Une fois durcis, comment se comportent les bétons recyclés dans le temps ? Des tests ont été menés sur différents mortiers contenant des taux de sulfate croissants, apportés par des traces de plâtre apportés par les granulats ayant déjà eu une première vie. Patrick Rougeau dévoile : "On assiste à la formation de thaumasite avec les teneurs les plus importantes en sulfate (1,2 %) et la présence de gonflements. Il n'est donc pas possible d'en faire des bétons de structure". Les scientifiques proposent de limiter la teneur à 0,3 % et de réaliser un bilan de tous les sulfates apportés par les granulats, naturels et recyclés, sables et gravillons. La mise au point d'un test colorimétrique utilisable sur site (carrière) simplifiera grandement les choses. Quant au comportement structurel des poutres, poteaux et dalles réalisés en béton à granulat recyclé, ils nécessitent encore beaucoup de recherches et d'études. Mais une grande tendance semble se dessiner : ces bétons se montrent plus déformables. En revanche, les recyclés ont peu d'impact sur l'apparition de fissures ou sur l'adhérence du béton aux armatures métalliques (ancrages et recouvrement). Sur le phénomène de carbonatation, l'influence serait plus importante de la part du sable recyclé que des granulats, mais à des teneurs inférieures à 30 % les effets sont peu marqués. La diffusion des ions chlorures serait, pour sa part, directement corrélée avec le taux d'incorporation. "En optimisant les formulations il est possible de faire des bétons aussi performants", assure-t-il.

 

Mais quelle est la résistance réelle de ces bétons face aux éléments que sont l'eau, la glace et le feu ? "La résistance au gel-dégel dépendra du béton d'origine des recyclats. Il conviendra de vérifier la non gélivité des granulats recyclés, comme des naturels", poursuit Patrick Rougeau. Sur la question de la résistance au feu, c'est sa collègue Fabienne Robert qui révèle les résultats : "Des dalles de 4,5 x 1,2 mètres et 20 cm d'épaisseur ont été chauffées selon un protocole normé. Et les bétons recyclés présentent quelques éclats localisés, sans conséquence préjudiciable, d'une profondeur maximale de 3 cm". Il s'avère que les températures au cœur du matériau sont plus faibles dans le béton à granulats recyclés et qu'il apporte ainsi une meilleure résistance au feu, en protégeant plus longtemps les armatures longitudinales des dalles et poutres. Un aspect qui pourrait être exploité à l'avenir ?

 

Premiers retours d'expérience des chantiers expérimentaux :
Six constructions différentes ont été réalisées au moyen de bétons à granulats recyclés, entre 2013 et 2015, afin d'explorer les possibilités de taux de substitution élevées (jusqu'à 100 % parfois) dans des cas de figure variés qu'il s'agisse de bâtiment, d'aménagement ou d'ouvrage d'art. La majorité des bétons étaient classés C25/30 sauf pour le génie civil, où les exigences étaient supérieures (C35/45). Patrick Dantec, consultant en ingénierie, détaille : "Le premier chantier a été réalisé à Chaponost dans le Rhône, par et pour l'entreprise ELTS en décembre 2013. Il consistait à tester différentes zones de dallage d'un parking sur 18 cm d'épaisseur, sans curage ni vibration". Aucune évolution ni dégradation particulière n'a été constatée depuis sur ces zones servant au stockage de matériaux. Mêmes conclusions sur les aménagements béton (murets et trottoirs) d'une centrale Eqiom de Gennevilliers, qui incorporent 30 % de sables et granulats recyclés : "En 2 ans, ils n'ont pas bougé non plus. Le béton présente les propriétés attendues, avec une baisse de résistance de l'ordre de 10 %". Dans les bâtiments, une expérimentation a été menée à Mitry-Mory, pour une zone d'archivage imposant une surcharge de 750 kg/m² sur les planchers. C'est une formule à 30 % de sables recyclés et 50 % de granulats recyclés qui a été testée. "Il n'y a pas de variabilité dans le temps, c'est un béton très constant, sans difficulté de mise en œuvre. Les planchers ont été dimensionnés en conséquence, avec des flèches réduites pour éviter la déformation des systèmes de stockage, et un coefficient de fluage réévalué à 27 au lieu de 15". L'ouvrage ne montre aucun défaut, malgré un retrait et une perméabilité au gaz augmentés, ce qui était attendu. Enfin, concernant l'ouvrage d'art, c'est un pont-cadre qui a été implanté le long du tracé de contournement LGV entre Nîmes et Montpellier qui a servi de laboratoire : "Malgré la légère dégradation des performances liée aux 20 % de gravillons recyclés, il n'y a aucun défaut mis en évidence au bout de 2 ans". Les propriétés de ces bétons, une fois maîtrisées, semblent donc donner satisfaction, particulièrement en termes de mise en œuvre.

 

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