ENTRETIEN. La députée Valéria Faure-Muntian, présidente du groupe d'études assurance à l'Assemblée nationale, suit le dossier de la crise des assureurs en libre prestation de services (LPS). Elle détaille à Batiactu le contenu de la proposition de loi qu'elle a déposée en janvier 2020 pour éviter que ce phénomène ne se reproduise à l'avenir.

Début 2020, la députée LREM de la Loire Valéria Faure-Muntian a déposé une proposition de loi "relative à la réforme du courtage de l'assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement". Celle-ci reprend notamment une mesure initialement intégrée dans la loi Pacte, finalement censurée par le Conseil constitutionnel, celle de la création d'une association professionnelle visant à sensibiliser les courtiers à certains risques pesant sur la libre prestation de services (LPS). La parlementaire, contactée par Batiactu, nous en détaille le contenu et assure que les pouvoirs publics ne souhaitent laisser aucun naufragé de l'assurance construction sans solution.

 

Batiactu : Vous avez déposé votre proposition de loi début 2020. Que contient-elle ?

 

Valéria Faure-Muntian : Le contenu de ce texte a été en premier lieu travaillé avec l'Autorité de contrôle et de régulation (ACPR), les représentants des courtiers et la direction générale du trésor. Nous avons abouti à un dispositif intégré dans la loi Pacte en cours de discussion, au Sénat. Il s'agissait de créer une association professionnelle, jouant le rôle d'intermédiaire entre l'ACPR et les courtiers, permettant à ces derniers de procéder à une forme d'auto-régulation. Mais comme vous le savez, le Conseil constitutionnel a finalement censuré la disposition, au motif qu'il s'agissait d'un cavalier législatif. J'ai donc repris le dossier en tant que présidente du groupe d'études assurance à l'Assemblée nationale. C'est en effet un sujet extrêmement important, et nous devions reprendre ce texte avant qu'il ne tombe aux oubliettes. Nous avons ainsi opéré quelques modifications mineures, soutenues par les acteurs impliqués, et attendons à présent une date de lecture au Parlement. La calendrier est actuellement pris par le plan de relance. Mais je ferai tout pour que cette loi soit adoptée d'ici à la fin du quinquennat. Ce dispositif permettra d'améliorer la situation, les courtiers seront mieux accompagnés et disposeront d'un meilleur suivi en ce qui concerne les garanties des assureurs.

 

"Il faudra remettre à plat le régime de la libre prestation de services"

 

Batiactu : Ce dispositif d'auto-régulation du courtage pourrait éventuellement assainir la situation dans les années à venir. Mais que peut-on faire pour les contrats en cours, devenus insolvables, et les sinistres actuels ou à venir ?

 

V. F.-M. : Globalement, il faudra remettre à plat le régime de la libre prestation de services. Les difficultés concernant la décennale et la dommages ouvrage sont réelles, et le problème est d'autant plus prégnant qu'il ne concerne pas uniquement des professionnels du bâtiment, mais aussi des particuliers maîtres d'ouvrage.

 

Le professionnel a évidemment besoin d'une assurance décennale pour poursuivre son activité ; il doit pouvoir trouver une solution d'assurance. Pour soutenir les particuliers touchés, il faudrait que l'on trouve des solutions de maintien de la garantie. Je compte me pencher sur cette question dès que possible, mais elle est épineuse. Faudrait-il créer un fonds spécifique pour assurer ces garanties ? Cela pose un problème politique, car d'où viendrait l'argent ? Faudrait-il taxer les assureurs qui font bien leur travail pour payer à la place de ceux qui l'on mal fait ? Est-ce que l'on doit se tourner vers les courtiers qui ont distribué ces produits, alors qu'ils font partie des TPE qui souffrent le plus de la crise de la covid-19, et alors que le marché de l'assurance construction est visiblement devenu plus concurrentiel ? Enfin, faut-il que l'État mette la main à la poche, auquel cas cela viendrait de l'impôt ? Nous avons affaire à un problème très complexe et sensible, auquel il n'y a pas de solution magique. Une chose est sûre, nous ne voulons pas laisser nos concitoyens en difficulté.

 

Batiactu : Ne peut-on pas imaginer qu'un autre volet sera ajouté à votre proposition de loi allant dans ce sens ?

 

V. F.-M. : Quoi qu'il en soit, quand vous prenez une décision politique au sein de l'Assemblée, vous débouchez sur une loi qui s'applique à tous. Je suis très sensible aux cas particuliers qui nous remontent, et nous ferons tout pour ne pas laisser ces personnes sur le bord de la route. Mais il ne faut pas oublier non plus que d'autres personnes ont besoin de nous, comme celles touchées actuellement par des épisodes de sécheresse ou des inondations.

 

Batiactu : Comment faire en sorte que ce genre de situations ne se reproduise à l'avenir ?

 

V. F.-M. : Il y a une action politique très forte à mener pour que les règles prudentielles s'appliquent de la même manière à l'ensemble des pays de l'espace économique européen. Cela passe par des négociations avec les Etats-membres, de manière à ce qu'ils traitent leurs professionnels avec une extrême prudence, les conséquences de leur chute pouvant être dramatiques au sein des autres pays.

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