RISQUE. Le gendarme des assurances, en 2017, a repéré des contrats d'assurance "non conformes à la législation française", dans le cadre du contrôle d'acteurs intervenant en libre prestation de services (LPS). Des dizaines de milliers de contrats, dont une bonne part dans le secteur de la construction, sont concernés.

Récemment, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), gendarme des assurances, effectuait son bilan d'activité pour l'année 2017. Le 30 mai 2018, c'était au tour du pôle commun qu'elle constitue avec l'Autorité des marchés financiers (AMF) de faire un point sur son activité qui porte sur la protection des clients dans le secteur banque-assurance-finance.

 

Une nouvelle occasion de revenir sur les dégâts causés par le détournement du principe de libre prestation de service (LPS*) de la part de certains acteurs opérant dans l'assurance construction. Des dizaines de milliers de contrats sont concernés, de l'aveu même de l'ACPR. "L'Autorité a été confrontée, pendant ses opérations de contrôle, à des intermédiaires ou des compagnies d'assurance étrangères opérant en libre prestation de service, qui proposent des contrats d'assurance non-conformes à la législation française", affirme ainsi le rapport d'activité 2017.


"Lorsque l'on s'adresse à des assureurs distants, il y a un risque"

 

Les clients concernés étaient-ils bien conscients, en souscrivant un contrat à moindre coût auprès d'un assureur en LPS, du risque que cela faisait peser sur sa solidité dans la durée ? Édouard Fernandez-Bollo, secrétaire général de l'ACPR, en doute. "Je ne suis pas sûr non plus que les clients français avaient bien conscience que des défaillances d'assureurs pouvaient se produire sans qu'elles soient régies par la loi française", a-t-il ajouté lors du point presse. Alpha insurance, qui a récemment été mis en liquidation, était effectivement basé au Danemark.

 

"Il faut que les investisseurs, les bénéficiaires des contrats, les intermédiaires, soient bien conscients que quand ils s'adressent à des sociétés situées à distance, il y a un risque." Entreprises, particuliers et notaires semblent prendre progressivement conscience des enjeux, puisque des organismes comme l'ACPR reçoivent de plus en plus de sollicitations de leur part à ce sujet. C'est pourquoi elle y a consacré un questions-réponses très détaillé sur le site d'Assurance banque épargne info service (Abeis).

 

 

L'ACPR a par ailleurs mis en avant le devoir de conseil des courtiers en assurance. "Ils doivent faire preuve de bon sens, doivent être attentifs à la qualité du porteur de risque." Mais la reine des batailles se situe au niveau européen, où l'autorité affirme se démener pour parvenir à une uniformisation des modes de contrôle. Critiquée pour son manque d'initiative apparent, ces dernières années, alors que divers spécialistes et professionnels avaient tiré la sonnette d'alarme sur le dossier de la LPS, l'Autorité rappelle par ailleurs qu'elle s'est heurtée à une difficulté dans ses échanges avec ses partenaires européens : "Toute remise en question de la LPS est rapidement interprétée comme du protectionnisme", nous explique un responsable impliqué. Aujourd'hui, les choses évoluent, et le gendarme européen des assurances, l'Eiopa, semble décidé à traiter ce sujet sérieusement, qui n'est pas sans rappeler le long travail de révision de la directive travail détaché de 1996.

 

La complexité des circuits empruntés par ces sociétés d'assurance, douées en termes de montages de structures, rend également compliquée la tache pour l'autorité de contrôle. "Le pôle commun ACPR-AMF est soucieux que le régime de libre prestation de services ne crée pas de failles mécaniques dans les pratiques de commercialisation. Il poursuivra une forte sensibilisation des autorités européennes et de nos homologues superviseurs sur le sujet. Ainsi, nous participons activement à des groupes de travail européens, qui ont vocation à créer un véritable cadre de supervision des activités transfrontalières", affirment les organisations dans leur bilan 2017. En attendant que les premières séries de sinistres tombent et que des assurés découvrent, trop tard malheureusement, le pot aux roses.

 

*La libre prestation de service (LPS) est une opération par laquelle une entreprise d'un État membre de l'Espace économique européen (EEE) couvre ou prend, à partir de de son siège social ou d'une succursale située dans un État, un risque ou un engagement situé dans un autre de ces États.

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