AIDES AU LOGEMENT. Prévue pour assurer une économie importante à l'Etat, la contemporéanisation des aides au logement, qui entrera finalement en vigueur au 1er janvier, permettra de mieux prendre en compte les conséquences de la crise, mais rapportera moins que prévu à l'Etat.

Sans cesse retardée, la réforme des aides au logement (APL) est enfin prête pour début 2021. "Ca a été un chantier difficile", a admis le 20 novembre Vincent Mazauric, directeur général de la Caisse nationale des affaires familiales. Il s'exprimait aux côtés de la ministre du Logement, Emmanuelle Wargon, pour détailler le lancement au 1er janvier prochain de cette réforme qui prévoit désormais de calculer les APL "en temps réel".

 

Jusqu'à maintenant, ces aides prennent en compte les revenus engrangés deux ans plus tôt par le bénéficiaire. Désormais, elles seront calculées à partir de ses revenus actuels ou, plus précisément, de ceux engrangés dans les douze mois précédents avec une réactualisation tous les trois mois. L'idée est de mieux adapter les aides à la situation réelle des gens. Depuis l'annonce de cette réforme, le gouvernement a toujours vanté son caractère équitable et rationnel.

 

Des difficultés techniques mais aussi politiques

 

"Le système de calcul des APL ne change pas", a encore insisté Emmanuelle Wargon. "Cette réforme va nous permettre d'être plus justes". La réforme, annoncée en 2018, aura finalement deux ans de retard. Reportée à plusieurs reprises, sa mise en place s'est d'abord heurtée à de grandes difficultés techniques au sein des caisses d'allocations familiales, confrontées à des situations très diverses.

 

Les difficultés sont aussi symboliques. Les premiers mois de la présidence d'Emmanuel Macron avaient été marqués par l'annonce d'une baisse ponctuelle des APL. Même si elle était sans rapport avec l'actuelle réforme, le sujet reste sensible politiquement. Le gouvernement a d'ailleurs pris garde de compenser d'éventuelles conséquences négatives de la réforme pour certains groupes de personnes, en particulier les étudiants. "Ce sera plus favorable pour les étudiants qui travaillent", a détaillé la ministre, admettant en revanche que les aides diminueront logiquement pour ceux qui entrent dans la vie active à la fin de leurs études.

 

 

La crise sanitaire a encore retardé l'application de la réforme

 

Les difficultés techniques et politiques apparemment réglées, la réforme semblait bien partie début 2020. C'était sans compter sur un autre imprévu : la crise sanitaire avec un strict confinement décrété pendant plusieurs semaines au printemps. Difficile d'imposer aux caisses, déjà lourdement éprouvées par l'urgence de la situation sociale, d'appliquer une réforme complexe. Elle a donc à nouveau été reportée. Cette fois, malgré un nouveau confinement depuis fin octobre, c'est pour de bon. Les bénéficiaires des APL recevront ces prochains jours un courrier explicatif et un simulateur sera en ligne début janvier.

 

"Pour accompagner les changements de vie, la réactualisation tous les trois mois permettra un lissage des évolutions", explique le ministère. "Il n'y aura pas de variation brutale puisque le montant des APL est toujours calculé sur la moyenne des ressources perçues les 12 derniers mois. Les abattements liés au changement de situation sont maintenus. Par ailleurs, en cas de perte de l'APL, l'évolution des ressources du ménage continuera à être suivie pendant un an et l'aide rétablie automatiquement si les conditions sont réunies".

 

Le moment est "particulièrement opportun" pour la mise en place de la réforme

 

Tous ces retards vont coûter cher à l'Etat. A l'origine, il comptait faire 1,2 milliard d'euros d'économies par an grâce à la réforme. L'idée était que les revenus moyens augmentaient en suivant la croissance économique. Et, comme plus de revenus signifient moins d'aides, le montant global des APL aurait fortement diminué. Mais la croissance n'est plus là. La crise sanitaire est passée par là et s'est mutée en crise économique, avec une récession de plus de 10% prévue cette année.

 

La réforme doit toujours permettre des économies mais "dans le budget actuel, le chiffre est entre 500 et 700 millions d'euros", soit deux fois moins qu'initialement prévu, a admis Emmanuelle Wargon. La ministre a toutefois prévenu que cette estimation était encore très incertaine, car il est particulièrement difficile de calculer précisément le nombre de foyers qui verront leur aide augmenter.

 

En tout état de cause, cette évolution justifie les arguments du Gouvernement qui répète depuis le début que cette réforme obéit à un impératif de justice sociale plutôt que d'équilibre budgétaire. "Un nombre important de ménages verront leurs aides augmenter", a résumé la ministre, jugeant que la réforme avait un caractère "particulièrement opportun" en temps de crise.

 

LES CHIFFRES DE L'AIDE AU LOGEMENT :
- En 2019, environ 17 milliards d'euros de prestations d'aides personnelles au logement ont été versées à environ 6,6 millions de ménages (sur les 29,2 millions de ménages que compte la France) ; - 50 % des ménages locataires sont bénéficiaires d'une aide au logement ;
- sur l'ensemble des bénéficiaires, 1 ménage sur 5 est une famille monoparentale ;
- l'APL finance en moyenne la moitié des dépenses de logement des allocataires.

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