Pour la première fois depuis sa création en 1993, le service central de prévention de la corruption (SCPC) a rendu public ses travaux. Devant l'inefficacité des lois françaises face à des pratiques de corruption de plus en plus sophistiquées, les entreprises comme EDF ou Vivendi Environnement misent sur la prévention en formant leurs cadres à la lutte anti-corruption.

" Dans l'Amérique des années 30, les joueurs sont à la tête de grandes entreprises du BTP et tentent de décrocher des contrats juteux proposés par des politiciens en proposant des offres plus ou moins secrètes accompagnées de pots de vins "... voici en quelques lignes le principe d'un drôle de jeu de société proposé par les éditions Descartes. Est-ce un hasard, si ce jeu se déroule dans le secteur du BTP ? Bien sûr que non. Par la nature même de son activité et de sa clientèle, le secteur du BTP est particulièrement exposé.

C'est dire si le rapport du service central de prévention de la corruption devrait intéresser les responsables d'entreprises du bâtiment et des travaux publics, même si il est guère fait mention de cas dans le BTP dans ce document de 117 pages.

Pour les auteurs de ce rapport, cette publication est surtout l'occasion de dénoncer le peu d'écho que trouve leur travail et l'inefficacité des lois françaises contre la corruption. "Bien souvent la justice est impuissante à prouver le délit de corruption et doit recourir à des artifices (abus de biens sociaux et recel notamment)", note le rapport dans un chapitre intitulé "corruption et exclusion".

Ce constat n'est certes pas nouveau, mais il surprend surtout lorsqu'il est signé par un service interministériel, rattaché au ministère de la Justice. "Nous avons fait des propositions et des recommandations pour réécrire les textes sur la corruption", a souligné le chef du SCPC, Claude Mathon, lors d'une conférence de presse. "Cela fait cinq ans que nous essayons d'alerter le garde des Sceaux. C'est l'un des cas dans lesquels nous ne sommes pas entendus", a regretté Jean-Pierre Bueb, l'un des conseillers.

En effet, ce service, créé en 1993 par le gouvernement Bérégevoy, n'a jamais réussi à exercer pleinement l'ensemble des fonctions qui lui ont été attribuées. Il n'est saisi qu'une cinquantaine de fois tous les ans par les différentes autorités habilitées (élus locaux, préfets, ministres, services administratifs de l'Etat etc.), et le SCPC regrette aussi d'être très peu sollicité par les magistrats du parquet ou du siège. "Nous sommes là pour rendre service aux élus. Des fiches pratiques sont publiées à leur intention", a insisté Claude Mathon.

Depuis quelques années, le SCPC travaille sur la prévention de la corruption auprès des collectivités territoriales mais aussi de grandes entreprises comme la SNCF, EDF ou Vivendi Environnement.
Ainsi, après la vaste affaire de corruption autour du chantier du TGV Nord, dans les années 90, le SCPC a par exemple mis en place des formations pour les cadres de la SNCF, afin de les informer sur les pratiques courantes de la corruption et leur permettre d'y faire face.

En juin 2001, c'est au tour du groupe public EDF de signer une convention avec le SCPC. Cette convention prévoyait la rédaction d'une charte éthique et de codes de déontologie, ainsi q'une analyse des risques susceptibles d'exister dans des entités du groupe.

Dernière entreprise en date à prendre ce problème à bras le corps : Vivendi Environnement qui a signé, mi-octobre, une convention avec le SCPC pour former ses cadres à la lutte anti-corruption.

Il ne reste plus qu'à ces pratiques de se généraliser, car la France est loin d'être un modèle d'éthique. Rappelons que, selon le classement de Transparency International, la France se situe au 24e rang mondial et dernier rang européens en matière de lutte contre la corruption.

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