvrage, maîtrise d'œuvre, coordonnateurs sécurité et santé, entreprises de travaux, industriels et acteurs de la distribution, etc.", est-il aussi indiqué.

 

Les pouvoirs publics rappellent une nouvelle fois que le dispositif exceptionnel de chômage partiel sera ouvert aux entreprises de BTP étant "dans l'impossibilité d'adapter leur fonctionnement ou de mettre en œuvre les recommandations applicables".

 

Un deuxième travail va être lancé pour adapter les dispositions du guide à d'autres acteurs du chantier comme corps de métiers comme maîtres d'ouvrage, architectes, bureaux d'études ou coordinateurs sécurité. Y seront abordés "les impacts sur les relations contractuelles, pour lesquels le Gouvernement prendra une ordonnance dans les prochaines semaines", précise l'État.

Quels seraient les points à prendre en compte en priorité dans le guide ?

La poursuite de l'activité demande impérativement une bonne entente entre les différents acteurs intervenants sur un chantier, maîtrise d'ouvrage, maîtrise d'œuvre et entreprises de travaux, pour garantir les moyens nécessaires à la sécurité des personnes. Un des acquis importants réside aussi dans un projet d'ordonnance, pour renoncer aux pénalités en cas de retard pour les marchés privés, comme pour les marchés publics. Cela concourt à trouver un équilibre concernant les enjeux financiers.

 

 

La protection effective des personnes est également fondamentale. Le guide détaille ainsi les gestes barrières tout en donnant des trucs et astuces pour faciliter leur mise en œuvre concrète. Ce sont des mesures pratiques, certes peu innovantes mais de bon sens. Par exemple, s'il faut se laver les mains régulièrement, il est nécessaire d'avoir suffisamment de points d'eau sur le chantier qui le permettent. Cela peut cependant être extrêmement contraignant car s'il ne peut y avoir qu'une seule personne par rang dans un véhicule, un artisan par exemple peut être dans l'incapacité d'avoir suffisamment de véhicules à disposition. Mais c'est nécessaire. De la même façon, le guide énonce des protocoles stricts à respecter en cas d'intervention chez des personnes à la santé fragile ou malades, là encore nécessairement contraignant : il faut impérativement des gants neufs, porter un masque, des lunettes, une combinaison jetable, des sur-chaussures…

A peine sorti, le guide a déjà été pointé du doigt sur certains aspects. Que répondez-vous la maîtrise d'œuvre par exemple, qui estime ne pas avoir été suffisamment associée à son élaboration ?

Soyons clairs : l'OPPBTP est un organisme dont la mission est par nature de nous préoccuper des entreprises de BTP, nous n'avons pas vocation à édicter des règles au-delà de ce qui peut concerner les salariés du BTP. Malgré tout, les autres acteurs du secteur de la construction était parfaitement au courant de nos travaux, ils pouvaient nous contacter. De plus, lors d'une réunion du Conseil supérieur de la construction, nous avons eu des échanges alors que le guide n'était pas encore bouclé. Certains se sont aussi adressé aux ministères. Nous avons pris en compte leurs remarques. Si, au-delà, nous trouvions des moyens de nous occuper tous ensemble des questions de prévention pour toute la chaîne de la construction, j'en serais très heureux.

Enfin, le guide sera-t-il bien pris en compte par l'inspection du travail, les caisses d'assurance maladie et autres organismes de ce type ?

Il a obtenu la validation du ministère du Travail et sera publié sur le site, comme les autres fiches pratiques réalisées sur d'autres métiers. Du côté de la Cnav, de la Carsat… nous attendons encore une confirmation officielle mais l'idée est que ce document serve de référence.

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