Les députés de la commission d’enquête sur la crise sanitaire de l’été 2003 ont mis à jour une véritable chaîne de responsabilité qui va du ministre de la Santé à l’architecture des bâtiments en passant par le problème du logement des personnes âgées.

Les membres de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la catastrophe sanitaire liée à la canicule qui a fait 14.947 morts entre le 4 et le 18 août 2003 ont voté mercredi soir leur rapport. Ce document de près de 200 pages pointe notamment "un éventail de responsabilités" dans cette crise, dont celle du cabinet du ministre de la Santé Jean-François Mattei.
Ce rapport met en évidence une "responsabilité collective" et dénonce notamment "des dysfonctionnements clairement mis en évidence" au sein du cabinet de M. Mattei, grevé par "des cloisonnements sectoriels".
Il décrit "une catastrophe imprévue et mal décelée", en raison des "défaillances du dispositif de veille sanitaire". Les députés ont constaté que les intervenants périphériques (services départementaux d'incendie et de secours, urgences, services funéraires) ont été "sans relais" et ont souligné "une communication tardive et inadaptée".
Les parlementaires sont également revenus sur "les problèmes des hôpitaux": les urgences qualifiées de "parent pauvre", les "dysfonctionnements" dans la gestion des fermetures de lits en été, un "sous-effectif en personnel de soins"... mais également les équipements et les bâtiments «inadaptés».

Selon des estimation de l'inspection générale des affaires sociales (rapport de janvier 2004), 30% des établissements seraient à rénover partiellement et 15% totalement. Les députés estiment qu’il faut désormais prévoir une architecture du "grand âge". "Nombreux sont les bâtiments vétustes ou mal adaptés à l’extrême vieillissement, aux nouvelles pathologies, aux troubles cognitifs du type de la maladie d’Alzheimer, qui touche aujourd’hui presque un résident sur deux : plus de 400 000 personnes en France souffrent de cette maladie et on dénombre 100 000 nouveaux cas par an" constatent-ils. "Or, la configuration des locaux est souvent peu fonctionnelle, elle rend difficile la surveillance des personnes qui en ont besoin, accroît les temps de déplacement du personnel et réduit de ce fait le temps consacré aux soins. Les chambres sont trop exiguës pour la prise en charge de personnes dépendantes, les portes trop étroites pour la circulation des fauteuils. Certains établissements manquent du confort devenu habituel à notre époque : tous ne sont pas dotés de salles de bains individuelles".

L’architecture des bâtiments contemporain n’est pas épargnée. La commission a adressé un questionnaire aux DDASS et il ressort que les résidents hébergés dans des structures anciennes aux murs plus épais ont mieux résisté à la chaleur.
"L’architecture, surtout dans la région du nord, n’est pas pensée en fonction d’une vague de chaleur. Les larges baies vitrées dépourvues de volets ou de stores ont contribué aux effets dévastateurs de la canicule" affirment les députés qui concèdent tout de même que "pendant dix mois par an, ces ouvertures sont agréables et justifiées". "L’isolation thermique serait à revoir ; la mortalité s’est d’ailleurs souvent concentrée aux derniers étages où la température a pu dépasser 40°C. L’ouverture des fenêtres n’a pas toujours été aisée : la crainte d’intrusions de personnes étrangères, de fugue des résidents ou de défenestration conduit à leur verrouillage" ont constaté les parlementaires.

Conscients que le problème structurel de la vétusté des locaux nécessite d’importants moyens financiers, les députés préconisent la climatisation d’au moins une salle par établissement comme le prévoit le plan gouvernemental. Les parlementaires s’étonnent d’ailleurs "qu’après cette annonce, des études aient été engagées - et par plusieurs organismes - pour examiner les risques potentiels de telles installations". Ainsi, la crainte d’une autre crise sanitaire, la légionellose, risque de rendre les décideurs prudents. Les élus rappellent toutefois que les locaux sensibles sont des locaux climatisés (les blocs opératoires, par exemple) et que des outils existent pour diminuer la contamination : traitement de l’eau, entretien soigneux des installations, contrôles de sécurité fréquents.
"Ces atermoiements sont autant d’obstacles à une amélioration réelle des conditions de vie des personnes âgées. Si l’administration en est encore à réfléchir aux possibilités de telles installations, c’est qu’elles ne fonctionneront pas l’été prochain - qui sera peut-être également caniculaire" prévient le rapport. Rappelons à ce sujet que le secrétaire d’Etat aux personnes âgées semble être conscient de la nécessité d’accélérer les procédures puisqu’il vient d’adresser une circulaire aux DDASS prévoyant l’installation, pour l’été, d’une pièce rafraîchie dans tout établissement d’hébergement pour personnes âgées.

Plus globalement, les parlementaires ont réfléchit la nécessité d’intégrer plus en amont la problématique du vieillissement de la population. Là encore, le problème du logement est pointé du doigt.
Car les habitations des personnes âgées sont bien évidemment loin d’être toutes adaptées. Dans le numéro de janvier-juin 2003 de la revue française des affaires sociales, il est précisé que si 540 000 personnes âgées bénéficient d’un aménagement de leur logement et d’un mobilier adapté, 490 000 n’en disposent pas et 545 000 d’entre elles peuvent difficilement accéder aux différentes pièces de leur logement. L’appartement n’est pas seul en cause, puisque 336 000 personnes ont des difficultés pour accéder seules à leur logement depuis l’entrée de l’immeuble.
Les DDASS ont constaté un lien entre les appartements vétustes, mal adaptés et la surmortalité de l’été 2003. Celle-ci a été plus importante dans les appartements à orientation unique, non traversants, et situés sous les toits en zinc, particulièrement à Paris
Pour les députés, il est clair que "l’architecture doit être repensée au domicile des personnes âgées". Les élus insistent sur la généralisation des systèmes de télé-alarmes et rappellent que l’amélioration de l’équipement des logements devrait être favorisée par une aide fiscale prévue dans la loi de finances pour 2004 et l’assouplissement des conditions d’octroi des interventions de l’ANAH, notamment par un élargissement de la liste des travaux susceptibles d’être subventionnés. Ils citent également la mission d’information et d’évaluation sur les conséquences de la canicule de la mairie de Paris qui a préconisé une convention entre la ville et les bailleurs sociaux pour prévoir un plan d’adaptation des logements du parc public. Cette mission propose également d’étudier les possibilités de simplification ou de mutualisation des aides existantes pour le parc privé. A suivre.

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