S'il est une chose que partagent quasiment tous les présidents de la Ve République, c'est bien leur volonté de laisser une trace dans l'histoire à travers l'architecture et l'urbanisme. Du centre Georges Pompidou à la bibliothèque François Mitterrand, visite guidée d'une autre forme de l'exception culturelle à la Française.

Héritage de plusieurs siècles de monarchie, les présidents de la Ve République ont tous cédé à la tentation de devenir apprenti architecte ou urbaniste. Une exception notable : le général de Gaulle, se préférant sans doute dans le rôle du bâtisseur de la Ve République, n'a jamais eu d'autre ambition que de devenir soi-même un monument au regard de l'Histoire. De ses mandats, on pourra toutefois retenir la tristement célèbre faculté de Jussieu, dont l'architecte Edouard Albert s'était pourtant inspiré de l'Escural de Madrid.

Avec Georges Pompidou, la monarchie républicaine commencera à s'exprimer à grands coups de truelle. Déjà en tant que premier ministre, l'homme d'Etat affichait sa volonté " d'adapter la capitale à la voiture ". Le pire sortira de terre avec la création des voies sur berges, l'aménagement du Front de Seine à partir de 1967, l'opération Maine avec la création de la tout Montparnasse haute de ces 206 mètres... mais également le meilleur avec le centre Beaubourg.

Georges Pompidou rêvait " que Paris possède un centre culturel () qui soit à la fois un musée et un centre de création ". Le concept défini est révolutionnaire, et les architectes retenus, le Britannique Richard Rodgers et l'Italien Renzo Piano, ne le sont pas moins. D'ailleurs, leur projet créé un choc chez les Parisiens qui voient avant tout une " usine à gaz ", une " raffinerie " ou encore gouffre financier. Quelques années plus tard, après avoir accueilli en moyenne 25.000 visiteurs par jour, soit plus de 150 millions de personnes depuis sa création, le Centre Beaubourg fait partie intégrante du patrimoine national.

De Valéry Giscard d'Estaing, on ne retiendra pas les coûteux travaux de rénovation du Palais de l'Elysée, mais plutôt, les non moins dispendieux aménagement du parc de la Villette. On devra aussi au jeune président d'avoir sauvé la capitale du goût immodéré du béton de son prédécesseur en annulant le projet de création d'une voie rapide sur la rive gauche de la Seine ou encore celui d'une tour haute de 176 mètres, place d'Italie.

Avec Georges Pompidou, François Mitterrand fait indéniablement partie de cette lignée de monarques bâtisseurs. Sa politique autoritaire de grands travaux conduira elle aussi au meilleur - avec le Grand Louvre, le Musée des Arts et Métiers ou la Galerie du Muséum d'Histoire Naturelle - comme au pire avec le mégalomaniaque projet de Très Grande Bibliothèque ou l'Opéra Bastille qui, malgré le plus grand concours d'architecture du monde (plus de 700 candidats), aboutira à la création d'un bâtiment étriqué dont la façade se détache déjà peu à peu.

Que nous réservera le nouveau président de la République ? Pour l'heure, Jacques Chirac a davantage fait parler de lui dans l'affaire des HLM de la Ville de Paris que pour sa politique de grands travaux. Mais s'il est élu, il pourra inaugurer son projet, le musée des Arts et Civilisations conçu par Jean Nouvel. S'il est battu...

Quoi qu'il en soit, dans chacun des programmes des deux candidats à la présidence de la République, on ne trouve aucune trace de ces grands travaux qui ont portant jalonné l'Histoire de notre pays. Rien de surprenant note Georges Poisson dans son livre Les Grands Travaux des présidents de la Ve République (Ed. Parigramme) : " Il s'agit d'une sorte de domaine réservé que ne prévoit nullement la constitution et dont on trouve nulle trace dans aucun pays démocratique ".

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