Du Chrysler à l'Empire State Building, ils incarnaient prouesse technique et puissance économique. Depuis l'attaque contre les tours jumelles du World Trade Center, les gratte-ciel new-yorkais tremblent pour leur prestige.

Dans le hall de l'Empire State Building, transformé en camp retranché, employés et visiteurs passent contrôle sur contrôle avant d'arriver aux ascenseurs de ce qui est désormais la plus haute tour de New York.

Plus d'une semaine après les attentats, chacun s'efforce de retrouver un semblant de normalité. Dans l'ascenseur, depuis les fenêtres des bureaux, il reste difficile toutefois d'échapper à l'image obsédante des Boeing s'écrasant sur les tours.

"Je travaille au 54ème étage. Lorsque ce matin j'ai vu un avion dans le ciel, pour la première fois depuis les attentats, j'ai eu froid dans le dos", raconte Ron Paul, consultant informatique. "Dans quelle mesure sommes-nous en sécurité ? Il faut espérer et prier".

Les rescapés du World Trade Center, qui ont pu échapper à l'enfer in extremis en dévalant des dizaines d'étages, auront du mal également à réprimer leur angoisse si jamais ils doivent retravailler un jour dans une tour de 100 étages.

"Les gens retourneront-ils dans des gratte-ciel'", s'interroge le président de Merrill Lynch International, Win Smith, dont plusieurs milliers de salariés doivent être relocalisés après les attentats. "Certains sans doute pas, mais la plupart oui", estime-t-il.

Après ce traumatisme, qui osera encore construire de tels monstres de béton et de verre qui défient toutes les lois de la physique ? Donald Trump, spécialiste du genre, reste muet depuis la tragédie.
Le drame du World Trade Center tombe mal pour ce milliardaire, promoteur de la Trump World Tower qui offre en ce moment à la vente des appartements de luxe dans la plus haute tour d'habitation du monde, près du siège des Nations Unies.

Certains architectes estiment que rien ne sera plus comme avant. "Cela nous poursuivra toute notre vie. Nous concevrons le design des buildings d'une nouvelle manière", prédit Scott Johnson, créateur d'un immeuble de 40 étages à Los Angeles, dans le quotidien USA Today.

Selon un sondage USA Today/CNN, 70% des Américains restent favorables à la construction de gratte-ciel aux Etats-Unis mais 35% concèdent qu'ils n'ont plus très envie d'y mettre les pieds. "C'est une réaction à très court terme. Au bout du compte, tout va rentrer dans l'ordre", relativise Carol Willis, directrice du Musée du Gratte-ciel à New York. "Il n'y a pas de raison de vouloir renoncer aux gratte-ciel ou d'avoir peur d'y habiter parce que la sécurité est défaillante dans les aéroports", insiste cette irréductible passionnée. "De toute évidence, ils voulaient attaquer un symbole de l'American Way of Life (mode de vie américain, ndlr) et tuer autant de monde que possible. Ils auraient aussi bien pu viser un stade de football un dimanche après-midi".

Il est moins sûr en revanche que des édifices aussi imposants en superficie que les tours jumelles du World Trade Center - 110 étages et 400.000 m2 chacune - ou la tour Sears de Chicago - 110 étages et 450.000 m2 - seront jamais reconstruites. La tendance est même à l'opposé depuis les années 70.

Les tours jumelles Petronas de Kuala Lumpur, construites en 1998, disputent certes à la Sears le rang de plus haut gratte-ciel du monde, devant l'immeuble Jin Mao à Shanghai et le défunt World Trade Center. Elles se sont arrêtées toutefois à 88 étages et une surperficie de 340.000 m2.

Pour des questions de matériaux, d'ascenceurs, "80 étages offrent l'efficacité maximum", estime Carol Willis. "La tendance sera plutôt à des immeubles de 50 étages".

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