Obligation de résultat, travail en silos, révolution numérique, culture d'engagement, performance énergétique et entretien-maintenance… Depuis près de dix ans, la contractance générale dans le secteur de l'architecture bouleverse la relation client et les pratiques professionnelles dans l'immobilier d'entreprise et la maison individuelle. Quelles sont les missions et les défis de cette profession ? Décryptage avec Jean-Pierre Bosquet, président du Syndicat national des Architectes Contractants Généraux (SNACG) .

Inspirée de l'exercice anglo-saxon de l'acte de bâtir où, majoritairement, les architectes sont dénommés "Architects General Contracto", la contractance générale prend sa place depuis dix ans dans le secteur de la construction. En France, on compte aujourd'hui près de 150 professionnels regroupés majoritairement sous forme de coopératives au sein du Syndicat national des architectes contractants généraux (SNACG), tous diplômés d'une école d'architecture et inscrits à l'Ordre des Architectes. Les plus connus d'entre eux sont les Architecteurs.

 

Leur mission : prolonger l'acte architectural par un acte commercial en adjoignant à leur statut de profession libérale une société commerciale. Les architectes contractant généraux sont ainsi aptes à répondre à la totalité des exigences techniques, économiques et de terrain en matière de bâtiments privés de toutes natures : industrie tertiaire, immeubles d'habitation, réhabilitation, bâtiments agricoles… Mais aussi des maisons de santé et retraite qui se révèlent hors des marchés publics.

 

A l'occasion d'un débat public*, ils évoqueront les nombreux défis que devra relever la profession : obligation de résultat, "travail en silos", révolution numérique, culture d'engagements, performance énergétique et entretien-maintenance.

 

Obligation de résultats

 

"Être architecte contractant général, c'est être architecte et constructeur, nous rappelle Jean-Pierre Bosquet, président du Syndicat national des architectes contractants généraux (SNACG). Inspirés fortement du modèle anglais, nous avons un dialogue direct pour construire le projet, et nous imposons une obligation de résultat par rapport à une attente exprimée alors qu'avant nous étions dans une obligation de moyens."

 

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Et de poursuivre : ""L'architecte est lié à son client par une obligation de moyen, c'est-à-dire qu'il doit mettre en œuvre tous les moyens pour mener à bien sa mission alors que le constructeur est lié à son client par une obligation de résultat, c'est-à-dire qu'il est tenu par l'obligation d'un résultat déterminé et de procurer la satisfaction promise au créancier."

 

Pour rappel, le Conseil national de l'Ordre des architectes (CNOA), mentionnait, le 24 novembre 1981, un texte validant définitivement le concept d'architecte contractant général. "La réglementation du contrat dit de construction de maison individuelle interdit au Constructeur de scinder les études préliminaires et la construction proprement dite, souligne le CNOA. La mission d'étude qui incombe à l'architecte ne peut donc faire l'objet d'un contrat séparé conclu directement entre le maître d'ouvrage et l'architecte." Celui-ci se trouve donc, lorsqu'il est appelé à intervenir pour le compte d'un constructeur de maisons individuelles, lié au maître d'ouvrage par un contrat de ce type en porte à faux avec son code de déontologie qui lui interdit de prendre en sous-traitance une mission de conception architecturale (Ndlr : article 37 du Code des devoirs).

 

"Nous sommes donc titulaires uniques du marché et le seul interlocuteur avec le maître d'ouvrage, et les entreprises intervenantes sur le chantier", complète Jean-Pierre Bosquet.

 

Obligation de rigueur et de garantie financière

 

Un contrat unique est alors conclu entre le client et le contractant général qui garantit le respect des engagements en matière de produits, délais et prix. "C'est pourquoi l'architecte contractant général, lorsqu'il exerce au sein de sa société de construction, reste tenu à une obligation de rigueur, et la première concerne toute modification du contrat -du prix, du délai ou de la prestation promise- qui doit faire l'objet d'un accord écrit du client, ajoute Jean-Pierre Bosquet. À l'identique, il est également tenu à une obligation de caution d'assurances et de garantie financière au bénéfice du client et des entreprises qui contractent avec lui."

 

Dans ce contexte, les architectes contractants généraux refusent de "travailler en silos" : "Ce n'est plus envisageable de voir l'architecte, l'ingénieur, l'entreprise, le responsable maintenance-entretien et enfin le fournisseur d'énergie travailler chacun de leur côté, estime Jean-Pierre Bosquet. Ces mutations ne permettent plus une juxtaposition d'experts, il est alors important de faire le lien entre ces métiers."

 

Autre défi : la maquette numérique. "Nous sommes complètement dans cette logique de maîtrise où il y a de moins en moins de place pour l'incertitude, observe le président du syndicat. Avec l'émergence du BIM, nous avons un dialogue avec les professionnels de l'ingénierie, de la maîtrise d'ouvrage, de l'entretien-maintenance car les bâtiments vivent plusieurs périodes." Par ailleurs, la performance énergétique et les réglementations de plus en plus fortes conduisent les clients des architectes contractants à être plus attentifs à l'égard de leur utilisateur.

 

Enfin, le syndicat de la contractance générale le répète aux professionnels du secteur de la construction : "Nous ne sommes pas une caste car nous étions perçus par des architectes comme une avant-garde, un peu à l'écart, conclut Jean-Pierre Bosquet. Désormais, c'est acquis, nous sommes une voie d'avenir."

 

*Débat public le 27 mai 2016 à Paris, de 14 h à 16 h, 23 Boulevard Jules Ferry 75011 Paris.

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