INTERVIEW. Une décision du conseil d'Etat qui valide « l'erreur d'appréciation » relative à la norme sur les sas de sécurité pourrait bien changer la donne. L'architecte et membre du Cnoa, Frédéric Denisart, nous livre son point de vue et fait également un point sur les Agendas d'accessibilité.

Batiactu : Le conseil d'Etat vient d'annuler partiellement l'arrêté du 14 mars 2014 fixant les dispositions relatives à l'accessibilité des logements destinés à l'occupation temporaire ou saisonnière, en tant qu'il renvoie, pour la définition des dimensions des sas d'isolement que doivent comporter les immeubles qu'il vise. En clair, la norme prévoyait un espace au minimum de 1.20 x 2.20 m, des dimensions que contestent depuis le début les associations de handicapés. Pensez-vous que cela risque de faire bouger les lignes en matière de réglementation ?

 

Frédéric Denisart : Cela va dans le bon sens, en tous les cas. Et surtout fait correspondre usage et sécurité, principe que nous, architectes, défendons depuis le début. Cet exemple est le plus flagrant en matière de norme absurde. Il est démontré depuis toujours que l'on ne peut pas faire demi-tour dans un sas lorsqu'on est en fauteuil roulant et qu'il faut au minimum 1.50 m. Donc, de fait, une personne en fauteuil se retrouverait coincée à l'intérieur du sas, ce qui la mettrait en danger en cas d'incident. Notre priorité, en tant qu'architecte, est d'apporter des solutions d'usage, chose que doit également faire la réglementation. Ensuite, je ne suis pas devin, et je ne peux pas prédire de ce qu'impliquera cette décision du conseil d'Etat, mais c'est un pas important.

 

D'ici là, l'innovation fera peut-être en sorte que les usages évolueront et que l'on pourra appliquer la réglementation en l'état. Vous savez, la réglementation, ça s'interprète. Et j'entends déjà certaines fédérations et autres constructeurs dire que ça leur coûte de l'argent ! Car des sas plus grands, c'est moins de places de parking, par exemple, et donc moins d'argent au final…

 


Batiactu : Y a-t-il d'autres normes qui mériteraient d'être revues et corrigées ?

 

F. D : Celle-ci sur les sas est la plus significative. Il y a eu un réel toilettage, même si l'on peut être au final déçus du résultat, l'effort est là. Je ne rentrerai pas dans le jeu des polémiques… En tant qu'architecte, nous avons toujours souhaité développer la notion d'usage, essentielle, et pensons que nous avons les moyens de pouvoir exprimer une qualité de conception. Le problème, c'est qu'il n'existe pas de tolérance dans les normes, et que dans le cadre bâti, la problématique tient dans la surface des logements.

 

Ainsi, on nous impose de construire des petits logements, pour construire moins cher ou construire plus, à voir. Mais ces contraintes conduisent à réaliser des logements moins généreux et donc moins optimisés en termes de confort et d'usage…

 


Batiactu : Il y a quelques semaines, lors d'une interview accordée à Batiactu, Luc Givry, architecte, indiquait que les Agendas d'accessibilité n'étaient pas une fin en soi… et que le 100% ERP accessible ne sera pas atteint. Partagez-vous cet avis ?

 

F. D : Les Agendas d'accessibilité ou Ad'ap sont une idée brillante et une formule intelligente pour relancer le sujet de l'accessibilité, née de la loi de 2005. Mais le législateur en a fait une machine tellement compliquée, que ceux qui sont rentrés dans la démarche rencontrent des freins et ceux qui n'y sont pas… on ne leur dit rien ! Depuis la date du 27 septembre 2015, date limite des dépôts des dossiers d'Ad'ap, il ne se passe plus rien. Et il semblerait que les sanctions soient compliquées à mettre en place.

 

Je vois des choses aberrantes, comme des dossiers d'Ad'ap qui sont simplement refusés sur la forme et pas sur le fond : dossier incomplet, notice pas signée ou encore refus non expliqué. Cela a de quoi décourager les volontaires qui finissent pas abandonner les démarches. L'administration juge sur pièces et non sur le fond. Elle a tout simplement cassé l'élan ! On a voulu valoriser ceux qui font bien plutôt que de sanctionner, et le résultat est là : on n'atteindra pas les objectifs !

 


Batiactu : Enfin, alors que s'achève ce mercredi, le salon Urbaccess, pensez-vous que l'accessibilité est un terrain favorable à l'innovation ?

 

F. D : Avant, le catalogue « accessibilité », c'était du moche et du cher. Aujourd'hui, les industriels ont trouvé des solutions davantage « passe-partout » et économiques. Par exemple, autoriser les élévateurs dans le cadre du logement aura permis de faire évoluer les techniques et de générer un marché. Il y a beaucoup de choses intéressantes qui font que le marché s'ouvre, notamment dans le secteur du maintien à domicile et du vieillissement, de véritables enjeux pour demain. On en revient toujours à l'usage de la personne.

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