CONJONCTURE. Les artisans du bâtiment ont retrouvé leur niveau d'activité d'avant-crise, porté très largement par la rénovation et notamment la rénovation énergétique au premier semestre 2021. "Tous les voyants sont au vert", selon le président de la Capeb, même si la situation concernant les prix et l'approvisionnement des matériaux reste une préoccupation majeure.

Ce sont "de bonnes nouvelles" qui "font du bien" que Jean-Christophe Repon, président de la Capeb, apporte en cette rentrée 2021. Après un exercice 2020 difficile, les chiffres du premier semestre laissent en effet observer une "remontée historique" de l'activité des artisans du bâtiment après une crise, "comme dans une période de reconstruction".

 

Pour bien le comprendre, la Capeb a quelque peu modifié sa méthode et ses indicateurs habituels. En plus des données trimestrielles, l'organisation professionnelle a relevé les chiffres sur l'ensemble du premier semestre, qu'elle a comparés à ceux de 2019, soit avant la crise sanitaire.

 

Effet de rattrapage mais pas seulement

 

Ainsi, le deuxième trimestre 2021 enregistre une croissance de 37% par rapport à la même période de 2020 (comprenant le premier confinement et un arrêt total de l'activité). Sur les 12 derniers mois, la tendance est à +11,3%.

 

 

Et si l'on se penche sur l'ensemble du premier semestre, on remarque qu'il dépasse légèrement le niveau d'avant-crise, puisque l'activité s'inscrit à +0,5% par rapport au premier semestre 2019. Des données qui font dire à Alain Chouguiat, directeur des affaires économiques de la Capeb, qu'au-delà d'un effet de rattrapage, "il y a un peu de commandes supplémentaires".

 

La rénovation énergétique en très bonne forme

 

Et c'est l'entretien/rénovation, cœur de métier des entreprises de l'artisanat, qui a été le principal moteur de la croissance. Ce segment progresse en effet de 2,2% au premier semestre par rapport à 2019. "Ce qui est très important puisque nous sommes plutôt sur des valeurs autour de +1% quand tout va bien", se réjouit Alain Chouguiat. Sur 12 mois glissants, la tendance est bien plus haute encore à +11,9%. Sans compter les +42% du seul deuxième trimestre par rapport à la même période en 2020.

 

Autre bonne nouvelle : dans ce segment, la rénovation énergétique enregistre une croissance jamais vue, puisqu'elle progresse à elle seule de 3,3% au premier semestre comparé aux six premiers mois de 2019. Alors que la tendance la plus haute était jusque-là à +2% environ, souligne-t-on dans les rangs de la Capeb. La tendance annuelle se hisse à +13,9% à l'issue d'un deuxième trimestre lui-même en très forte hausse par rapport à 2020 (+43%). Et avec comme "locomotive" l'installation de pompes à chaleur, mais encore peu de rénovations globales (en-dessous de 15% des chantiers).

 

Le nombre d'entreprises RGE stable

 

Alors que sur les activités RGE, le nombre de gestes a doublé selon la Capeb, c'est loin d'être le cas du nombre d'entreprises labellisées, le "désamour" des artisans étant toujours fort, regrette Jean-Christophe Repon. Cependant, après une dégradation des chiffres depuis deux ans, "le niveau se stabilise", observe-t-il, comme l'expliquait aussi le nouveau président de Qualibat à Batiactu en juillet 2021.

 

Pour "redonner de l'amour", il milite toujours pour un RGE chantier par chantier, qu'il estime moins contraignant et permettrait d'obtenir la labellisation à terme. Une expérimentation est menée sur ce sujet depuis plusieurs mois. La formation est aussi un axe essentiel à travailler. Des propositions seront ainsi renouvelées auprès du gouvernement en ce sens, même si l'élection présidentielle en approche ne facilitera pas ce travail.

 

L'organisation professionnelle ne lâche pas non plus le morceau concernant la mise en place de groupements momentanés d'entreprise afin de mener davantage de rénovations globales. Enfin, la possibilité de réaliser des expérimentations sont en discussion avec la ministre Emmanuelle Wargon, afin de simplifier et d'accompagner les démarches administratives pour les artisans, en externalisant le montage des dossiers.

 

Du côté du neuf, les chiffres sont plus nuancés. Le premier semestre 2021 reste toujours en-deçà du début d'année 2019 (-1,8%). Conséquence encore des confinements, et surtout du premier, avec des problèmes de délivrance des autorisations et des permis de construire selon la Capeb. Malgré tout, ce segment retrouve des couleurs ces derniers mois, puisqu'il s'affiche en croissance sur le deuxième trimestre (+30%) et sur 12 mois glissants (+10,3%). Une dynamique portée par la construction de maisons individuelles.

 

La fin de l'année soumise à quelques inconnues

 

Pour la seconde partie de l'année, la Capeb ne souhaite pas faire de prévisions. L'organisation professionnelle préfère parler d'hypothèses, misant sur une croissance comprise entre 5 et 10%. "Nous devrions être dans l'hypothèse haute, entre 8 et 10%, compte tenu des tendances annuelles et de carnets de commandes à un niveau très élevé" (111 jours début juillet 2021, près de 2 fois plus qu'un an auparavant).

 

Pourquoi n'avancer que des hypothèses et non des prévisions ? Car plusieurs inconnues pourraient les perturber. A commencer par la hausse des prix et les problèmes d'approvisionnement en matériaux. La situation semble se stabiliser, 67% des TPE ont subi des retards ponctuels ces derniers mois, et près d'un quart ont dû reporter des chantiers (cf. encadré ci-dessous). De même, la hausse des prix n'a pas toujours pu être répercutée par les entreprises

 

Tensions sur les matériaux : un retour à la normale espérée au premier semestre 2022

 

Entre hausse des prix et pénurie, les tensions sur les matériaux ont été importantes ces derniers mois. La situation semble se stabiliser, mais le retour à la normale n'est pas attendu avant le premier semestre 2022. Pour en savoir plus sur l'impact sur ses adhérents, la Capeb a réalisé une étude en juillet 2021 auprès de 1.700 entreprises artisanales.

 

Concernant la hausse des prix, elle varie de 20 à 80% selon les matériaux. Les trois quarts des entreprises interrogées estiment ainsi avoir rencontré une hausse significative au cours de 6 derniers mois, et plus particulièrement les métiers de la menuiserie/serrurerie (86%) ou encore ceux de la couverture/plomberie/chauffage (81%). En revanche, seul un quart des entreprises ont réussi à répercuter cette hausse dans leurs prix systématiquement, 35% n'ont pas pu le faire tout le temps, et près de 40% ne l'ont pas fait du tout.

 

 

Par ailleurs, 57% des entreprises ont été affectées par des problèmes d'approvisionnement. Parmi les plus touchés, les métiers de la couverture/plomberie/chauffage : la pénurie de composants électroniques a entraîné des difficultés sur l'approvisionnement en chaudières. Au total, les deux tiers des entreprises estiment avoir connu des retards ponctuels à cause de ces pénuries, un quart ont reporté des chantiers, 29% ont changé de distributeurs, 19% ont utilisé des matériaux de substitution.

 

Interrogé sur la réaction des clients, Jean-Christophe Repon explique n'avoir pas eu connaissance de difficultés d'acceptation de la hausse des devis, sans pour autant donner d'estimation précise de cette augmentation. "Les matériaux représentent 25 à 50% de nos prix, cette inflation a donc un impact certain, mais elle ne fait pas tout", explique-t-il, ajoutant que les entreprises avaient aussi joué sur leur marge. La Capeb a incité ses adhérents à raccourcir les délais des devis, pour être plus en phase avec des évolutions de prix pouvant malgré tout aller très vite.

 

Par ailleurs, "la crise sanitaire n'est pas encore derrière nous", insiste la Capeb qui préfère donc rester prudente. Enfin, même si l'organisation professionnelle estime que 26.000 emplois seront créés sur l'ensemble de l'année dans l'artisanat du bâtiment, trouver de la main d'œuvre n'est toujours pas chose aisée.

 

Le milieu d'année étant malgré tout "très positif", Jean-Christophe Repon croit en "notre capacité à créer de l'emploi au deuxième semestre" et à réaliser un bel exercice 2021. "Ce ne sont pas les TPE qui créent la dynamique, mais elles ont montré qu'elles pouvaient répondre rapidement, avec beaucoup d'innovation et de souplesse, aux problématiques actuelles."

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