INTERVIEW. Le ministre chargé des petites et moyennes entreprises, Alain Griset, détaille pour Batiactu les mesures du plan d'action en faveur des travailleurs indépendants dévoilé par Emmanuel Macron. L'ancien artisan revient également sur plusieurs sujets d'actualité, des difficultés d'approvisionnement en matériaux aux délais de paiement en passant par le dispositif RGE chantier par chantier.


Quelques semaines après la présentation par Emmanuel Macron du plan d'action en faveur des travailleurs indépendants, le ministre chargé des petites et moyennes entreprises, Alain Griset, a accordé un entretien à Batiactu pour revenir plus en détail sur les principales mesures du texte. Celui qui est aussi l'un des locataires de Bercy, aux côtés du ministre de l'Économie Bruno Le Maire, a également livré son analyse sur l'évolution du statut de micro-entrepreneur. Cet échange a par ailleurs été l'occasion de revenir sur le dispositif du RGE (Reconnu garant de l'environnement) chantier par chantier, mais aussi sur les difficultés d'approvisionnement en matériaux et les problèmes de recrutement auxquels est confronté le secteur du bâtiment. Enfin, le ministre délégué aux PME a commenté la publication du dernier rapport de l'Observatoire des délais de paiement.

 

 


Batiactu : D'un point de vue général, quel est votre ressenti sur le plan d'action en faveur des travailleurs indépendants ?

 

Alain Griset : Depuis le mois de mars 2020, le Gouvernement a mis en œuvre des mesures économiques très fortes pour accompagner les entreprises, avec comme objectif de maintenir le tissu économique en vie. Cela n'a pas toujours été facile mais je pense qu'on peut considérer aujourd'hui que cet objectif a été atteint puisque les entreprises répondent présentes dans une situation où l'activité économique est forte. Par ailleurs, il y a eu déjà depuis quatre ans plusieurs mesures prises en faveur des travailleurs indépendants, par exemple la réforme du RSI (Régime social des indépendants, ndlr), la fusion des deux déclarations fiscales et sociales de revenus, la diminution des cotisations d'assurance-maladie…

 

Le président de la République m'a ensuite demandé de proposer un plan qui couvrirait toutes les étapes de la vie de l'indépendant, de la création de son entreprise jusqu'à sa fin, que ce soit une transmission ou une cession, et qui toucherait, tout au long de la vie de l'entreprise, les sujets qui sont, depuis des années, problématiques pour les entrepreneurs. Pendant un an, j'ai donc consulté des organisations professionnelles, de métiers ; j'ai consulté des élus, des groupes parlementaires au Sénat et à l'Assemblée ; naturellement, nous avons aussi beaucoup travaillé avec l'ensemble des ministères, car les 3 millions d'indépendants - artisans, commerçants, professionnels libéraux, PME… - sont concernés par des sujets qui peuvent dépendre du ministère de la Santé, du Travail, des Comptes publics, de l'Éducation nationale…

 

Après les arbitrages du Premier ministre et du président de la République, nous sommes ainsi arrivés à un plan que j'ai présenté le 29 septembre en Conseil des ministres, et qui va être transmis au Sénat pour un examen fin octobre. Le projet de loi prendra ensuite le chemin de l'Assemblée début janvier 2022. Parallèlement, certaines mesures de ce plan seront adoptées dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale et dans le cadre du projet de loi de Finances avant la fin 2021. Avant d'être nommé ministre, j'ai eu un parcours d'entrepreneur et de responsable professionnel, et je pense sincèrement que l'on répond à des demandes déjà anciennes à travers ce plan.

 


Comment se fait-il que le texte passe d'abord au Sénat et ensuite à l'Assemblée ?

 

A. G. : Pour des questions de calendrier parlementaire : le Sénat avait un créneau disponible en octobre, pas l'Assemblée, et nous voulions aller le plus vite possible.

 


En quoi le plan va protéger davantage le patrimoine personnel des indépendants par rapport à ce qui se faisait déjà avant, notamment par le biais du statut de l'EIRL ?

 

A. G. : Effectivement, aujourd'hui, l'ensemble du patrimoine d'un indépendant peut être saisi en cas de défaillance professionnelle. Avec le plan indépendants, seuls les éléments indispensables à l'exercice de son activité professionnelle pourront être saisis en cas de défaillance, sans qu'aucune formalité préalable contraignante ne soit nécessaire. Ce statut simple, mais plus protecteur, va devenir le statut de référence pour les créateurs d'entreprises. En conséquence, l'EIRL sera supprimé pour l'avenir.

 


"Ce sont les quatre aspects qu'il faut retenir : simplification, puisque la protection est automatique ; extension de cette protection pour tous les créateurs d'entreprises à l'intégralité de leur patrimoine ; égalité de traitement fiscal ; transition facilitée entre entrepreneur individuel et société."

 


Au sein de ce nouveau statut, il y a déjà de la simplicité, dans la mesure où les entrepreneurs auront la totalité de leur patrimoine personnel protégé et ce, sans démarche particulière de leur part - j'insiste sur ce point. Ils pourront également opter, en tant qu'entrepreneurs individuels, pour l'impôt sur les sociétés, ce qui les mettra à égalité de traitement avec ceux qui ont choisi le régime de la société. Enfin, pour ceux qui souhaitent grandir et passer une nouvelle étape, nous avons mis en place un dispositif qui permettra de passer très aisément d'entrepreneur individuel à société, sans difficultés techniques, fiscales ou sociales.

 

 

Ce sont les quatre aspects qu'il faut retenir : simplification, puisque la protection est automatique ; extension de cette protection pour tous les créateurs d'entreprises à l'intégralité de leur patrimoine ; égalité de traitement fiscal ; transition facilitée entre entrepreneur individuel et société. C'est une vraie révolution : on est véritablement sur un changement total de doctrine, en affirmant que celui qui crée une entreprise doit être protégé et que sa vie quotidienne doit être facilitée.

 


Mais les établissements bancaires peuvent toujours demander des cautions aux indépendants qui se lancent dans leur activité. Dans quelle mesure la protection accrue du patrimoine personnel est vraiment garantie face aux banques ?

 

A. G. : Les banques pourront demander une caution sur le patrimoine professionnel de l'entrepreneur : au sein de toutes les entreprises, il y a du matériel, des machines, des équipements, qui ne sont pas considérés comme des biens personnels mais comme des biens liés à l'activité économique de l'entreprise. Les banques ont aussi la possibilité d'obtenir des cautions par le biais de la BPI (Banque publique d'investissement, ndlr), la Socama… et ont donc toute latitude d'être couvertes, en cas de difficultés, par des cautions autres que les cautions personnelles. Par ailleurs, en dernier recours, et parce qu'on ne peut pas empêcher un entrepreneur d'engager malgré tout ses biens personnels - ce qui reste permis dans la loi -, on lui donne en revanche un délai de réflexion de 7 jours. Je refuse qu'un banquier fasse pression sur l'entrepreneur qui se sentirait obligé de signer par peur ou par obligation.

 


Dans la foulée de la présentation du plan par Emmanuel Macron, l'association GSC a salué le constat général du texte mais a regretté les solutions mises en avant. L'organisation déplore notamment le manque d'information sur le dispositif qu'elle porte. En quoi le texte pourrait justement améliorer ce déficit de communication ?

 

A. G. : Le fait est que le modèle de cette association ne fonctionne pas, puisque très peu d'entreprises y ont recours. Son fonctionnement repose sur des organisations patronales, or si celles-ci considèrent qu'il n'y a pas assez d'adhérents qui rejoignent le dispositif, elles ont tout loisir de faire en sorte que la tendance s'inverse. Quand je vois le nombre d'entreprises adhérentes à GSC et le nombre d'entreprises adhérentes aux organisations patronales, il y a une grande marge… Le modèle de cette association ne correspond pas aux petites entreprises, qui sont très peu nombreuses à y adhérer. Donc charge à ces organisations de communiquer davantage sur leur propre dispositif.

 

Dans le projet de loi, nous avons décidé d'instituer un dispositif d'assurance-chômage pour les indépendants qui sera large : ce ne sont pas seulement ceux qui seront en dépôt de bilan qui pourront y prétendre, mais également ceux qui montreront que leur activité n'est pas viable. L'entrepreneur qui pourra le montrer pourra bénéficier de cette assurance-chômage en décidant d'arrêter son entreprise. Je pense que ce dispositif aura au final une efficacité bien plus grande que tout ce que l'on connaît aujourd'hui. Nous partageons par ailleurs le souci de mieux informer l'entrepreneur qui se lance, et c'est aussi ce que nous faisons par exemple avec la mise en place d'un site unique qui regroupe l'ensemble des informations et des démarches qui les concernent.
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