AGITATION. L'annonce subite de l'Agence nationale pour l'habitat de la forte diminution du plafond de l'aide "Habiter mieux - agilité" a déclenché une forme de confusion, voire de colère, dans les rangs des professionnels des appareils de chauffage.

"Nous sommes choqués par la brutalité de l'annonce, avec effet immédiat." C'est Bernard Aulagne, président de Coénove, association réunissant des acteurs de la filière gaz, qui réagit ainsi auprès de Batiactu. De nombreux professionnels sont 'groggy' après l'annonce inattendue de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) : le plafond des aides "agilité" est ramené, avec effet immédiat, de 20.000 euros à 8.000 euros, et à 2.400 pour l'installation d'une chaudière gaz à très haute performance. Cette décision devrait produire une forme de coup d'arrêt au plan de remplacement des chaudières fioul, passant notamment par le coup de pouce et ses offres "à un euro". L'Association française de la pompe à chaleur (Afpac), jointe par Batiactu, fait également part de sa colère à la suite de ces annonces. Concrètement, cela signifie que pour un ménage très modeste, l'aide de l'Anah n'est plus de 10.000 euros (50% de 20.000), mais seulement 4.000 euros - ce qui correspond aux montants du deuxième projet, post-concertation, de transformation du CITE en prime.

 

Un coup d'arrêt qui passe mal

 

L'aspect à effet immédiat de la décision pose bien sûr un problème commercial à résoudre pour les acteurs engagés dans ce type de travaux. Puisque pour tous les dossiers pas encore déposés à l'Anah le 10 octobre, on bien déposés avant mais incomplets, il faudra revenir vers le client en lui expliquant que les aides ont été subitement modifiées. Avec une probable conséquence en matière de reste à charge. "Cela fait pourtant des années que nous réclamons de la visibilité, de la continuité, voici un contre-exemple", observe Bernard Aulagne.

 

 

Les pouvoirs publics justifient cette décision en mettant en avant les malfaçons rencontrées et les cas de fraudes à l'offre à un euro. Un argument qui ne convainc pas Coénove. "A partir de quelques cas de margoulins, on pénalise l'ensemble des artisans installateurs ?... Il faudra m'expliquer comment on peut à la fois viser le reste à charge minimal, ce qui est la question centrale, en prenant ce type de décisions non concertées, et qui entrent en vigueur immédiatement."

 

 

"Il y a en ce moment un emballement budgétaire liée à ces offres", décrypte auprès de Batiactu Marjolaine Meynier-Millefert, députée copilote du plan de rénovation énergétique des bâtiments. "Mais l'enjeu financier n'est pas le principal : il y a surtout eu des cas de malfaçons identifiés, et le Gouvernement cherche à trouver les voies et moyens afin de rendre le dispositif le plus efficace possible." Le galop d'essai des offres à un euro ayant été très bon, au point de dépasser les attentes, l'État souhaite faire le point. "Certains acteurs parvenaient au reste à charge zéro sans même avoir besoin des aides de l'Anah", continue la parlementaire LREM. Ce qui pourrait expliquer l'annonce du 10 octobre 2019. "Le mécanisme en tant que tel n'est pas remis en cause et les professionnels ne doivent pas s'inquiéter. Mais il s'agit de freiner un peu la dynamique pour y voir plus clair." L'idée est de partir sur de bonnes bases en 2020 quand sera lancée la prime unifiée qui remplacera à terme le crédit d'impôt transition énergétique (CITE) : corriger les dérives et instituer les bons garde-fous.


Assurer un accompagnement pour les aides "agilité"

 

La recommandation de Marjolaine Meynier-Millefert serait d'améliorer l'accompagnement des ménages, y compris pour les gestes uniques. "L'aide Habiter mieux agilité de l'Anah devrait être accordée avec un accompagnement obligatoire, de manière à avoir un regard sur le coût des opérations et la qualité des interventions", explique-t-elle. "L'agence ne doit pas se limiter au strict rôle de financeur des offres à un euro." Financer cette nouvelle responsabilité pour l'agence pourrait ne pas entraîner de perte d'argent puisqu'elle permettrait déjà de supprimer la fraude et d'éviter l'effet inflationniste dénoncé par l'Anah et les pouvoirs publics.

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