MAQUETTE NUMÉRIQUE. Comment le Bim peut-il simplifier le processus d'analyse du cycle de vie (ACV) d'un bâtiment ? C'est à cette question qu'a répondu Marine Vallois, ingénieure étude chez Tribu énergie, dans le cadre de l'expérimentation "Atelier Bim virtuel".

Entre la théorie et la pratique, il existe souvent un fossé. Cet acquis de l'expérience s'est une nouvelle fois vérifié au sujet de l'apport du Bim à l'analyse du cycle de vie (ACV) d'un bâtiment. Pour rappel, sa réalisation est obligatoire pour décrocher le label E+C- (énergie carbone), préfigurant la future réglementation environnementale qui devrait voir le jour en 2020. Elle tiendra compte de l'empreinte carbone d'un bâti tout au long de son existence.

 

"Pour l'instant, l'utilisation du Bim ne permet pas un gain de temps dans la réalisation d'une ACV par rapport à l'utilisation des métrés." C'est Marine Vallois, ingénieure étude chez Tribu énergie, qui l'a affirmé à l'occasion d'un colloque qui s'est tenu dans les locaux parisiens du CSTB, portant sur l'Atelier Bim virtuel, piloté par l'Union sociale pour l'habitat.


Les logiciels pas encore au point

 

La théorie est pourtant séduisante. Il 'suffit' ainsi de croiser les données (métrés, matériaux, produits...) contenues dans la maquette numérique et les informations des fiches de déclaration environnementale et sanitaire (FDES) réunies au sein de la base Inies. Mais c'est loin d'être aussi simple en réalité, pour diverses raisons égrenées par l'ingénieure. "Le label E+C- impose de répartir les produits de construction et équipements utilisés (PCE) en treize lots très précis, eux-mêmes découpés en sous-lot", explique Marine Vallois. "Nous devons ainsi mettre chaque dalle, chaque porte, chaque poignée dans le bon sous-lot. Si l'on n'opère pas ce tri-là, le récapitulatif standardisé d'étude énergétique et environnementale (RS2E) n'est pas valide et ne sera pas accepté par Promotelec. Donc, pas de labellisation."

 

 

Or, le logiciel utilisé dans cette expérimentation, eveBim-Elodie, créé par le CSTB, ne permet pas ce tri fin pour l'instant. "On ne peut pas reproduire l'arborescence exigée par le référentiel. Nous souhaiterions que les logiciels intègrent ces exigences pour que nous puissions glisser chaque élément dans le bon sous-lot. Les logiciels sont encore en cours de développement, donc cela progressera."

 

La maquette numérique souvent incomplète

 

Autre écueil : un manque de précision, pour le moment, de la maquette numérique. "Par exemple, nous allons avoir dans la maquette deux murs qui se superposent en partie, mais cela n'apparaîtra ni sur la 3D, ni sur les plans, ni sur les coupes. Nous nous retrouverons ainsi avec deux objets superposés dans notre étude ACV, ce qui doublera les quantitatifs alors que cela ne correspond à aucune réalité constructive", témoigne Marine Vallois. Par ailleurs, la maquette est souvent incomplète. "Elle doit pourtant prendre en compte les fondations et la VRD notamment. L'architecte ne dessine pas toujours dans sa 3D ces équipements et l'aménagement extérieur." Or, le calcul de l'ACV se fait à l'échelle de la parcelle.

 

Le "piège du Bim", pour Marine Vallois (Tribu énergie)

 

A l'inverse, pour Tribu énergie, la maquette numérique pèche parfois... par excès de précision ! Ce que Marine Vallois qualifie de "piège du Bim". Ainsi, si en phase concours un type de mur bien précis a été choisi, cela ne veut pas dire que c'est bien ce type de mur qui sera finalement mis en place. "Le mur proposé aura ainsi été trop précis par rapport au niveau réel de décision entre l'architecte et le maître d'ouvrage", expose l'ingénieure. Elle propose d'indiquer au plus tôt dans la maquette numérique si les constructeurs sont sûrs d'utiliser tel produit ou tel matériau.

 

Inclure les impacts environnementaux dans les fiches techniques

 

Enfin, la base Inies gagnerait semble-t-il à être améliorée. "Nous n'y trouvons pas toutes les FDES dont nous aurions besoin", affirme Marine Vallois. Visiblement, des fiches apparaissent puis disparaissent régulièrement, selon le souhait des industriels de les mettre à jour. Ainsi, une ACV réalisée à un instant t peut être invalidée quelques mois plus tard si une FDES a évolué. Ici, le remède proposé par Tribu est d'inclure les impacts environnementaux dans les fiches techniques des produits.

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