Maïs, pomme de terre, fibres de lin ou de chanvre ont tous des potentialités qui pourraient rendre notre société moins dépendante des énergies fossiles, notamment dans le secteur de la construction. Un avis du CESE fait dix propositions pour aider à lever les freins au développement de ces matériaux biosourcés.

« Les pertinences techniques et environnementales du lin et du chanvre que l'on redécouvre aujourd'hui, constituent un véritable défi pour la France. Reprendre la main sur les premières transformations et développer des filières matériaux créera des débouchés sur le territoire national, permettant ainsi de rapatrier la valeur ajoutée et de relocaliser des emplois », déclare la rapporteure Catherine Chabaud, qui vient de présenter, ce mardi 10 novembre 2015, un projet d'avis au Conseil économique social et environnemental (CESE).

 

Car le lin, comme le chanvre, communément regroupés dans la catégorie des matériaux biosourcés, offrent aujourd'hui « des potentialités environnementales, sociales et économiques » qui pourraient contribuer à une société moins dépendante des hydrocarbures, souligne le CESE. Preuve en est son utilisation croissante tant dans le design, le sport, l'automobile ou la construction.

 

Le bâtiment en première ligne

 

Dans ce secteur, les réalisations se multiplient, notamment avec le béton de chanvre en fer de lance. Citons par exemple la construction de logements neufs à Paris ou encore la rénovation d'un ensemble de logements individuels à Jouy-en-Josas. Mais il est encore difficile de convaincre les maîtres d'ouvrage du bien-fondé de ces matériaux, qui sont présents dans les isolants, les bétons et les composites.

 

Voilà pourquoi un avis du CESE vient d'émettre dix propositions pour soutenir ces deux filières. En premier lieu, adapter les formations pour que les metteurs en œuvre - artisans et architectes - puissent bénéficier d'une formation initiale et continue à l'utilisation des matériaux biosourcés. De même, l'institution préconise une adaptation de la réglementation et appelle les professionnels « concernés » à un effort de normalisation et d'élaboration de documents techniques. « Dans le domaine de la construction, le CESE demande par exemple que la spécificité des bétons et isolants biosourcés soit mieux prise en compte dans les nouvelles réglementations tant structurelles, thermiques, qu'acoustiques », note l'avis.

 

En attente d'outils réglementaires et fiscaux

 

Autre recommandation : développer, compléter et diffuser les résultats de l'analyse du cycle de vie (ACV), « dans un souci de transparence et d'objectivité ». Dans cette même logique environnementale, mieux vaut aussi privilégier les fibres produites sur le territoire national, limiter les transports des récoltes, et favoriser la proximité entre les lieux de transformation et de production.

 

Enfin, le CESE invite à « construire une véritable stratégie nationale », que des outils réglementaires et fiscaux puissent voir le jour, et permettent aux entreprises de mise en œuvre de ces produits biosourcés de répondre aux appels d'offres. Les filières doivent également se diversifier, suggère le CESE, et surtout se redéployer, notamment vers les activités de seconde transformation que sont le tissage, la réalisation de produits techniques, etc.

 

Le projet d'avis de Catherine Chabaud sera maintenant soumis au vote de l'Assemblée plénière du CESE.

 

Lin et chanvre : quelles propriétés ?
La fibre de chanvre est par exemple utilisée dans les matériaux de construction en matière plastique (huisserie, profilés…), auxquels elle confère des qualités de rigidité, de recyclabilité et de poids que les renforts métalliques ne permettent pas. Les laines isolantes thermiques et phoniques sont un substitut possible aux laines minérales ou aux isolants minces. Les chènevottes peuvent remplacer avantageusement les billes ou les flocons de polystyrène expansé issus de la pétrochimie. Enfin, F. Ghering note dans sa thèse que « les propriétés des composites à fibre de chanvre résistent mieux aux recyclages que les composites en fibres de verre ». L'usage de cette plante dans le bâtiment semble d'autant plus adapté que le chanvre ne contient pas de composés organiques volatiles (COV). Les produits qui en sont tirés présentent des avantages assez similaires : ce sont de bons régulateurs hygrométriques, ils ont de bonnes performances acoustiques, ils sont dépourvus de dangers sanitaires et la minéralisation rend la matière organique (chènevotte) insensible aux moisissures. Certains sous-produits (laines de chanvre) ont quant à eux besoin d'un traitement au sel de bore contre les insectes et les rongeurs.

 

Les avantages comparatifs de la fibre de lin sont globalement les suivants : faible densité (1,5 vs 2,54 pour la fibre de verre) ; absorption des vibrations supérieure à celle des fibres de carbone et de verre ; isolation thermique supérieure à celle des fibres de carbone ; isolation acoustique supérieure à celle des fibres de carbone et de verre.

 

Source : Avis du CESE du 10 novembre 2015.

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