ENGAGEMENTS. Julien Denormandie, secrétaire d'État a la Cohésion des territoires a assuré, le 21 septembre 2018, que la crise que traversait l'assurance-construction en France était un "sujet profondément important". Le Gouvernement se dit actif sur le sujet.

C'est la première fois qu'un ministre prenait la parole en public au sujet de la crise que traverse l'assurance-construction. Le secrétaire d'État à la Cohésion des territoires Julien Denormandie, le 21 septembre 2018, lors d'un colloque sur le sujet organisé par la Fédération française du bâtiment (FFB), a ainsi affirmé que les complications liées à l'effondrement de compagnies d'assurances intervenant en libre prestation de service (LPS) constituait un "sujet profondément important". "Je m'engage à porter ces sujets auprès du ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire", a-t-il ajouté. Bercy travaille depuis plusieurs mois sur le sujet des difficultés rencontrées par les assureurs en libre prestation de services (LPS), et avait annoncé à Batiactu, en début d'année, qu'il se penchait sur le cas du courtier en assurances SFS (aujourd'hui en redressement judiciaire).

 

"Si l'assureur s'effondre, c'est tout le château qui s'effondre"

 

"Le secteur des assurances est un acteur à part entière de l'acte de construire, et si l'assureur s'effondre, c'est tout le château qui s'effondre", a assuré le secrétaire d'État. Il est donc d'autant plus important de sécuriser la situation en assurance construction, à l'aube de la petite révolution que constituera la réécriture du code de la construction et de l'habitat (CCH), qui "fera évoluer le paysage des risques car l'innovation va évoluer".

 

 

Les assureurs en LPS, c'est-à-dire qui interviennent depuis un autre pays de l'espace économique européen, tiennent aujourd'hui 10 à 15% du marché français dans le BTP. Consciente des risques que cela fait peser sur les entreprises de construction, la Fédération française du bâtiment avait demandé un rapport à l'ancien député Michel Piron, assorti de recommandations. La solution de la crise actuelle pourrait passer, notamment, par une révision des règles françaises en matière d'assurance-construction, issues de la loi Spinetta qui fête ses quarante ans cette année. Michel Piron, et la FFB avec lui, invitent ainsi les pouvoirs publics à clarifier le champ de la responsabilité décennale, pénaliser les assureurs dommages ouvrage lorsqu'ils jouent mal leur rôle de préfinancement rapide des désordres ou encore mieux contrôler les provisions des compagnies par une identification claire des risques souscrits en France sur la branche construction et des schémas de distribution (courtage, mandats).

 

Au niveau européen, des annonces

 

Comme l'a affirmé Julien Denormandie, la solution passera aussi par l'Europe. Et c'est Gabriel Bernardino, président de l'Eiopa, organisme chapeautant les autorités de contrôle de l'ensemble des pays européens, qui est intervenu en fin de colloque par vidéoconférence. Il a effectué un point sur les systèmes de surveillance existant en Europe, et sur ce qui allait être développé notamment sur l'assurance-construction. "Le 1er mai 2017, ce que nous appelons le protocole général a été mis à jour afin de mieux définir la collaboration entre autorités de contrôle de différents pays", a-t-il expliqué. "Il s'agit d'améliorer le cadre dans lequel le partage d'informations et de données se fait. Les autorités nationales ont approuvé cette décision, qui permet à tout moment de la vie d'une entreprise l'échange d'informations."

 

Le président de l'Eiopa a également évoqué l'existence de plateformes de supervision transfrontalières, qui permettent de faire siéger au sein d'un collège les superviseurs des pays concernés. "Cela vise à nous assurer que les risques liés aux prestations transfrontalières sont gérés d'une façon optimale. Ces plateformes dédiées à certaines compagnies d'assurance permettent de partager l'information sur des marchés spécifiques, mais aussi d'agir de façon simultanée et coordonnée." Ces plateformes ont permis d'intervenir ces derniers mois à la suite de défaillances de sociétés d'assurance, assure l'Eiopa.

 

"Les questions relatives à l'assurance-construction en France ont été inclues en priorité"

 

Quelles seront les actions prises dans un "futur proche" ? Le président de l'Eiopa les a égrenées. "Les questions relatives à l'assurance-construction en France ont été inclues en priorité dans le plan de convergence de la supervision européenne pour 2018-2019 que nous avons publié récemment", a précisé Gabriel Bernardino. Autre élément : afin d'harmoniser les calculs de provisions techniques et leur supervision, l'Eiopa envisage de publier des recommandations publiques, dont l'application sera discutée avec les autorités nationales. Ces recommandations auront pour raison d'être de clarifier "la façon dont les provisions techniques doivent être calculées pour les branches longues comme le bâtiment". Des textes spécifiques seront publiés sur la branche bâtiment française, qui possède les particularités de la décennale et de la dommages-ouvrage, avec l'incertitude autour des sinistres impliquée.

 

Des pouvoirs élargis pour l'Eiopa

 

"Ces recommandations publiques concerneront également la gouvernance des entreprises d'assurance lorsqu'elles décident de conduire des activités transfrontalières, et viseront à mieux définir le rôle des autorités du pays d'accueil et du pays d'origine", a aussi expliqué Gabriel Bernardino. Un autre projet consiste à recenser au niveau européen les activités à risque dans chaque état membre, où il est important de connaître les spécificités locales. "Cela permettra aux superviseurs de connaître en amont les activités à contrôler de façon plus intense, en particulier le niveau des provisions, et permettra au pays d'accueil d'avoir une vision plus précise des acteurs opérant sur son marché." Une version pilote de cet exercice sera lancée spécifiquement sur l'assurance-construction en France. Enfin, les pouvoirs de l'Eiopa pourraient être élargis pour "assurer une cohérence des activités transfrontalières".

 

Ces nombreuses propositions pourront-elles avoir un effet bénéfique à court terme ? Il est probable que non, mais du moins ont-elles le mérite d'exister et de prouver que les superviseurs sont bien conscients des déséquilibres apparus au fil des années.

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