MATERIEL. Quelques jours après une réunion avec le ministère de la Transition écologique les représentant du BTP, des pétroliers et des distributeurs, sur la mise en place d'une coloration spécifique du carburant pour remplacer le gazole non routier, les entreprises montent au créneau, pour contrer une proposition qu'elles jugent "dangereuse et coûteuse".

Le PLFR3 a entériné la décision : les entreprises de BTP, au premier plan desquelles celles de travaux publics, ne pourront plus utiliser de gazole non routier (GNR) à partir du 1er juillet 2021. La suppression de l'avantage fiscal sur ce carburant devait être échelonnée en trois phases, entre le 1er juillet 2020 et le 1er janvier 2022. Finalement, la mesure décalée se fera en une fois.

 

Ce qui laisse également le temps aux différents acteurs de se mettre d'accord sur certains aspects, jugés essentiels par les entreprises de TP et plus particulièrement par les artisans, représentés par la CNATP. L'établissement d'une liste d'engins ne pouvant plus utiliser de "rouge" est le premier point à régler. L'autre consiste en la mise en place d'une coloration spécifique du carburant alimentant les matériels de BTP.

 

Première réunion sur la coloration


Sur la liste de matériels, une première réunion doit avoir lieu à la rentrée avec le ministère de l'Economie et des Finances, explique la CNATP. Le but étant de la réaliser avant la fin de l'année 2020. Concernant la coloration, un rendez-vous s'est tenu au ministère de la Transition écologique, le 22 juillet.

 

Etaient présentes autour de la table : la CNATP, mais aussi la FNTP côté utilisateurs. Le bureau des marchés des produits pétroliers de la Direction générale de l'Energie et du Climat, les douanes, les pétroliers et les distributeurs de carburants participaient également.

 

Vers un carburant bleu foncé spécifique au BTP

 

La CNATP a insisté sur l'importance d'une coloration spécifique pour le BTP, "essentielle pour lutter contre le vol, limiter la distorsion de concurrence et permettre les contrôles". Les représentants des coloristes ont ainsi évoqué le remplacement du rouge par un carburant d'une teinte bleu foncé, plus sombre que celui utilisé pour la pêche. Ils estiment que cette solution est non seulement la plus simple, mais aussi la plus sécurisée et normée.

 

En revanche, "nous ne voulons pas que l'utilisateur final colore lui-même le carburant, car la moindre erreur dans le dosage pourrait entraîner des risques de casse moteur et des anomalies", ajoute David Lemaire, secrétaire général de l'organisation professionnelle, contacté par Batiactu, alors que l'exécutif semble pencher vers cette solution.

 

Un courrier commun au Gouvernement pour dénoncer la dangerosité de cette solution


Dans un courrier adressé au ministère de la Transition écologique et au ministère des Finances, daté du 29 juillet, la CNATP et plusieurs autres organisations professionnelles - FNTP, FFB, Capeb, DLR, Evolis, Seimat et Simotherm - ont de nouveau rejeté catégoriquement cette éventualité. "Les propositions de mise en œuvre dévoilées par le Gouvernement sont inacceptables, jugent-elles unanimement. En écartant totalement l'intervention des distributeurs et des groupes pétroliers, le Gouvernement souhaite en effet faire peser sur les entreprises tous les coûts et tous les dangers, considérant que la coloration du carburant par les utilisateurs finaux et/ou les distributeurs ou loueurs d'engins serait la solution. C'est tout simplement méconnaître la vie des chantiers du BTP !"

 

"Les propositions de mise en œuvre dévoilées par le Gouvernement sont inacceptables"

 

Ils ajoutent : "Les professionnels coloristes ont démontré pourtant, lors de cette réunion, la dangerosité de la coloration in situ sur les chantiers du carburant par les utilisateurs, ainsi que le caractère inopérant d'un tel processus qui, dans des conditions normales d'exécution, est très encadré". Parmi les sujets délicats et difficilement gérables, les fédérations citent des éléments extérieurs incontrôlables, du personnel non formé à l'exercice, l'acquisition d'EPI spécifiques, le dosage d'un colorant incertain, la dangerosité des colorants et des solvants, le volume de carburant à colorer pas toujours quantifiable, et soulèvent à nouveau les risques accrus de casse moteur avec des menaces de non prise en charge au titre de la garantie et de déréglage des dispositifs de traitement des fumées de combustion des moteurs.

 

Double peine

 

Par ailleurs, cette solution a un coût, qui reviendrait de toute évidence "à l'utilisateur final donc aux entreprises du BTP, estiment les signataires du courrier. Alors même que le coût de la suppression du GNR représente pour la profession un coût par an estimé à 700 M€, les entreprises du BTP se verraient donc devoir subir les coûts associés à la coloration : il s'agit là définitivement d'une double peine, dans un contexte de crise particulièrement désastreux".

 

Si la question de la couleur en elle-même avance donc, reste à savoir qui se chargera du mélange : les pétroliers, qui mettraient à disposition des distributeurs un carburant spécifique au BTP ; les distributeurs, qui coloreraient le blanc en utilisant un additiveur sur le camion de livraison ; ou bien l'utilisateur final, avec les risques que cela comporte.

 

La menace d'une mobilisation à la rentrée


Pour le BTP, la réponse ne fait donc aucun doute. La coloration par les pétroliers ou les distributeurs étant les seules options raisonnablement envisageables.

 

Les signataires exigent que ces solutions soient analysées "et donnent lieu à présentation et discussion avec l'ensemble des participants lors d'une nouvelle réunion à tenir dès le mois de septembre". Dans le cas contraire, ils menacent d'en appeler de nouveau à une mobilisation massive du secteur du BTP d'ici à la fin de l'année.

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