JUSTICE. Le conseil d'Etat a mis fin, le 29 juin 2020, à la saga judiciaire du contournement de Beynac, en Dordogne, en rejetant le pourvoi du département. Un projet de plus de 30 ans déjà partiellement construit.

La réalisation du contournement de Beynac n'ira pas au bout. Après de multiples épisodes judiciaires, le conseil d'Etat a en effet jugé irrecevable le pourvoi du conseil départemental de la Dordogne, à l'origine du projet, ce 29 juin 2020.

 

Cela fait plus de 30 ans que ce projet de déviation de 3,2km, visant à désengorger le bourg de cette commune de la vallée de la Dordogne, situé au pied d'une forteresse classée du XIIe, fait parler de lui. Des travaux avaient commencé, mais ont dû être stoppés fin 2018 suite à une décision de justice. En décembre 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux avait confirmé l'annulation du projet et la démolition des ouvrages déjà réalisés.

 

Déviation jugée "moins utile"

 

La cour administrative d'appel avait en effet estimé que le projet ne répondait pas à une "raison impérative d'intérêt public majeur" et ne pouvait pas déroger à l'interdiction de porter atteinte à des espèces protégées et à leur habitat, jugeant aussi que des travaux de voirie effectués en 2017 à Beynac rendaient la déviation "moins utile".

 

Le conseil départemental avait formé un pourvoi en cassation devant le conseil d'Etat… qui vient donc lui-même de confirmer le verdict de la cour administrative d'appel de Bordeaux. Mais la plus haute juridiction administrative a elle aussi jugé que les arguments avancés par le département et son président PS Germinal Peiro n'étaient pas admissibles.

 

 

15 millions d'euros pour la démolition, en plus des "26 millions déjà dépensés"


"C'est un scandale absolu", a réagi Germinal Peiro, déplorant notamment la pollution atmosphérique et sonore d'un village qui voit passer certains jours d'été "jusqu'à 13.000 véhicules". Comme en décembre 2019, il a aussi dénoncé le "gaspillage d'argent public" avec un coût estimé à "15 millions d'euros" pour la démolition en plus des "26 millions déjà dépensés". Pour rappel, le coût total du projet était estimé à 32 millions d'euros. Sur le site du conseil départemental, on estime donc que cette décision condamne "les Périgourdins à jeter à la poubelle plus de 40 millions d'euros".

 

Le président du département accuse même l'Etat de s'être "retourné comme une crêpe après nous avoir soutenus. Il y a eu un changement politique. L'Etat a décidé de suivre les arguments de quelques grandes fortunes de la vallée. Mais le peuple du Périgord va résister contre les seigneurs!"

 

 

Le communiqué du conseil départemental va même jusqu'à parler de "scandale démocratique", cette décision s'inscrivant selon la collectivité locale "contre la volonté des élus du Département qui depuis 1982 et jusqu'à récemment ont toujours approuvé ce projet de façon unanime, contre l'avis de la population sollicité par un référendum organisé en 1995 (84 % de votes favorables) et contre le choix des électeurs, le 15 mars dernier, de porter à la tête des quatre communes concernées des élus favorables au contournement".

 

Victoire des opposants


Le conseil d'Etat prononce donc la victoire dans ce dossier des opposants au projet. Rappelons que ceux-ci estiment que ce contournement porte atteinte à l'habitat de plus de 120 espèces, dont quelques protégés, dans un site classé Natura 2000 et "réserve de biosphère". Ils déplorent aussi son impact visuel à une vallée parsemée de châteaux historiques, ce qui leur a valu le soutien remarqué de Stéphane Bern.

 

"Cet aboutissement est une victoire de la population qui, depuis 30 ans, refusait de voir la vallée de la Dordogne défigurée par la circulation routière", s'est ainsi réjoui Kléber Rossillon, un des principaux opposants, châtelain local et président d'honneur de l'association Patrimoine Environnement. Et d'ajouter qu'il s'agit également, selon lui, d'une "excellente nouvelle pour l'économie touristique du Périgord".

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