LOGEMENT. Dans le cadre de la loi Elan, le gouvernement a décidé d'intervenir au sujet de la rénovation des copropriétés dégradées : un plan national, baptisé "Initiative Copropriétés", va être lancé et repose sur la concertation entre l'Etat et les collectivités territoriales. Détails.

Julien Denormandie, secrétaire d'Etat de la Cohésion des territoires, présente ce mercredi 10 octobre au congrès des organismes HLM à Marseille, le plan national du gouvernement pour lutter contre les copropriétés dégradées. D'après les chiffres du ministère, une enveloppe de 2,5 milliards d'euros est débloquée à cet effet, sachant que 684 copropriétés sont considérées comme "en difficulté" dans tout le pays, ce qui représente environ 56.000 logements. Sur ces 684 sites, 14 sont estampillés "de priorité nationale", soit 128 copropriétés dégradées et 23.330 logements. Sur une période de 10 ans, les financements, tous acteurs confondus, devraient donc atteindre les 2,74 milliards d'euros. Partant de ce constat, l'exécutif a souhaité passer à la vitesse supérieure sur le sujet, et c'est ainsi qu'"Initiative Copropriétés" a vu le jour : il s'agit d'un plan national, en concertation avec les collectivités territoriales, pour accélérer la rénovation - restructuration des copropriétés en situation délicate.

 

 

Adoption d'une nouvelle méthodologie et instauration de mesures dans la loi Elan

 

La méthodologie prônée par l'Etat se veut novatrice : reposant sur des plans d'actions négociés avec les décideurs locaux, l'initiative ambitionne de proposer une stratégie opérationnelle adaptée à chaque situation, de promouvoir une approche territorialisée, de co-piloter des projets, et enfin de renforcer et d'adapter les moyens financiers dédiés à ce sujet. Pour rappel, la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan), récemment adoptée à l'Assemblée nationale, contient déjà des mesures relatives aux copropriétés : globalement, la procédure d'Orcod (Opération de requalification de copropriétés dégradées) d'intérêt national a été simplifiée et améliorée, le relogement des ménages dans les opérations d'Orcod de droit commun est désormais considéré comme prioritaire, et des outils opérationnels et de financement pour accompagner les collectivités ont été instaurés.

 

"Recycler", redresser et prévenir

 

Dans les faits, l'Initiative Copropriétés repose sur trois axes. Le premier : la transformation, ou plus exactement le "recyclage" des copropriétés dégradées et l'accompagnement des collectivités concernées. Concrètement, le recyclage se traduit par la destruction de tout ou partie des immeubles en difficulté, puis par la reconstruction de nouveaux logements. Dans ce cadre, Initiative Copropriétés propose de nouvelles solutions de financements pour combler les déficits des opérations de recyclage, souvent très coûteuses :

 

- La prise en charge du déficit d'opération jusqu'à 80% par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) dans le cadre des projets d'aménagement des quartiers NPNRU (Nouveau programme national de renouvellement urbain) ;
- La prise en charge du déficit d'opération jusqu'à 80% par l'Agence nationale de l'habitat (Anah) pour les copropriétés faisant l'objet d'une décision de carence par le Tribunal de grande instance (TGI) ;
- Le financement, toujours par l'Anah, des travaux de mise en sécurité des habitants jusqu'à 100% de leur montant hors taxe, sous certaines conditions toutefois.

 

Deuxième axe : le redressement des copropriétés

 

Ici, il est question de faciliter l'acquisition provisoire des logements, autrement dit leur rachat par des opérateurs publics quand les propriétaires sont "défaillants", mais aussi de réaliser les travaux de rénovation (y compris énergétique) et "d'assainir" la gestion et le fonctionnement de ces copropriétés. Les dispositifs inédits institués par Initiative Copropriétés sont les suivants :
- L'amélioration des financements des travaux par l'Anah, grâce à un système de majoration qui complètera ceux apportés par les collectivités afin de rendre acceptables les restes à charge des copropriétaires ;
- Le renforcement des mesures d'accompagnement des professionnels de l'immobilier ;
- La mobilisation des bailleurs sociaux dans les copropriétés mixtes dans l'optique d'assurer leur stabilité ;
- L'engagement des acteurs institutionnels compétents pour lutter contre l'habitat indigne et agir contre la sur-occupation des logements, à l'instar des Agences régionales de santé (ARS), des services sociaux ou des TGI ;
- La sécurisation des plans de financement des travaux grâce, entre autres, à la mobilisation des prêts du réseau immobilier Procivis.

Troisième et dernier axe d'Initiative Copropriétés : la prévention

Selon le ministère de la Cohésion des territoires, la mesure qui suit (très large par son champ d'application) a pour objectif d'instituer des actions de prévention afin d'éviter que des copropriétés fragiles n'entrent dans un véritable processus de dégradation. Il s'agit donc de mobiliser les dispositifs et les outils d'observation proposés par l'Anah aux collectivités et aux syndicats de copropriétaires, à savoir : le registre national des copropriétés, le dispositif de Veille et d'observation des copropriétés (VOC), le Programme opérationnel de prévention et d'accompagnement en copropriétés (Popac), l'Opération programmée d'amélioration de l'habitat, dédiée aux copropriétés, et enfin l'aide Habiter Mieux, consacrée aux travaux de rénovation énergétique.

 

Mobilisation de l'Etat et de ses partenaires sur 10 ans

 

Pour remplir cet ambitieux programme, l'Etat mobilise non seulement ses moyens mais aussi ceux de ses agences et de ses partenaires. Sur une durée de 10 ans, environ 2,74 milliards d'euros vont y être consacrés, et de nouvelles offres de services seront proposées, de manière à inciter les collectivités et les acteurs locaux à s'engager - sont notamment concernés les EPF (Etablissements publics fonciers), EPA (Etablissements publics administratifs), SEM (Sociétés d'économie mixte), SPL (Sociétés publiques locales) et évidemment les bailleurs sociaux. Plus précisément, l'ANRU consacrera 500 millions d'euros à Initiative Copropriétés, pendant que l'Anah débloquera une enveloppe de 2 milliards. Les collectivités et opérateurs pourront en outre compter sur un engagement financier au cas par cas d'Action Logement, de la Banque des territoires (branche de la Caisse des dépôts et consignations dédiée aux financements des projets portés par les collectivités) et du réseau immobilier Procivis, qui pour sa part réservera 240 millions d'euros à des prêts aux copropriétaires très modestes pour les encourager à réaliser des travaux de réhabilitation.

 

 

A noter : l'Anah va par ailleurs proposer trois nouvelles offres spécifiques. Le dispositif Résorption de l'habitat indigne (RHI) spécial "copropriété" permettra d'accompagner le financement du recyclage pour les immeubles en situation d'état de carence déclaré par un juge, c'est-à-dire lorsqu'une copropriété présente des risques pour la sécurité de ses habitants ou lorsque le gestionnaire n'est plus en mesure d'en assurer la conservation. De plus, une aide sur la "Gestion urbaine de proximité" du parc privé sera mise en place, tout comme une "prime copropriété" bonifiant les aides aux travaux proposées par les collectivités.

 

Le programme Initiative Copropriétés devrait être mis en œuvre à compter de janvier 2019.

 

 

L'Association des responsables de copropriétés réagit aux annonces du ministère de la Cohésion des territoires

 

Par voie de communiqué, l'Association des responsables de copropriétés (ARC) a réagi aux annonces de Julien Denormandie sur le fonctionnement d'Initiative Copropriétés. Reconnaissant que le "dispositif répond à une situation d'urgence", l'association estime néanmoins qu'il "ne traite pas pour autant le fond du problème qui est beaucoup plus préoccupant, à savoir le basculement des copropriétés dans la fragilité, voire dans la difficulté", ajoutant que cette "situation latente […] concerne l'ensemble du territoire français". L'ARC avance quelques chiffres pour justifier ses propos : en 2017, d'après son Observatoire patrimonial des copropriétés, "97% d'entre elles présentaient en fin d'exercice des copropriétaires débiteurs avec une dette moyenne en nette augmentation qui est passée en trois ans de 29.876 € à 37.611 €". Ce qui fait dire à l'association que les pistes avancées par le ministre de la Cohésion des territoires sont insuffisantes "puisqu'il s'agit de solutions palliatives, qui ne traitent pas les causes du problème, ce qui entraînera les mêmes effets".

 

Pour l'ARC, le gouvernement doit commencer par réaliser une étude sur la gestion et l'entretien des copropriétés, de manière à formuler "des solutions curatives et adaptées". L'association se propose de contribuer à la réflexion en présentant prochainement les résultats de son observatoire, ainsi que ses "préconisations pour redresser les copropriétés".

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