JUSTICE. Nouveau chapitre dans le feuilleton de l'assurance construction en libre prestation de services. La société Alliage assurances (ex-SFS France) vient en effet d'être déclarée en redressement judiciaire, ce 23 août 2018, au tribunal de commerce. Mais un investisseur est sur les rangs pour un plan de continuation d'activité.

SFS Europe s'est placé en liquidation volontaire en juillet 2018. Ce 23 août 2018, c'est sa division française, Alliage assurances (ex-SFS France), qui vient d'être mise en redressement judiciaire à l'issue d'une audience au tribunal de commerce de Paris, et d'une mise en cessation de paiement le 18 juillet 2018. Date depuis laquelle les salaires ne sont plus payés.

 

Pour rappel, le courtier en assurances est en position très délicate depuis le retrait en début d'année de son actionnaire majoritaire, et partenaire principal, l'assureur CBL, basé en Nouvelle-Zélande. Plusieurs dizaines de milliers d'acteurs de la construction sont passés par SFS, ces dernières années, et sont concernés.

 

Deux scénarios de sortie de crise envisageables

 

Deux scénarios sont aujourd'hui envisageables pour éviter la liquidation judiciaire. Un investisseur, Boléro participations, se propose ainsi depuis avril d'injecter 15 millions d'euros dans la société : 5 millions pour une restructuration, puis dans un second temps 10 millions pour le développement de l'activité. Mais, comme cette somme met visiblement du temps à être réunie, la cessation des paiements a été déclarée puis aujourd'hui le redressement judiciaire. Le tribunal a toutefois donné un mois à Boléro participations, jusqu'à fin septembre donc, pour amener les cinq millions d'euros. Si cela n'est pas le cas, "le redressement judiciaire sera transformé en liquidation judiciaire", nous informe Thomas Hollande, avocat chez LBBA, défendant le comité d'établissement d'Alliage assurances. Pour Julien Andrez, avocat de SFS et associé du cabinet Arago, "la mise à disposition de ces capitaux a été retardée notamment en raison du refus du PSE par les représentants du personnel, ce qui a conduit Alliage assurances à déclarer son état de cessation des paiements".

 

 

Reste aussi la possibilité de trouver un repreneur extérieur, solution préférée par les représentants des salariés de SFS, qui ressentent de la "défiance" pour les dirigeants historiques de leur entreprise. "Nous vivons une triple défiance", détaille Thomas Hollande. "Tout d'abord à l'égard des dirigeants historiques de SFS ; puis à l'égard de Boléro participations dont le projet nous apparaît trop flou (absence d'expertise dans le domaine de l'assurance, absence de business plan...), alors même qu'il est aujourd'hui l'actionnaire majoritaire d'Alliage assurances ; et enfin à l'égard des mandataires désignés jusqu'à présent. Ces derniers se sont trop concentrés, selon nous, sur le plan de reprise proposé par Boléro, plutôt que de chercher un repreneur extérieur sérieux dans le domaine de l'assurance."

 

"Aucune pratique commerciale contestable chez SFS"

 

Une position que les avocats de SFS regrettent. "Je comprends bien sûr l'inquiétude des salariés puisque la situation est difficile depuis maintenant huit mois", observe Julien Andrez. "Il y a eu un amalgame entre CBL, où certains parlent d'une fraude possible, et SFS : je rappelle que l'ACPR est venue contrôler SFS ces derniers mois et qu'aucune pratique commerciale contestable n'a été identifiée. J'invite ainsi les salariés à croire à cette possibilité de sauver l'entreprise, et de ne pas adopter la posture des représentants du personnel qui n'ont pas une attitude constructive. Tout ce qui est bon pour l'entreprise est bon pour les 172 salariés de cette entreprise. Si on refuse toutes les solutions possibles, c'est la liquidation judiciaire assurée ! Personnellement, j'ai bon espoir puisque ce repreneur potentiel a réitéré ses engagements depuis six mois. Malheureusement, les dernières charges des salariés contre la direction peuvent émousser les motivations de l'actionnaire, et c'est en cela que l'attitude des représentants des salariés et de leur avocat m'apparaît irresponsable."

 

Quoi qu'il en soit, le juge a laissé une chance à la société en ouvrant ce redressement judiciaire. "Mais le président a affirmé qu'ils n'avaient aucune garantie sur le fait que ces cinq millions d'euros allaient suffire, ni s'ils allaient bien être investis", ajoute Thomas Hollande.

 

"Un réseau de spécialistes qui apportent une vraie valeur ajoutée"

 

Un point sur lequel chacun semble s'accorder est celui de considérer Alliage assurances comme un outil encore utilisable pour développer des affaires. "Nous avons essayé de défendre le fait qu'aujourd'hui, même si l'image de SFS est très écornée, même si nous n'avons plus de partenaires d'asssurance, nous disposons d'un réseau de spécialistes qui apportent une vraie valeur ajoutée et peuvent avoir un intérêt pour un candidat repreneur", insiste Thomas Hollande. De son côté, Julien Andrez assure que "la société Alliage assurances dispose d'un excellent réseau d'agences et de salariés très dynamiques et conquérants ; reste à résoudre ce problème de l'apport de capitaux du nouvel actionnaire. À défaut, la liquidation judiciaire sera inévitable".

 


Ajout du 24/08/2018 : La délégation du personnel et la délégation syndicale d'Alliage assurances réagit aux propos de l'avocat de SFS

 

"En réponse aux allégations de l'avocat de SFS, maître Julien Andrez, parues sur le site de Batiactu du 23 août, la délégation du personnel dément formellement les propos tenus à son égard. Les représentants du personnel n'ont jamais refusé de signer un PSE au sein de l'entreprise. Au contraire, la délégation syndicale CFDT a négocié durant le mois de juin avec l'employeur les mesures d'accompagnement d'un plan de sauvegarde en remettant ses propositions les 15 juin et 9 juillet 2018. Convoqués par la Direccte le 11 juillet dernier, les représentants du personnel ont appris que l'employeur n'avait remis à cette date aucun des documents obligatoires nécessaires à la procédure. Par ailleurs, le comité d'établissement de Alliage assurances (ex-SFS) n'a jamais été convoqué par l'employeur dans le cadre des réunions obligatoires prévues par le code du travail dans le cadre de la procédure d'un PSE. Enfin, en convoquant les élus du personnel le 26 juillet dernier pour les informer de la mise en cessation de paiement et du non paiement des salaires, l'employeur a de lui-même et unilatéralement mis fin au Plan de Sauvegarde de l'Emploi au sein de l'entreprise. Le comité d'établissement a chargé son avocat, le cabinet LBBA, de donner toute suite judiciaire nécessaire à cette affaire."

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