Le ministre des Transports, Frédéric Cuvillier, vient de demander de "reconfigurer" le projet de canal à grand gabarit Seine Nord Europe (SNE) afin de lui permettre de bénéficier de financements européens et de rendre son coût plus "soutenable". De l'avis des pouvoirs publics comme de Bouygues et Vinci, le partenariat public-privé imaginé pour relier la Seine et l'Oise à l'Escaut est cette fois-ci dans l'impasse.

Point majeur du Grenelle de l'environnement et du développement du fret fluvial, le projet de canal à grand gabarit Seine-Nord Europe (SNE) est de nouveau contrarié. Alors que son coût initialement évalué par Voies navigables de France (VNF) était de 4,3 milliards d'euros, il est aujourd'hui estimé à plus de 7 milliards d'euros.

 

D'après un rapport commandé le 11 septembre 2012 par le ministère des transports au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et à l'inspection générale des finances (IGF), rapport dont Le Monde s'est procuré, l'ensemble du dossier doit être revu dans son intégralité.

 

"Les constats de la mission (...) soulignent l'ampleur des incertitudes, tant sur les coûts que sur les recettes, que comporte le projet SNE, et des risques financiers qui seraient supportés en dernier recours par le budget de l'Etat dans la configuration actuelle du projet", écrivent les rapporteurs, Michel Massoni (CGEDD) et Vincent Lidsky (IGF).

 

"C'est une impasse financière de 2,6 milliards d'euros qui nous est léguée"
De son côté, le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, Frédéric Cuvillier estime que "ce rapport porte un jugement très sévère sur le pilotage d'un projet qui paraît aujourd'hui en échec, en particulier en raison d'une dérive des coûts qui n'a jamais été mise en lumière." Et d'affirmer : "Les financements ont été prévus pour un projet annoncé par le précédent gouvernement à 4,4 milliards d'euros, mais dès l'automne 2011, il est apparu que le projet atteindrait 7 milliards d'euros. C'est une impasse financière de 2,6 milliards d'euros qui nous est léguée, à laquelle ni les finances publiques ni les partenaires privés ne sont en mesure de faire face."

 

Par ailleurs, d'après le ministre, le rapport pointe la surestimation des recettes de péage du canal. Toutefois, le ministre se dit pourtant soucieux de ne pas abandonner un projet qu'il juge essentiel pour relancer une politique de transport multimodal du fret, notamment pour limiter l'importance du transport routier.

 

"L'arrêt de la procédure actuelle de PPP"
Le ministre des Transports vient donc de décider l'arrêt de la procédure actuelle de partenariat public-privé qui ne manquerait de se heurter, d'après lui, dans quelques mois, à des impasses juridiques et financières si on la poursuivait. "On ne peut réduire les coûts et optimiser le projet dans le cadre juridique actuel", poursuit-il.

 

"La remise à plat du dossier dans ses aspects techniques", a également été tranchée par le Gouvernement. Frédéric Cuvillier installe, à cet effet, une mission de reconfiguration qui sera présidée par le député Rémy Pauvros.

 

Vers l'espoir de financements européens
La préparation sans tarder d'un nouveau projet pourra être présenté dès le premier semestre 2014 à la Commission européenne, annonce désormais le ministère des Transports. Objectif : bénéficier des financements européens qui pourraient atteindre 30%.

 

Pour rappel : le projet de canal Seine-Nord Europe est éligible à un taux de subvention de 30%, voire 40% - contre 6% actuellement-, au titre du programme 2014-2020 des réseaux transeuropéens de transports (RTE-T) mis en place par l'Union européenne. Dans le nouveau budget européen récemment adopté par les chefs d'Etats et de gouvernements à Bruxelles, le montant pour l'ensemble des infrastructures de transport européennes est, en effet, de quelque 13 milliards d'euros, au lieu de près de 22 milliards dans le budget précédent.

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