L’île Seguin à Boulogne-Billancourt n’accueillera jamais le centre d’art contemporain que l’architecte japonais Tadao Ando avait dessiné pour François Pinault. Ce dernier a annoncé dans le Monde daté de mardi qu’il renonçait à son projet parisien pour cause d’enlisement administratif.

«Cinq ans après le lancement de l’opération de réaménagement de l’île Seguin - qui se voulait exemplaire - aucun exploitant, aucune institution, ni personne n'a contracté un engagement ferme ! Comment imaginer que je mobilise le talent d'un immense architecte, et un investissement de 150 millions d'euros, pour construire un bâtiment dont l'environnement serait défiguré pendant plus d'une décennie par le voisinage au mieux d'un immense chantier, au pire d'un terrain vague ?».
Tel est le «Point de Vue» développé dans les colonnes du Monde par François Pinault - président d’honneur du groupe PPR (Pinault-Printemps-La Redoute) - face à l’enlisement de son projet de fondation culturelle à la pointe de l’ancienne usine Renault de Boulogne-Billancourt.

«Je ne veux faire ici le procès de personne, mais chacun doit bien se rendre compte que le temps d'un projet culturel privé ne peut pas être celui d'un projet public. Le temps d'un entrepreneur, c'est celui de son existence, de son âge, de son impatience à concrétiser son rêve», explique M. Pinault. «L'éternité est le temps de l'art, pas celui des projets qui veulent le servir», ajoute-t-il.

Conçu par l’architecte Tadao Ando, l'édifice aurait dû accueillir dès le printemps 2005 les collections d’art contemporain de François Pinault dans un gigantesque vaisseau de verre et de béton de 33.000 m2 (300 m de long, 130 m dans sa plus grande largeur, 28 m de haut), occupant un tiers de l'île. Mais les incertitudes, les longueurs, et les pesanteurs administratives, conjuguées aux craintes d’associations, se sont succédé pendant des mois et ont entraîné d’énormes retards.

«Pour autant je n'aime ni subir, ni renoncer», affirme François Pinault. «Aussi, face à la situation bloquée de l'île Seguin, et a contrario devant l'accueil que m'ont réservé d'autres villes, j'ai décidé de ne pas baisser les bras», poursuit-il. «Mon désir de faire partager ma passion pour l'art reste intact, c'est pourquoi je saisis cette formidable chance que constitue la disponibilité du Palazzo Grassi à Venise pour commencer sans tarder à ouvrir ma collection au public».

François Pinault, qui a pris officiellement le contrôle du palais le 28 avril dernier contre une somme avoisinant les 29 millions d’euros, devrait déployer cette année dans l’ancienne vitrine culturelle du groupe Fiat un cycle d’expositions ouvert à l’art contemporain. «La possibilité m'étant offerte d'y ajouter un bâtiment nouveau, j'engagerai des travaux qui permettront de doubler les surfaces d'exposition», conclut-il sur le sujet.

Mais «après Venise, je souhaiterais pouvoir associer d'autres villes, en Europe et, je l’espère, en France, pour constituer un réseau international dans lequel circuleront les oeuvres, les propositions, les idées, les regards».

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