PATRIMOINE DU XXe SIÈCLE. Des associations de défense du patrimoine interpellent la nouvelle ministre de la Culture sur le sort de la cité-jardin de la Butte-Rouge, à Châtenay-Malabry, la plus vaste d'Ile-de-France, en instance de rénovation.

Dans un courrier envoyé à la ministre de la Culture récemment nommée Rima Abdul-Malak, plusieurs associations nationales et locales de défense du patrimoine demandent le classement de la cité-jardin de la Butte-Rouge, à Châtenay-Malabry (92) au titre des monuments historiques, seul moyen selon eux de préserver de "la démolition programmée" ce "fleuron de l'architecture et de l'urbanisme social du XXe siècle en grand danger de destruction".

 

Les associations nationales de défense du patrimoine Sites & monuments, Patrimoine-Environnement et Docomomo (patrimoine moderne), ainsi que le collectif local Sauvons la Butte Rouge s'insurgent contre l'opération de réhabilitation de cette cité-jardin construite à partir du début des années 1930 par les architectes Joseph Bassompierre, Paul de Rutté et Paul Sirvin, avec la participation du paysagiste André Riousse, la plus vaste d'Ile-de-France.

 

 

Densifier et apporter de la mixité sociale

 

Emblématique, elle est considérée comme un véritable modèle pour son plan d'urbanisme. Mais aujourd'hui, le quartier connaît de lourds dysfonctionnements, principalement liés au vieillissement des immeubles et à l'obsolescence des logements, malgré une première vague de réhabilitations à la fin des années 90. La Ville a, de longue date, prévu une opération de renouvellement urbain.

 

Celle-ci, qui a connu de nombreuses embûches, doit permettre d'apporter de la mixité sociale dans un quartier quasiment 100% HLM. Et de densifier, tout en préservant l'identité esthétique du lieu, expliquait l'architecte auprès de la Ville, Emmanuelle L'Huillier, dans un long entretien à Batiactu.

 

 

Les travaux sont engagés

 

Après la désignation, fin 2021, de Wald (Clément Willemin) mandataire du groupement lauréat de l'appel d'offre pour la conception du plan guide de la Butte-Rouge (avec Atelier 68 (architectes du patrimoine), de l'Agence MA2 (architecte du patrimoine), de Franck Boutté Consultant (ingénierie environnementale), d'Ateve (bureau d'études VRD), et de l'Atelier d'écologie urbaine), les premiers ilots-tests, méthode préconisée pour mener la réhabilitation de la cité, font l'objet de travaux préparatoires.

 

Pour les signataires de la lettre à la ministre, "il y a urgence" car des travaux de sondage de sol ont été engagés, et que par ailleurs, "de très nombreux logements sont désormais inoccupés pour mener à bien ce projet de démolition-reconstruction dévastateur". Cette première tranche des ilots-tests "concerne la destruction de 14 bâtiments". Certains d'entre eux, d'une hauteur de dix mètres et conçus par les architectes d'origine de la cité-jardin, "seront prochainement remplacés par des bâtiments de 18 mètres de haut", dénoncent les associations.

 

La démarche de classement en Site patrimonial remarquable n'empêche pas l'opération d'avancer

 

En définissant ces ilots-tests et en modifiant le plan local d'urbanisme pour permettre les travaux, les concepteurs du projet "vident de tout sens la démarche patrimoniale engagée selon la recommandation de l'ancienne ministre Françoise Nyssen", dénoncent-elles. De fait, le Site patrimonial remarquable que met en œuvre la Direction régionale des affaires culturelles, en lien avec la Ville de Châtenay, "n'empêche en rien la commune d'avancer".

 

Les associations rappellent au passage à la ministre les "tribunes et lettres de soutien de nombreux architectes de renom", notamment ceux des trois prix Pritzker Français, des 10 Grands Prix Nationaux d'Architecture ou Grand Prix de l'urbanisme, et, plus largement, des très nombreux articles de presse parus sur le sujet et dénonçant le "péril" d'une "démolition du quartier" ou, du moins, d'une perte d'identité s'il venait à être densifié à l'occasion d'une opération de rénovation urbaine.

 

Les signataires se prévalent également du soutien du président d'Icomos (Conseil international des monuments et sites) France qui "se préoccupe, lui aussi, des périls qui s'accumulent sur cet ensemble remarquable", labellisé Patrimoine du XXe siècle en 2008. Ils rappellent également que récemment, Europa Nostra, association européenne engagée dans la défense du patrimoine culturel et fédérant de nombreuses associations nationales, a classé la cité-jardin de la Butte-Rouge comme l'un des sept monuments et sites patrimoniaux européens les plus menacés en 2022.

 

Ils demandent donc à la ministre de "marquer [son] entrée en fonction par une décision forte, mettant ainsi fin aux atermoiements passés, en plaçant la Butte-Rouge sous instance de classement au titre des monuments historiques". Cette protection est en effet "la seule à permettre réellement de stopper les travaux en cours et de convertir ce projet destructeur en une opération de réhabilitation et de mise en valeur de cette véritable œuvre urbaine".

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