ÉTUDE. Les services d'efficacité énergétique ont représenté un marché d'environ 5 milliards d'euros en 2019, portés par une croissance rapide et régulière. Et le dynamisme du secteur pourrait bien durer, soutenu par de nombreux leviers et une concurrence forte entre des acteurs toujours plus nombreux.

Les services d'efficacité énergétique constituent-ils des investissements particulièrement prometteurs ? C'est en tout cas le principal enseignement d'une étude réalisée par le cabinet Xerfi-Precepta et intitulée "Le boom des services d'efficacité énergétique attise la concurrence - Percée des sociétés de conseil et des spécialistes de CEE (Certificats d'économie d'énergie), offensive des énergéticiens". Allant même jusqu'à parler d'un marché à la "santé insolente", l'auteur de l'étude, Pierre Paturel, affirme que ce secteur bénéficie d'une croissance rapide et régulière.

 

 

Un cadre réglementaire plus contraint mais des opportunités plus nombreuses

 

En effet, l'efficacité énergétique (financements mis à part) a brassé en 2019 un chiffre d'affaires d'environ 5 milliards d'euros dans l'Hexagone, répartis entre les prestations d'analyse et de diagnostic (600 millions d'euros), les services d'installation et de pilotage des systèmes (2,1 milliards), et les études et l'ingénierie (2,2 milliards). Au total, le marché a enregistré une envolée de 32% depuis 2015. Un chiffre impressionnant rendu possible grâce à trois leviers : l'action publique, qui se traduit par des réglementations et des aides financières, mais aussi la hausse des prix de l'électricité, et enfin la place grandissante accordée aux préoccupations environnementales. De même, certaines innovations technologiques, comme les LED, ainsi que les produits et services liés à l'Internet des objets permettent au marché de l'efficacité énergétique d'afficher une si belle performance.

 

Des "facteurs structurels" qui lui profiteront encore un certain temps, bien que les contraintes réglementaires vont s'amplifier, notamment dans le cadre du fameux décret tertiaire. D'autant que l'Etat souhaite plus que jamais réduire la consommation énergétique des bâtiments, comme l'illustrent les objectifs de la nouvelle Programmation pluriannuelle de l'énergie, présentée ce 20 janvier 2020 en parallèle de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC). Pour rappel, la PPE arrêtée par l'exécutif en ce début d'année table sur une baisse de 7% de la consommation finale d'énergie à horizon 2023, puis de 14% en 2028 en comparaison au niveau de 2012. La puissance publique réfléchit par ailleurs à amplifier le dispositif des CEE ; autant d'indicateurs qui laissent penser que le marché de l'efficacité énergétique pourrait atteindre 5,5 milliards d'euros d'ici 2021, d'après les prévisions du cabinet Xerfi. Dans le détail, le segment de l'exploitation/installation/maintenance réaliserait un chiffre d'affaires de 2,45 milliards, tandis que celui des études et de l'ingénierie se chiffrerait à 2,35 milliards. Ce qui fait dire aux analystes que les sociétés de conseil en efficacité énergétique pourraient profiter d'une croissance de 11% entre 2019 et 2022, grâce à la bonne orientation de la demande.

 

"Les acteurs du BTP ont intégré toute la chaîne de valeur de la construction"

 

Et ce dynamisme a des chances de faire des émules : dans la mesure où ce marché de services parvient à peu près à s'équilibrer entre l'offre et la demande, de nouveaux acteurs sont appelés à apparaître, en se créant ex nihilo ou en provenant d'autres secteurs d'activité. La concurrence sera donc rigoureuse : "Nous avons distingué plusieurs grandes catégories d'opérateurs dont les sociétés de conseil [...]. Fournisseurs de matériels, les équipementiers sont de plus en plus présents dans les services", explique Pierre Paturel. "C'est d'autant plus vrai que l'essor des solutions connectées facilite le rapprochement des fournisseurs d'équipements avec leurs utilisateurs. Les grands équipementiers comme Schneider Electric et Siemens, mais aussi les géants du numérique, revendiquent dès lors une part croissante du marché, notamment par le biais de leurs plateformes de services cloud. Les acteurs du BTP ont, eux, intégré toute la chaîne de valeur de la construction. En clair, ils sont désormais capables de proposer des solutions d'efficacité énergétique (SEE) clés en main ou spécifiques. Et ils ne manquent pas d'atouts entre leur expertise multi-technique, leur connaissance des marchés publics et leur maillage territorial."

 

La construction ne serait donc pas le secteur le plus à la traîne. Quant aux énergéticiens dits historiques, comme EDF et Engie, ils peuvent compter sur des batteries de filiales spécialisées, à l'instar de Dalkia ou de Cofely, qui leur ouvrent un champ large et varié. Mais de nouveaux fournisseurs d'énergie, en provenance de l'étranger ou spécialisés dans les énergies renouvelables, devraient également bénéficier de la libéralisation de ces marchés et de l'expansion de l'autoconsommation. Il ne faut pas oublier non plus les jeunes pousses spécialisées dans ce domaine, qui, grâce à la montée en puissance des objets connectés et de l'intelligence artificielle, peuvent proposer des solutions de supervision et de gestion de l'énergie - c'est le cas notamment des start-up françaises Metron et Deepki. "Pourtant, cet afflux de nouveaux acteurs de petite taille ne perturbe pas franchement le jeu concurrentiel", nuance toutefois Pierre Paturel. "D'abord, parce que le marché, en pleine expansion, offre des opportunités d'affaires pour tous les opérateurs performants. Ensuite, parce que les grands groupes leaders prennent le soin de s'attacher les acteurs les plus prometteurs via des partenariats ou des acquisitions. C'est ainsi que la domination historique des grands groupes du bâtiment et de l'énergie, qui ont fait du développement des SEE un axe prioritaire de développement à moyen terme, n'est pas prête d'être remise en cause. Ils ambitionnent en effet de jouer les maîtres d'oeuvre des grands chantiers d'efficacité énergétique."

 

 

Se positionner par rapport au photovoltaïque en autoconsommation

 

Sur la base de tous ces éléments, quelles perspectives d'évolution se dessinent pour le marché de l'efficacité énergétique ? D'une manière générale, les analystes estiment que ces services deviendront de plus en plus interdépendants d'autres évolutions observables dans différents secteurs d'activité : par exemple, les systèmes de gestion de l'énergie seront progressivement intégrés dans les projets de bâtiments intelligents, tant dans le résidentiel que le tertiaire. Prendre en compte les CEE et être en mesure de proposer des offres intégrées constituent deux autres impératifs pour les acteurs du marché, selon Xerfi. Ainsi, ils pourront se présenter comme seul et unique interlocuteur des clients et usagers recourant à leurs technologies. Les entreprises du secteur auront néanmoins besoin de s'organiser par rapport à d'autres opportunités commerciales, à l'instar du photovoltaïque en autoconsommation. "Les petits opérateurs misent pour leur part sur une spécialisation pour obtenir des contrats en sous-traitance des grands groupes dans l'espoir de se positionner comme un partenaire stratégique incontournable", conclut Pierre Paturel.

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