INNOVATION. Le Syndicat de l'industrie cimentière lance son "Cement Lab", laboratoire d'idées dédié au ciment et ses usages. En organisant son écosystème d'entreprises, la filière espère faciliter les partenariats entre industrie d'un côté et R&D de l'autre, afin de faire émerger de nouvelles opportunités.

Tout un symbole : c'est à la Halle Freyssinet, édifiée voilà 90 ans dans un style "béton absolu" et qui connaît aujourd'hui une nouvelle vie sous le nom de "Station F", que s'est réunie toute la famille française du ciment. Et c'est dans cet espace partagé, dédié aux jeunes pousses de la French Tech, que le Syndicat de l'industrie cimentière (Sfic) a souhaité lancer le "Cement Lab", dédié aux startups qui travaillent dans des domaines du numérique comme l'analyse de données, la détection, le calcul… De quoi améliorer les procédés et donc, les performances du matériau final.

 

La filière, qui a fêté ses 200 ans en 2017, entre ainsi de plain-pied dans le 21e siècle en connectant les jeunes entreprises et les grands groupes. Bénédicte de Bonnechose, la présidente du Sfic, précise que le Cement Lab "se concentre sur une démarche d'exploration et va permettre de développer une dynamique d'échanges et de rencontres entre des acteurs industriels, académiques et des entreprises innovantes afin de faire émerger de belles opportunités d'innovations". Car, pour répondre aux enjeux de la future Réglementation environnementale des bâtiments, qui s'appuiera sur l'expérimentation E+C-, il sera nécessaire au ciment et au béton de se réinventer. D'où des travaux d'économie industrielle circulaire, des efforts de recyclage et des tentatives pour "appendre et comprendre les besoins et attentes de la maîtrise d'ouvrage et de la maîtrise d'œuvre, pour que l'offre s'adapte aux réalités du marché", ajoute-t-elle.

 

Quand les travaux sortent des labos

 

A l'occasion des Rencontres de l'industrie cimentière, un projet de recherches mené par Calcia-Heidelberg et l'Ecole Polytechnique (plus le CEA et le CNRS) portant sur la caractérisation des matériaux cimentaires par cristallographie aux rayons X. La scientifique Marie-Noëlle de Noirfontaine, explique : "Le ciment est un assemblage minéralogique complexe dont la composition précise détermine la réactivité. Cette dernière peut être déterminée par diffraction des rayons X. Mais les profils obtenus présentant une grande complexité qui rend leur traitement difficile pour en extraire toutes les informations. D'autant que chaque structure cristalline présente normalement une empreinte mais que le silicate tricalcique est polymorphique et présente donc jusqu'à sept empreintes différentes selon la température, la pression…". D'où la mise au point d'outils de mesure pour suivre la nature des cristaux dont le temps de traitement ne serait plus de 6 heures mais de quelques minutes seulement, les rendant compatibles avec un procédé industriel. Aujourd'hui, plus de 300 machines à diffraction X sont opérationnelles dans des cimenteries pour caractériser au mieux la minéralogie du ciment et du clinker. Un exemple réussi d'application pratique d'une méthode développée en laboratoire académique.

 

Le Cement Lab pourra compter sur le foisonnement actuel de jeunes pousses du numérique, à l'image de XtreeE, spécialiste de l'impression 3D du béton qui a signé un partenariat industriel avec Vinci l'an passé, d'Airware (ex-Redbird) partenaire de Caterpillar au niveau mondial pour améliorer l'exploitation des carrières grâce aux données recueillies par des drones, ou encore 360 SmartConnect qui fait "parler" le béton grâce à des puces noyées dans le matériau. D'autres solutions ont été présentées, comme Smart Cast, un nouveau procédé de coffrage perdu pour réaliser des planchers de logements collectifs, imprimé et prédécoupé selon les plans d'exécution pour intégrer facilement les réseaux et éviter les erreurs, ou encore Vizcab, application développée par Combo Solutions qui permet de simuler numériquement un très grand nombre d'options constructives (plusieurs dizaines de milliers de scénarios) pour répondre au mieux au niveau d'ambition à l'expérimentation E+C- souhaité.

 

 

Des bétons plus sobres en ciment et en aciers ?

 

Jérôme Stubler, président de Vinci Construction et lui-même polytechnicien passé par Freyssinet, s'est pour sa part prononcé en faveur du décloisonnement et de la collaboration de toutes les entreprises au long de la chaîne de valeur. Pour lui, les attentes des constructeurs au niveau du béton sont de pouvoir disposer de multiples options différentes afin de répondre à toutes les contraintes des chantiers, y compris en termes de bas carbone. Un brin provocateur, il a déclaré : "Il faut travailler à améliorer l'image du béton, diminuer son empreinte CO2, et peut-être même songer à mettre moins de ciment dans le béton…". Jérôme Stubler a évoqué l'importance du recyclage et de la diversification des sources d'énergie pour les cimenteries, le développement de bétons sans acier, l'intégration de puces au matériau ou la robotisation des chantiers, avant de conclure : "Dépoussiérez cette industrie. Débloquez les normes qui sont des freins à la créativité, notamment en retrouvant la capacité à faire des ouvrages expérimentaux. Ce que nous souhaitons c'est de la sobriété, de la rigueur, de l'ouverture et de l'innovation". Selon le président de Vinci Construction, la France nation d'ingénieurs au riche passé historique, doit conserver son avance dans le domaine et créer une ambitieuse équipe nationale de l'industrie pour franchir de nouvelles étapes. Et Cement Lab en sera une composante d'intérêt.

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