L'Assemblée nationale vient de ratifier l'ordonnance du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public. En attendant le vote du Sénat, ce mardi, cette loi accordera donc des délais supplémentaires aux entreprises pour effectuer les travaux permettant l'accessibilité des handicapés. Décryptage avec le député (PS) Christophe Sirugue, rapporteur du texte.

La loi de 2005 qui prévoyait l'accessibilité pour les handicapés dans tous les lieux publics d'ici à 2015 est loin d'être aboutie. Le projet de loi ratifié ce lundi à l'Assemblée nationale repousse la date au plus tôt à 2018, avec pour objectif la mise en accessibilité de 80% des lieux publics d'ici à trois ans.

 

L'Assemblée nationale a, en effet, voté, lundi 20 juillet 2015, définitivement et favorablement la loi ratifiant l'ordonnance du 26 septembre 2014 - relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées - à la suite d'une Commission mixte paritaire (CMP) conclusive validée jeudi 16 juillet malgré un vote contre (Ndlr : voix communiste au Sénat) et une abstention (Ndlr : voix Les Républicains au Sénat)nous a annoncé Christophe Sirugue, député (PS), rapporteur du texte. De son côté, le Sénat, votera ce mardi 21 juillet.

Douze mois de plus pour les dépôts des Ad'ap en cas de difficultés techniques

"Désormais l'article 3 précisant les délais de dépôt des Ad'AP, a bien été validé en CMP aux responsables et propriétaires d'établissements accueillant du public ainsi qu'aux opérateurs de transports publics pour déposer un agenda d'accessibilité programmée (Ad'Ap) à la préfecture ou en mairie jusqu'au 27 septembre 2015", nous signale le rapporteur parlementaire. Après dépôt de cet agenda, les établissements pourront bénéficier de reports de 6 mois à 9 ans en fonction des motifs évoqués et du type d'infrastructure.

Des délais selon des difficultés

"En clair, c'est une prorogation qui sera accordée dans le cas de difficultés financières (trois ans) ou techniques (12 mois), et en cas de rejet six mois ajoute aussi le cabinet de Ségolène Neuville, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées et lutte contre l'exclusion. Une dérogation sera en outre possible dans le cas où les aménagements rendent impossible la conservation d'un patrimoine ou s'ils sont disproportionnés du fait des conséquences négatives qu'ils entraînent."

 

"Ce délai sera de trois ans maximum pour 80% des établissements pour ceux ayant une capacité d'accueil de 200 personnes maximum, détaille-t-il. Et des durées plus longues, pouvant aller jusqu'à six ans, voire neuf ans, sont prévues pour les établissements de plus grande capacité, les patrimoines comprenant plusieurs établissements et ceux qui sont en difficulté financière avérée".

 

S'agissant des transports, les parlementaires ont opté pour des délais maximum de trois ans pour les transports urbains, de six ans (interurbains) et neuf ans (ferroviaire).

"Pas de dérogation sur l'accessibilité du neuf"

S'agissant toujours de l'article 3, Christophe Sirugue est clair : "On ne fait pas de dérogation sur l'accessibilité du neuf." Des amendements avaient été, en effet, déposés ce dernier mois, en demandant la suppression de deux alinéas à l'article 3 concernant la construction de logements neufs et étendant aux organismes gestionnaires du parc locatif social le bénéfice des mesures de dérogation à certaines contraintes de mise en accessibilité.

Et des sanctions pénales ?

Concernant les sanctions pénales, les parlementaires n'ont rien modifié du texte. "Ceux qui ne déposeront pas un Ad'ap seront passibles d'une sanction de 2.500 euros et s'exposeront à des poursuites pénales", avertit Christophe Sirugue. En revanche, la nouveauté de la ratification concerne le fait de rendre obligatoire la formation des personnels des établissements recevant du public à l'accueil et l'accompagnement des personnes handicapées, pour plus de 200 personnes.

 

A noter que l'article 9 du projet de loi accordant une remise fiscale aux entreprises pour l'acquisition ou la fabrication de biens nécessaires à la mise en oeuvre des agendas d'accessibilité a bel et bien été supprimé. Au final, Christophe Sirugue se félicite de ce "gros travail de ratification réalisé par les parlementaires", et rappelle par ailleurs qu''"en aucun cas les parlementaires ont détourné la loi du 11 février 2005. L'ordonnance a eu pour objectif de faire le constat."

 

Et d'ajouter : "Je pense également que les architectes et l'Ordre des architectes se sont beaucoup investis, notamment sur la visitabilité de l'appartement, ou l'accès à la pièce principale."

Des mesures qui déclenchent la colère des associations d'handicapés

De leur côté, les représentants du "Collectif pour une France accessible" signataires d'une pétition pour l'accessibilité ont exprimé leur vive colère à l'encontre du texte : "Si, par malheur, une majorité à l'Assemblée Nationale le 20 juillet et au Sénat le 21 juillet devait ratifier cette Ordonnance de la honte, les personnes victimes de cette régression sociale et leurs Associations unies dans le Collectif pour une France accessible devront alors rechercher soixante parlementaires pour saisir le Conseil Constitutionnel aux fins de censurer cette Ordonnance de la honte en vertu de l'article 55 de la Constitution."

 

Désormais, le Gouvernement devra transmettre au Parlement, d'ici au 31 décembre 2018 - date à laquelle les Ad'Ap dont la durée aura été fixée à trois ans seront achevés - une évaluation de l'application de l'ordonnance et un bilan du chantier de simplification normative engagé par l'exécutif. A suivre.

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