REPORTAGE. L'expert en rénovation équipe certains de ses techniciens de motos cargo électriques et bientôt de vélos pour se rendre sur leurs chantiers. Une nouvelle manière de se déplacer qui présente de nombreux avantages, pour les salariés comme pour leur entreprise.

Ce n'est plus en camion thermique mais à moto cargo électrique que des techniciens du groupe Acorus interviennent désormais sur des chantiers situés dans Paris intra-muros. Le spécialiste de la rénovation en sites occupés déploie un grand plan de mobilités pour gagner en productivité et diminuer ses émissions de gaz à effet de serre. Il a pour cela inauguré une plateforme d'interventions de 200 m² à Montrouge, une banlieue sud aux portes de Paris.

 

Encore au stade d'expérimentation, ce "hub" ouvert en mai 2023 vise à tester de nouveaux modes d'organisation de logistique des chantiers au sein de la capitale. "Cela intervient à une période où la Ville de Paris a mis en place une Zone à faibles émissions (ZFE - une zone comportant des voies routières où la circulation des véhicules les plus polluants est restreinte] et, en 2024, une zone à trafic limité [ZTL - une zone du centre de la ville où le trafic sera rééquilibré au profit des piétons, des cyclistes et des usagers des transports en commun]", explique Léopold Gay, chef de projet MDLA (mobilité douce et logistique adaptée) chez Acorus. "Des événements internationaux, comme les Jeux olympiques de 2024, vont probablement aussi modifier la circulation routière et amener un certain trafic." Face à ces bouleversements, l'expert en rénovation a choisi de repenser sa mobilité et d'abandonner, petit à petit, l'utilisation de véhicules thermiques. "Nous ne commandons plus de véhicules de ce type chez Acorus et transformons notre flotte de camions. Une façon de réduire notre impact environnemental", annonce le responsable.

 

Réduire le temps de trajet et ses émissions

 

Il faut dire que, selon Acorus, ses 900 véhicules parcourent 1,5 fois le tour de la terre chaque jour. Le carburant représente 95% de ses dépenses énergétiques et près de 10% de ses émissions carbone. Alors, le groupe a investi dans quatre scooters électriques pour son dépôt à Montrouge. Un électricien, deux plombiers et un menuisier les utilisent depuis trois mois. "Ils ne perdent plus de temps dans les bouchons, ne sont plus soumis aux difficultés de stationnement en ville et gagnent en productivité", pointe le chef de projet.

 

Acorus hub logistique Montrouge
Le hub est également un espace de stockage du matériel des salariés. © L-A Fournier

 

Les techniciens présents au hub ce jour-là acquiescent. "Nous nous déplaçons plus rapidement et l'utilisation du scooter électrique permet de faire baisser les émissions de gaz à effet de serre de la ville de Paris", sourit Mohamed Romli, menuisier. "Plus de problèmes pour se garer non plus", ajoute Luis Carlos Aguiar de Freitas, plombier. Chaque jour, les quatre artisans interviennent sur deux à quatre chantiers de dépannage ou de petite réhabilitation pour le bailleur Paris Habitat, la RIVP et des copropriétés. Au total, Acorus mène 45.000 interventions par an dans la capitale.

 

Nouvelles réflexions sur la logistique

 

Leur nouveau véhicule a une autonomie de 60 kilomètres, largement assez pour une journée de travail. "L'inconvénient est la capacité de chargement du scooter", indique Mohamed Romli. "Elle n'est pas suffisante", estime également Luis Carlos Aguiar de Freitas. "Nos collaborateurs se retrouvent plus facilement dépendants des livraisons, ce qui nous pousse à repenser l'organisation de la logistique", concède Léopold Gay.

 

Le chargé de mission organise avec sa petite équipe une réunion hebdomadaire pour faire le point sur les avantages et inconvénients de cette nouvelle mobilité. Le groupe teste également d'autres véhicules, comme des vélos triporteurs électriques équipés de protège pluie. Le vélo est plus stable que le scooter et l'espace de chargement, de 150 kilos, est plus conséquent, permettant d'emporter son EPI (équipement de protection individuelle). Surtout, les artisans sont davantage protégés des aléas climatiques et ils peuvent emprunter les pistes cyclables, de plus en plus nombreuses dans la capitale.

 

Trois techniciens supplémentaires rejoindront l'équipe en septembre 2023 et se déplaceront avec ces vélos. "Et ce matin, l'un de nos collaborateurs est parti tester un scooter à trois roues avec une capacité de chargement plus importante", raconte Anne-Claire Muller. "Nous sommes contents de voir qu'ils sont partants pour expérimenter d'autres mobilités."

 

Acorus hub logistique Montrouge
Un vélo triporteur est actuellement testé par les techniciens. © L-A Fournier

 

Favoriser le bien-être des artisans

 

La plateforme de Montrouge n'est pas un simple garage pour les techniciens. Il se compose aussi d'une zone de matériel utilisé pour les chantiers, d'un espace de tri des déchets, d'une salle de repos, une cuisine et de sanitaires. "Les salariés déjeunaient auparavant dans leur camion. Aujourd'hui, ils ont un vrai endroit où prendre leur pause", montre Léopold Gay. Ce dernier pense qu'un espace permettant aux encadrants et aux techniciens de se réunir "favorise la cohésion". Cela améliore aussi "considérablement leur qualité de vie au travail", affirme la chargée de mission réemploi au sein d'Acorus. Une opinion partagée par les techniciens. "J'ai désormais accès à des toilettes et à un micro-ondes pour réchauffer mon déjeuner", raconte Luis Carlos Aguiar de Freitas.

 

Le réemploi est également promu sur le lieu de travail. Les matériaux récupérés sur les chantiers sont diagnostiqués, triés et déposés à la déchetterie voisine voire recyclés. "Nous voulions proposer un projet vertueux de A à Z, et accompagnons les équipes pour qu'elles apprennent à trier convenablement les flux", assure Anne-Claire Muller. La jeune femme chargée du réemploi pour la société regrette le peu de déchetteries "prêtes à mettre en œuvre la filière Rep Bâtiment (responsabilité élargie du producteur pour la collecte et la valorisation des déchets)" mais ajoute "au moins, de notre côté, nous sommes prêts".

 

Faire évoluer les mentalités dans le secteur

 

Le projet plus global de hub logistique a demandé un temps d'adaptation à l'équipe. "Les techniciens impliqués dans cette opération ont connu un gros changement en passant de la voiture au scooter. Nous leur avons proposé de reprendre la voiture dans certains cas spécifiques mais ils ont refusé car ils souhaitent mener ce projet jusqu'au bout", se réjouit Anne-Claire Muller. "Nous avions un peu d'appréhension au début mais maintenant les choses se passent bien et nous changeons de regard sur cette question", estime Luis Carlos Aguiar de Freitas.

 

L'un des techniciens a même repensé ses trajets domicile-travail et vient désormais en transports en commun plutôt qu'en voiture à Montrouge. "Il a gagné une heure sur son trajet quotidien et se dit moins stressé", relate Anne-Claire Muller. Acorus réfléchit par ailleurs à tester le crédit mobilité [qui permet aux salariés d'une entreprise de bénéficier d'un budget adapté à son choix de transport] afin que ses collaborateurs remplacent leurs trajets en voiture de fonction par des mobilités douces. "On le sait, la voiture reste une solution incontournable pour de nombreux professionnels du secteur du Bâtiment. La conduite au changement est un peu longue sur cet enjeu."

 

Malgré tout, le projet de Montrouge a fait naître quelques idées chez des salariés d'Acorus. Deux vélos électriques vont être mis à disposition au sein des agences de Créteil et du XIIIe arrondissement de Paris, à la demande des responsables de site. "Si beaucoup étaient réticents à cette opération au début, certains envisagent depuis les choses différemment", souligne Anne-Claire Muller. L'objectif du hub est, en tout cas, de répliquer cette initiative dans d'autres zones et même, peut-être, de s'établir dans Paris pour "irradier les arrondissements centraux où il est compliqué d'intervenir". "Nous mutualiserions cet espace avec un bailleur ou d'autres acteurs économiques", confie Léopold Gay.

 

 

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