La généralisation de la maquette numérique devrait améliorer la qualité des constructions et modifier la gestion des risques ou des responsabilités. Dans le cadre de son 6e colloque, la fondation Excellence SMA a organisé des tables rondes réunissant acteurs du BTP et assureurs. Quelles sont les perspectives d'évolution et les attentes respectives ? Eléments de réponse.

Tous les acteurs de la construction sont d'accord : le passage à la maquette numérique est inéluctable. La question n'est pas de savoir si cette "transition numérique" va se faire, mais comment et à quel rythme elle se fera. Et les avantages semblent certains : une meilleure gestion des itérations du projet, une visualisation facilitée et anticipée des problèmes, une communication accrue entre les intervenants… Christophe Delcamp, directeur adjoint des assurances de biens et de responsabilité à la Fédération française des sociétés d'assurance, explique : "Le BIM est un outil qui favorise la connaissance du risque. Il a donc un intérêt pour l'assureur lors de la construction et également pour des dommages aux biens. Le BIM est donc utile à la gestion du patrimoine et à l'identification des responsabilités car la traçabilité est forte". Une fois les obligations et contraintes de tous les acteurs clairement définies, il sera plus facile de trouver les éventuels fauteurs de troubles.

 

 

Les bailleurs sociaux, à la fois maîtres d'ouvrage et gestionnaires techniques, trouvent un double intérêt à la maquette numérique, lors des étapes amont (conception, réalisation) et aval (exploitation, maintenance). Philippe Cottard, sous-directeur du développement pour Habitat 76, déclare : "Nous subissons beaucoup de contraintes et nous avons un besoin de performance accrue. Or la qualité n'est pas toujours au rendez-vous, les normes sont d'une complexité croissante… D'où le problème, en gestion, d'arriver à rassembler des données éparpillées, sans traçabilité, ce qui mène à des situations précaires en gestion d'ouvrage". "Les chantiers 'BIMés' se passent très bien. Même mieux que les autres. Les réservations sont aux bons endroits et on entend moins les marteaux piqueurs entrer en action", poursuit-il. Grâce à la meilleure gestion des interfaces, qu'il s'agisse d'interactions entre les acteurs de la construction ou entre leurs produits, les désordres seraient moins nombreux.

 

Le BIM est un outil, pas une solution miracle

 

Du côté de la FFB, Michel Droin, président de l'Union nationale des entrepreneurs céramistes du bâtiment, soutient que le BIM autorisera un abaissement des coûts de la construction, mais à moyen ou long terme, et surtout dans le domaine de l'habitat. "Le bilan général sera positif", assure-t-il. Philippe Estingoy, directeur général de l'AQC, estime pour sa part que le BIM permettra de réaliser des économies sur les pathologies et les non qualités qui représentent environ 10 à 15 % du coût des constructions. Mais rien ne sera jamais parfait. Il précise : "L'erreur étant humaine, il y en aura toujours, même avec le BIM… Oui, les itérations sont facilitées, il y a moins de travail et plus de dialogue. La maquette numérique est un outil de communication entre les personnes et entre les outils métiers de chacun, ce qui apporte de la cohérence. Le BIM permet d'identifier les clashes sauf si cette fonction est déconnectée car trop lourde et ralentissant trop les ordinateurs". Les interventions humaines resteront le maillon faible de toute la chaîne.

 

 

Le directeur général de l'AQC raconte : "Si le niveau de précision est différent selon les corps d'état, il peut en résulter des décalages de géométrie assez importants sur un projet. Et le BIM peut alors devenir un moyen de systématiser les erreurs !". Dans ce cas l'innovation serait donc porteuse de pathologie en multipliant automatiquement certains problèmes. De même, le renseignement par les industriels des données techniques de leurs produits restera de leur responsabilité et sujet à caution.

 

Mais les acteurs de la construction veulent croire en la bonne volonté de tous. Pierre Esparbes, le directeur général délégué du groupe SMA, conclut : "Cette volonté de travailler ensemble est l'élément clé du dispositif. C'est ce qui est nouveau. Le BIM permettra de gagner en efficacité collective. Ce ne sera pas le métier qui changera mais la façon de l'aborder". Reste que cette transition vers le bâtiment numérique est une question qui ne concerne pour l'heure qu'une faible part des professionnels et qu'un long chemin reste à parcourir avant un véritable "BIM pour tous".

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