RÉACTION. Le gouvernement envisage-t-il de déréguler les métiers de l'artisanat dans un souci de libéralisation de la vie économique ? La menace est prise au sérieux par la Capeb, qui se montre "vigilante".

C'est une petite phrase lâchée par Emmanuel Macron, lors de sa conférence de presse du 16 janvier 2024, qui n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd. Le Président a en effet annoncé le lancement d'un nouveau projet de loi pour la croissance, dont l'esprit rappelle, à certains égards, celui du projet de loi Sapin II, datant de 2016, lorsque l'actuel chef de l'État était ministre de l'Économie sous François Hollande. A l'époque, il était envisagé de permettre la création d'entreprises, sans présenter de diplômes, pour certaines activités de l'artisanat, dont du bâtiment.

 

"Nous sommes favorables à la création d'entreprises pérennes"

 

Mettre fin aux normes inutiles, lutter contre les situations de rentes et les statuts, augmenter les seuils de déclenchement des obligations réglementaires... Autant de pistes évoquées par Emmanuel Macron lors de son intervention à l'Élysée. La Capeb se déclare bien entendu favorable à tout projet visant à simplifier la vie des authentiques entrepreneurs ; elle a d'ailleurs fait parvenir des propositions au Gouvernement. Mais, par la voix de son président Jean-Christophe Repon, elle se dit "vigilante" au sujet de cette petite musique autour d'une possible dérégulation des professions. "Nous ne souhaitons pas voir apparaître des artisans du bâtiment sans diplôme", a-t-il averti le 17 janvier 2024, lors d'une conférence de presse qui s'est tenue au siège parisien de l'organisation professionnelle. Avant de relever un paradoxe : d'un côté, l'État attend des TPE de devenir "Reconnues garantes de l'environnement" (RGE) pour faire bénéficier leurs clients de MaPrimeRénov' ; et, de l'autre, les pouvoirs publics travaillent la piste de l'auto-réhabilitation accompagnée et appellent à lever certains "tabous" concernant la complexité administrative... "Nous ne sommes pas passéistes, ni conservateurs", assure Jean-Christophe Repon. "Mais nous sommes favorables à la création d'entreprises pérennes, avec des entrepreneurs qui peuvent vivre correctement de leur travail. Nous ne souhaitons pas d'ubérisation du bâtiment ! La Capeb a été créée après-guerre pour lutter contre le tâcheronnage. Nous nous opposerons donc toujours à la création d'un nouveau statut précaire."

 

Prévisions négatives pour 2024

 

Un point d'autant plus important, pour la Capeb, que la conjoncture économique est moins bonne que par le passé. Après une baisse de -0,6% en 2023 (-2,3% pour le neuf, +0,1% pour la rénovation), ses prévisions sont de -2% en volume pour 2024, tous marchés confondus. Pour autant, la Capeb ne se veut pas catastrophiste. Plutôt qu'un retournement de tendance, elle identifie un coup d'arrêt lié à la chute du neuf, mais fait confiance à ses adhérents pour s'adapter et faire preuve de souplesse. Les carnets de commande restent à un niveau correct, à 75 jours en moyenne. Un signal négatif transparaît toutefois : 8% des artisans sondés envisagent de licencier dans les mois à venir, un plus haut depuis 2015.

 

Le potentiel d'activité est pourtant tel, notamment dans la rénovation énergétique, que le patron des artisans du secteur reste en partie optimiste pour 2024. A la condition, toutefois, que les pouvoirs publics parviennent à écouler les milliards d'euros affectés à MaPrimeRénov', notamment, afin de dynamiser le marché.

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