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Chose inhabituelle à Paris, une allée de palmiers mène de la place de la Porte Dorée au palais. Il s'agit en fait du square des Anciens Combattants d'Indochine, surplombé de la statue d'une femme en armure dorée et au regard mystérieux. Juste derrière, un vestige de l'Art déco saute aux yeux : colonnes en façade, large escalier, bas-reliefs... Le Palais de la Porte Dorée est un colosse vieux de 76 ans.

Construit à l'occasion de l'Exposition coloniale internationale de 1931, il a d'abord servi à abriter le musée permanent des Colonies où des «indigènes» auraient été montrés nus aux visiteurs. C'est donc réhabiliter ce lieu que d'y installer la Cité de l'Immigration. Un pied-de-nez à l'histoire que savoure Patrick Bouchain, l'architecte chargé de rénover le bâtiment.

Pour lui, le choix de ce lieu pour un tel projet revient à «ouvrir une prison pour parler de liberté». Un retournement de situation salué par l'architecte, concepteur entre autres du Théâtre équestre Zingaro à Aubervilliers et du Lieu Unique à Nantes. Rénover l'ancien musée des Arts d'Afrique et d'Océanie (transféré au Quai Branly) fut pour lui un vrai challenge, la mise aux normes n'ayant pas été tâche facile.

Des cabanes dans les arbresL'architecture d'Alfred Laprade et la décoration extérieure (bas-reliefs d'Alfred Janniot) et intérieure, conçues dans l'entre-deux-guerres, étaient remarquables par leur «façon d'intégrer la grammaire de l'Afrique et du Maghreb», raconte avec passion Patrick Bouchain qui a du composer avec ce monstre du style Art déco. «Il fallait aussi donner envie aux enfants de s'intéresser à l'histoire de la colonisation», ajoute-t-il.

Pour ce faire, le foyer central a été conçu comme une bande-dessinée et les escaliers de secours «ressemblent à des cabanes dans les arbres». De plus, une aire de pique-nique a été aménagée au centre du foyer, avec des bancs repliables en fonction des besoins. L'aquarium tropical du rez-de-chaussée n'a pas bougé d'un poil. «Il est même resté accessible durant la durée de travaux», précise Patrick Bouchain.

Déposer une mémoire orale
Passé le hall et ses escaliers monumentaux, le foyer nous accueille avec la chaleur d'un parquet somptueux en bois tropicaux et européens, recouvrant un sol de croix gammées qui auraient pu prêter à confusion. Deux cabines se trouvent de chaque côté de cette immense pièce principale aux murs recouverts de fresques. La première servira de stand aux diverses associations proposant des évènements. La seconde est un petit studio d'enregistrement réservé aux intervenants souhaitant «déposer une mémoire orale».

Rappelant que pour lui «rien n'est jamais définitif», l'architecte poursuit la visite en empruntant les escaliers aux grilles signées Subes menant au premier étage. C'est ici que le grand public découvrira l'exposition permanente de la Cité de l'Immigration, baptisée « Repères » par son scénographe en chef, Pascal Payeur. Ici sont disposés au plafond des radiateurs à eau (alimentés par une chaudière d'origine) qui créent une sorte de «strate chauffante», fonctionnant un peu «comme si on empêchait que la chaleur monte».

Patrick Bouchain nous emmène dans les moindres recoins de la bâtisse, vantant ici les mérites d'une «lumière zénithale mais pas verticale» avec des volets commandés électroniquement ; ou là clamant : «J?adore mes escaliers ! Il n'y a que ça qui est à moi». On apprécie l'humour et l'humilité d'un architecte qui a le mérite d'avoir mené à bien un projet complexe sur un sujet délicat dans un contexte difficile.

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