Le producteur français d'amiante-ciment Eternit a été reconnu comme seul responsable de la maladie professionnelle d'un de ses employés, décédé en 2005. La cour d'appel administrative de Versailles a déchargé l'Etat, condamné en première instance à régler la moitié des dommages et intérêts à la famille de la victime.

Avant l'interdiction de l'amiante, en 1997, Eternit était le premier producteur français de fibrociment à l'amiante devant Saint-Gobain (Everite). L'entreprise, aujourd'hui propriété du groupe belge Etex, a été reconnue comme seule responsable de la maladie mortelle d'un de ses ouvriers, par la cour d'appel administrative de Versailles. Cette dernière a annulé une première décision de justice qui avait condamné conjointement Eternit et l'Etat à partager, à parts égales, le montant des dommages et intérêts versés à la famille de l'employé. L'homme avait été préposé à l'usinage de pièces et au broyage de déchets secs sur le site breton de Saint-Grégoire (Ille-et-Vilaine) entre 1974 et 2005, année de son décès des suites d'un mésothéliome.

 

 

Eternit avait obtenu du tribunal administratif de Versailles que l'Etat verse 160.766 €, en faisant valoir une absence de réglementation avant 1977, et une législation insuffisante après cette date. Mais les magistrats de la cour d'appel administrative ont, quant à eux, estimé que l'industriel "connaissait, ou aurait dû connaître, les dangers liés à l'utilisation de l'amiante", en dépit de la faiblesse de la réglementation, notamment grâce "à la littérature scientifique" et aux "colloques" qui traitaient du sujet depuis les années 1950. La décision de justice précise que la faute commise par Eternit "a le caractère d'une faute d'une particulière gravité, délibérément commise, qui fait obstacle à ce que cette société puisse se prévaloir de la faute de l'administration". Concernant la période postérieure à l'apparition d'une réglementation spécifique, à la fin des années 1970, le délibéré poursuit : "La société n'établit pas que les maladies professionnelles développées du fait d'une exposition à l'amiante trouveraient directement leur cause dans une quelconque carence fautive de l'Etat". En plus de l'usine de Saint-Grégoire, l'industriel exploitait quatre autres sites à Vitry-en-Charolais (Saône-et-Loire), Valenciennes-Thiant (Nord), Caronte-Martigues (Bouches-du-Rhône) et Albi (Tarn).

 

Les victimes de l'amiante satisfaites

 

 

François Desriaux, le président de l'Association des victimes de l'amiante (Andeva), a confié à l'AFP : "Nous sommes satisfaits, parce que la décision de première instance, qui avait condamné l'Etat, avait inspiré d'autres tribunaux. Cette décision d'appel est inédite et pourrait désormais faire jurisprudence". L'Andeva explique estimer que, certes, les pouvoirs publics ont tardé à prendre des mesures de prévention efficaces pour protéger les salariés, mais que les industriels n'avaient, de leur côté, jamais respecté les réglementations sur les poussières et que leur action de lobbying avait "contribué à réduire les contraintes et à retarder l'interdiction, en minimisant sciemment les dangers, de ce matériau mortifère". L'association se félicite donc de la décision qui devrait, selon ses termes, "mettre un coup d'arrêt à cette stratégie judiciaire qui, si elle avait été validée, constituait un encouragement pour les entreprises à tricher avec les règles de prévention et de sécurité du travail - bien au-delà des affaires amiante - et à œuvrer pour empêcher les progrès réglementaires de la protection de la santé des salariés". Selon les autorités sanitaires, l'amiante pourrait provoquer jusqu'à 100.000 décès d'ici à 2025, soit 10 à 20 % des cancers du poumon. L'Andeva estime, pour sa part, que 3.000 personnes en meurent chaque année.

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