A l'origine église croisée dans le plus pur style roman, la plus ancienne mosquée de Beyrouth, endommagée pendant la guerre civile, sera rouverte vendredi au public après de formidables travaux de réhabilitation.

Datant du XIIe siècle mamelouk, la Grande mosquée Al-Omari, située dans le vieux centre-ville entièrement saccagé durant la guerre (1975-1990), est considérée comme un des plus anciens bâtiments archéologiques quasiment intacts de Beyrouth.

Avec sa façade, mélange harmonique d'art chrétien et musulman, cette mosquée doit son nom au deuxième calife de l'islam, Omar ibn al-Khattab (634-644), qui s'employa à répandre l'islam au Moyen-Orient.

Aujourd'hui, grâce aux travaux de restauration entrepris par l'architecte libanais Youssef Haïdar, l'édifice d'une surface initiale de 750 m2, partiellement endommagé, a été agrandi pour constituer un complexe de 2.500 m2 qui allie tradition et modernité.
"Nous avons voulu respecter l'architecture d'origine du bâtiment et ses anciennes couches existantes et ajouter des éléments contemporains en harmonie avec l'ensemble", a expliqué cet architecte de 39 ans à l'AFP.

Flanquée désormais de deux minarets, l'un mamelouk, l'autre moderne, "l'ensemble comprend en surface, outre l'ancienne mosquée restaurée, un espace de prière pour les femmes et, face à l'entrée nord, une cour à colonnades entourée d'un moucharabieh donnant sur une des avenues principales", a-t-il ajouté.

Sous la cour, pourvue de neuf voûtes discrètement éclairées par des ouvertures au sol, les anciennes citernes de l'époque romaine dont les piliers menaçaient de s'effondrer ont été transformées en un espace destiné à accueillir un musée d'art islamique. A côté, un auditorium de 350 places occupe le sous-sol d'un immeuble détruit.
Plus qu'un simple lieu de culte, cet ensemble devient un "véritable pôle culturel", selon M. Haïdar.
La restauration de cet édifice en fait "la mosquée la mieux équipée en installations modernes du Liban", a-t-il souligné.

Le coût des travaux, environ 3,5 millions de dollars, a été assuré par un mécène koweïtien, cheikha Souad al-Houmaydi, un des plus grands investisseurs au Liban.

Entourée de vieilles églises et de mosquées, dans un quartier transformé depuis la fin de la guerre en zone de loisirs et d'affaires, la mosquée proprement dite est aussi mise en valeur grâce à d'importants travaux de restauration à l'intérieur et autour de ses murs.

La restauration de la mosquée, qui a également permis de mettre à jour des chapiteaux corinthiens de l'époque romano-byzantine, utilisés dans l'église croisée, a cependant donné lieu à une polémique sur son bien-fondé, certains déplorant la perte de son âme.

Mais force est de constater que les travaux entrepris font ressortir les différentes époques architecturales de la mosquée, avec sa nef centrale bordée de deux rangées de colonnes menant à une abside concave, tout en révélant la beauté de l'art islamique.

Au nombre de ces joyaux, une porte en pierre sculptée sur la façade ouest de la mosquée, de style ottoman ; une autre mamelouk, sous une coupole à pendentif, datée de l'an 1183 ; et un maqâm (petit tombeau) en fer forgé
contenant, selon la légende, un bras de saint Jean-Baptiste, Nabi Yahya en arabe, également vénéré par les musulmans.

Un reliquaire de la mosquée a contenu, dit-on, un cheveu du prophète Mohammad, à l'instar de la grande mosquée des Omeyyades à Damas, mais il a été volée pendant la guerre.
A l'extérieur, les restaurateurs ont dégagé sur 1,2 mètre les soubassements de la façade et de l'abside.
Contre l'abside, un texte gravé sur une pierre rectangulaire énonce un décret fixant le prix du pain aux boulangers de Beyrouth, à l'époque mamelouke, comme le voulait la coutume.

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