BOURSE. Eiffage, Bouygues et Vinci trustent le haut du classement des entreprises françaises pratiquant l'actionnariat salarié. D'autres groupes comme Spie, Nexans, Engie ou Veolia proposent à leurs collaborateurs de détenir une part de capital. Stéphane Perrin, directeur Rémunération & avantages sociaux chez Vinci, nous explique les avantages de cette solution, pour l'entreprise et ses salariés.

La France est régulièrement qualifiée de championne d'Europe de l'actionnariat salarié. Et, dans ce tableau, les entreprises de la construction figurent généralement en très bonne place. Eiffage, par exemple, a réalisé une importante levée de fonds auprès de 44.000 de ses employés européens au mois de mai 2018, tandis que Spie (génie électrique) annonce avoir réussi son propre plan "Share for you 2018" qui s'adressait à ses salariés.

 

 

Culture d'entreprise, performance collective et… avantage fiscal

 

Mais pourquoi cette spécificité ? Stéphane Perrin, directeur Rémunération & avantages sociaux chez Vinci, autre grand groupe de BTP et concessions, nous explique : "Il y a des taux conséquents d'actionnariat salarié chez Bouygues, Eiffage, Saint-Gobain… Il y a, dans le bâtiment et les travaux publics, une culture entrepreneuriale. Et la notion d'actionnaire est associée à la performance de la structure. Il y a donc une logique". Mais cette seule caractéristique explique-t-elle tout ? Le spécialiste reprend : "Autre point important : culturellement, ce milieu n'est ni celui du marketing, ni de l'industrie : c'est l'humain qui permet d'être productif. Il est donc nécessaire et judicieux que les individus puissent profiter des fruits de cette performance".

 

Dernier point important, un certain cloisonnement règne aussi dans le bâtiment. Stéphane Perrin nous le confirme : "Ce secteur économique possède un esprit de communauté. Qui a commencé cette politique d'actionnariat salarié, je l'ignore, mais nous nous alignons plus ou moins sur les autres. C'est une part importante de la politique de recrutement et de fidélisation des employés". La participation des employés est donc un outil stratégique, à la fois de rémunération et de cohésion, qui renforce le sentiment d'appartenance à une société et qui s'avère bien utile aux groupes du CAC40. La situation française s'explique également par un cadre fiscal avantageux et une grande culture de l'épargne. Les titres sont acquis à des tarifs préférentiels, de l'ordre de -5 à -20 % sur le cours normal.

 

Une participation toujours en hausse

 

 

Sur sa dernière opération, Spie précise que plus de 6.000 salariés ont répondu à l'offre, dont plus d'un tiers de nouveaux actionnaires, démontrant l'intérêt croissant pour ce type de participation. Leur apport a représenté plus de 21 M€ de fonds et près de 1 % du capital de l'entreprise. Il s'agissait d'une deuxième opération de ce type, qui permet à 34 % de salariés actionnaires de détenir finalement 4,4 % de tous les titres du groupe. Du côté de Vinci, Stéphane Perrin nous annonce que 102.000 employés ont souscrit à la dernière levée de fonds qui leur était dédiée, dont une immense majorité en France, même si elle était également ouverte aux filiales internationales. Le directeur Rémunération & avantages sociaux, ajoute : "Cela concerne tous les employés, cadre ou non. L'adhésion des collaborateurs dépend de l'intérêt économique de l'offre". Lui aussi constate que le taux est en constante augmentation, depuis la première opération en 2012. Désormais, les salariés actionnaires détiennent entre 9 et 10 % du capital de Vinci, soit une capitalisation de 4 Mrds € !

 

Le spécialiste conclut : "C'est ce qui permet de construire un groupe, malgré de métiers très divers, et de renforcer le sentiment d'appartenance". Le système de l'actionnariat salarié, s'il est ancien et aujourd'hui rentré dans les mœurs, connaît un succès qui ne se dément pas. Et qui devrait même encore se développer, puisque la loi Pacte pourrait encore favoriser ce type de participation ; Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, annonçait, au mois de mai 2018 : "La vraie question c'est de savoir comment mieux développer l'actionnariat en France, l'actionnariat des salariés, des PME. Ainsi, nos grandes entreprises ne dépendront pas d'actionnaires étrangers qui exigent des niveaux de rémunération trop élevés".

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