EMPLOI. Emmanuel Macron et son gouvernement recevaient les partenaires sociaux ce 24 juin pour discuter des mesures de soutien à l'emploi et à la formation professionnelle en cette période de reprise post-Covid. Activité partielle, apprentissage, travail détaché... Le président de l'U2P, Alain Griset, fait le point sur les sujets abordés avec Batiactu.

La reprise d'activité succédant à la période de confinement ne pourra vraisemblablement pas contre-balancer la montée particulièrement inquiétante du chômage, et, pour le Gouvernement, les raisons politiques comme économiques de limiter les dégâts ne manquent pas. C'est dans cette optique que l'exécutif a réuni ce 24 juin 2020 les partenaires sociaux à l'Elysée, afin de discuter des mesures de soutien à l'emploi et à la formation professionnelle en cette période post-Covid, et dans l'attente du plan de relance qui devrait être présenté à la rentrée. Activité partielle, apprentissage, travail détaché... Les sujets abordés ont été nombreux et témoignent d'une volonté du Gouvernement de poursuivre - sous conditions - l'accompagnement des entreprises en difficulté tout en actionnant un maximum de leviers pour limiter les dégâts.

 

Le dispositif de chômage partiel classique évoluera au 1er octobre

 

A l'ordre du jour, une ordonnance adoptée en Conseil des ministres le matin-même a été présentée par Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, concernant l'adaptation du dispositif d'activité partielle. Instauré dès le début du confinement sanitaire à la mi-mars, ce dernier a subi une première modification le 1er juin dernier : depuis cette date, l'Etat et l'Unédic prennent en charge 85% de l'indemnité versée au salarié en chômage partiel, dans la limite de 4,5 Smic. De leur côté, les entreprises assument un reste à charge de 15%, tandis que le salarié continue à percevoir 70% de sa rémunération brute (ce qui représente environ 84% du salaire net), et au minimum un Smic net. Une première évolution du dispositif censée encourager la reprise d'activité, et dont un décret précisera l'application dans les prochains jours.

 

"Le dispositif actuel qui a été mis en place depuis le mois de juin sera maintenu jusqu'au 1er octobre ; la réduction de la prise en charge de l'Etat est donc remise en octobre, ce qui est plutôt positif", analyse Alain Griset, président de l'Union des entreprises de proximité (U2P), pour Batiactu. A compter de cette date, les salariés bénéficiant du dispositif de chômage partiel dit classique ne toucheront plus que 72% de leur salaire net, avec un reste à charge de 40% pour les employeurs. Un "régime de base" qui, dans sa nouvelle version, ne sera plus valable que pour 6 mois maximum.

 

Entrée en vigueur du dispositif de chômage partiel de longue durée le 1er juillet

 

Mais le Gouvernement a acté une autre révision du dispositif de chômage partiel et en a fait part aux syndicats et au patronat hier soir : "Il a été confirmé qu'il y aurait la mise en place d'un dispositif spécifique de longue durée pour les entreprises qui pourront avoir une perspective de 6 mois devant elles ; globalement, ce n'est pas souvent le cas de nos entreprises, mais au moins le dispositif existera", poursuit le président de la confédération.

 

Concrètement, le dispositif d'activité partielle dite de longue durée entrera en vigueur le 1er juillet prochain et s'appliquera pour une durée comprise entre 6 à 24 mois, mais nécessitera un accord collectif (accord d'entreprise ou de branche avec des engagements sur l'emploi) pour s'appliquer dans les entreprises. Il permettra d'indemniser les salariés à hauteur de 84% de leur rémunération nette, avec un reste à charge de 15% pour les sociétés et ce, pour une durée maximale de deux ans. Pendant ce temps, le temps de travail des employés pourra être réduit jusqu'à 40%. A noter : si l'accord collectif est conclu avant le 1er octobre, la prise en charge par l'Etat de l'indemnité versée au salarié sera bien de 84%, mais elle ne sera que de 80% si l'accord est ratifié après cette date. De plus, les pouvoirs publics s'engagent à prendre en charge les frais de formation des employés à hauteur de 80% pour leur permettre de se former sur le temps de leur activité réduite.

 

Par ailleurs, l'U2P accueille favorablement l'annonce de l'exécutif de multiplier les contrôles a posteriori sur le recours à l'activité partielle : "A partir du moment où il y a des cas avérés de fraude, nous avons toujours dit qu'il valait mieux sanctionner les fraudeurs que d'enlever un dispositif qui bénéficie aux entreprises honnêtes", affirme son président.

 

Pas de travailleurs détachés pour une entreprise touchant des fonds publics

 

Le travail détaché a constitué un autre sujet majeur des discussions : pour contrer l'expansion du chômage, le Gouvernement sonne donc la mobilisation contre les effets néfastes du recours aux travailleurs détachés, comme l'a expliqué la ministre du Travail. Sur ce point, la confédération des petites entreprises locales se satisfait de la volonté affichée mais considère qu'il faudrait aller encore plus loin : "Nous avons dit clairement que nous militons pour qu'une entreprise employant des travailleurs détachés paye le même coût du travail, donc salaires et charges sociales identiques, et nous allons même plus loin en demandant à ce qu'une entreprise qui bénéficie de fonds publics ne puisse pas recourir au travail détaché", tranche Alain Griset. "Là-dessus, nous avons une différence très claire avec le Medef." Les partenaires sociaux attendent encore de l'exécutif qu'il confirme sa décision dans ce dossier, même si le président de l'U2P estime que le Gouvernement est prêt à agir.

 

"On voit bien que la crise de l'emploi est devant nous : il faut rester modeste mais déterminé pour essayer de mettre en place tous les dispositifs possibles et imaginables de façon à éviter cette catastrophe."

 

Les pouvoirs publics veulent également préserver l'apprentissage et la formation professionnelle, dans un contexte où les entreprises risquent de geler des embauches et où 700.000 jeunes diplômés s'apprêtent à arriver sur le marché du travail en septembre. Après la salve de mesures annoncées par Muriel Pénicaud au début du mois, le patronat souhaite se baser sur les dispositifs actuels tout en réfléchissant à la suite : "Ce qu'on cherche dans un premier temps, c'est maintenir ce qui existe", assure Alain Griset. "On voit bien que la crise de l'emploi est devant nous : il faut rester modeste mais déterminé pour essayer de mettre en place tous les dispositifs possibles et imaginables de façon à éviter cette catastrophe."

 

La loi de Finances rectificative en ligne de mire

 

Et pour la suite ? Aucune autre réunion avec le chef de l'Etat n'est prévue pour l'instant, et les partenaires sociaux guettent un éventuel remaniement ministériel après le second tour des élections municipales pour savoir quels seront leurs nouveaux interlocuteurs. Le combat ne s'arrête pas là pour autant : "La loi de Finances rectificative doit passer au Parlement la semaine prochaine, donc naturellement c'est un moment important pour mettre en œuvre toutes ces mesures", note le président de l'U2P.

 

Qui souligne au passage l'écoute et la réactivité du Gouvernement aussi bien durant le confinement que depuis l'amorce du déconfinement, en saluant les dispositifs d'aides rapidement instaurés par la puissance publique : "Pendant la crise, la France a été l'un des pays dans lesquels les entreprises ont été les plus accompagnées, et en particulier les indépendants et les artisans, qui ont bénéficié de mesures qui n'ont jamais existé dans notre pays : fonds de solidarité, chômage partiel, exonérations de cotisations, Prêts garantis par l'Etat... Ces quatre outils ont été portés par l'U2P et efficaces auprès de nos entreprises. Quelques ministres se sont beaucoup investis et ont porté nos messages qui étaient indispensables pour éviter un désastre absolu." Et d'ajouter : "Cela ne veut pas dire que tout va bien, qu'il n'y a pas d'entreprises qui ont des difficultés ; mais s'il n'y avait pas eu ces mesures, cela aurait été une catastrophe réelle".

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