Malgré la ligne de crédit de 5 milliards d'euros débloquée en décembre par le Gouvernement pour palier le déficit de Dexia, il manquera cette année près de 10 milliards d'euros aux collectivités, a prévenu, mercredi, Philippe Laurent, président de la commission des finances de l'Association des maires de France (AMF). Communes, départements et régions doivent effectivement désormais intégrer cette nouvelle donne dans leur fonctionnement. Et prendre les mesures adéquates. Décryptage.

La perte récente du triple A de la France va-t-elle contrarier l'accès des collectivités aux emprunts bancaires ? L'ensemble des observateurs s'accordent à dire que les collectivités territoriales seront au premier rang des victimes de la dégradation de la note de la France par l'agence Standard & Poor's.

 

En effet, elles dépendent, pour près de la moitié de leur budget, de l'argent versé par l'Etat, à travers l'allocation globale de fonctionnement, et par conséquent elles ne peuvent pas bénéficier d'une meilleure note que lui. Résultat : les territoires notés AAA, comme la ville de Paris ou la région Ile-de-France, devraient mécaniquement être dégradés.

 

Pour les autres collectivités, une baisse de la note n'est pas non plus à exclure, les agences gardant l'Hexagone sous surveillance. D'ailleurs, celles aux ressources les plus modestes devraient être confrontées à des équations budgétaires plus délicates. En effet, si la situation n'était déjà pas très aisée après le démantèlement en octobre 2011 de Dexia, la banque franco-belge chargée de prêter de l'argent aux collectivités, cela devrait se compliquer encore plus… La vraie problématique, en fait, c'est « le manque d'appétence des prêteurs pour prêter aux collectivités territoriales », nous précise Philippe Laurent, maire de Sceaux (UMP) et président de la commission des finances de l'Association des maires de France. « Il y a urgence. Les risque liés à la trésorerie sont très importants s'alarme-t-il. Sur 16 à 18 milliards d'euros en besoins d'emprunt, il manquera cette année, 10 milliards aux collectivités. »

 

Selon l'élu, la Caisse d'Epargne et le Crédit Agricole sont les deux seules banques encore présentes sur le marché du financement du secteur public local, qui prêteront à elles deux environ 8 M€.

 

«Des projets vont commencer à baisser dès le mois de septembre prochain»
La question sur la menace des projets va très vite devenir pressante. «Pour 2012, toutes les opérations sont en cours, comme la réalisation de lignes de transport en commun», reprend Philippe Laurent. Mais il prévient : «Les projets cette année ne vont pas être annulés mais ils vont commencer à baisser dès le mois de septembre prochain.» Dans les années à venir, les collectivités locales vont donc être contraintes de réduire sensiblement la voilure, faute d'argent. En 2012, année électorale oblige, la majorité des contribuables français ne devraient pas être localement plus ponctionnés. «Un tiers des départements ne va pas augmenter du tout, un gros tiers s'indexera sur l'inflation, soit 2% de hausse, et une bonne vingtaine est tentée par une hausse de 5 à 10% », détaille l'association départementale des maires de France.

 

Alors que faudrait-il aujourd'hui pour couvrir le manque de financement ? « Pour que les collectivités se financent à leur rythme de croisière, il y aurait besoin de l'alliance Caisse des Dépôts et Consignations/La Banque Postale, qui apporterait entre 3 et 5 milliards d'euros annuels», selon Philippe Laurent.

 

Quid de la future agence des investissements locaux ?
Le rôle de la future agence des investissements locaux est d'après Jacques Pélissard, le président des maires «un levier complémentaire» à côté de l'offre bancaire traditionnelle et celle de la nouvelle entité formée par la Caisse des dépôts et la Banque Postale. «Elle offrira une diversification indispensable dans un secteur qui doit être régi par une saine concurrence», estimait-t-il lors du dernier Congrès des maires.

 

Depuis de longs mois, les élus locaux réclament la mise en place d'un nouvel organisme. «Cette agence de financement des investissements locaux irait emprunter directement sur les marchés obligataires pour reprêter aux collectivités territoriales», nous rappelle Philippe Laurent. «Ce mécanisme existe à peu près dans tous les pays d'Europe du Nord, et existait en France avant Dexia. Avec lui, on ne serait plus dépendants de la volonté des banques de financer les investissements publics locaux. Mais nous nous retrouvons dans une situation d'obstacle.»

 

En effet, Le Gouvernement voyait jusqu'à maintenant d'un mauvais œil la création d'une agence de financement des collectivités locales, du moins sur la forme réclamée par les élus locaux. Ces derniers via l'Association d'étude pour l'agence de financement des collectivités locales (AEAFCL), s'interroge : « Pourquoi la France se priverait-elle d'un outil qui permettrait d'apporter des financements performants, sûrs et à coût maitrisé ?»

 

En réponse, le Gouvernement par le biais de Valérie Pécresse, ministre du Budget, précise: «Nous ne sommes pas défavorables à la création de cette agence par principe, simplement nous considérons que si l'Etat est appelé en garantie, il est légitime d'en demander le contrôle des risques.» En tout état de cause, la question ne sera pas tranchée avant les élections présidentielles. Affaire à suivre...

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