Une semaine après l’annonce officielle du lauréat du Musée des Civilisations de Marseille, retour sur les joies et les regrets de quelques membres du jury.

« Il est important que les choix faits pour les constructions publiques rendent compte de la très grande diversité de l’architecture contemporaine » (Jean-Jacques Aillagon, ministre de la Culture, jeudi 19 février, Marseille). Un point de vue sur l’architecture contemporaine plus panaché chez certains membres du jury, comme le montre les propos recueillis par François Chaslin pour son émission de radio « Métropolitains », diffusée hier sur France Culture.

« Les huit projets étaient de très grande qualité, après c’est une question de goût, de grille d’analyse, et puis cela dépend de ce que l’on privilégie », affirme Michel Colardelle, directeur actuel du musée des Arts et Traditions Populaires à Paris, et futur directeur du Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée. La volonté de créer un musée de l’avenir sur un enracinement du passé, selon lui, c’était le projet de l’irakienne Zaha Hadid (classé 6ème) qui illustrait le mieux ce principe. Il constituait « une sculpture urbaine équilibrée par rapport à la dynamique du port de Marseille, sorte de pivot, de rotule d’articulation en relation avec le Fort Saint-Jean ».

Une relation à l’histoire architecturale toute autre pour Jean-Claude Gaudin, vice-président du Sénat et maire de Marseille : « à cet endroit de Marseille, il n’était pas possible d’ériger un Opéra de Sydney ou cet oeuf que l’on voit dans certaines villes, les habitants n’auraient pas aimé quelque chose d’avant-garde ». Pour sa deuxième participation à un jury de concours, M. Gaudin a porté son choix sur le projet de Rudy Riciotti. Un dessin qui a remporté 11 voix sur 21, et non l’unanimité comme l’annonçait le premier communiqué de presse du ministère de la Culture. Jean-Claude Gaudin a été guidé par le fait que l’uniformité de l’image du port, immortalisée par Pagnol dans les années 30, ne soit pas changée et par la qualité de l’inscription du bâtiment dans le contexte architectural légué par l’histoire.
« Avoir une pointe de modernité aussi belle que ce qui était présenté par Zaha Hadid, je trouve que c’était ça le vrai projet, tirer Marseille vers une grande modernité, une grande force et une grande qualité », déclare de son côté Michel Pezet, ancien président socialiste de la région PACA, aujourd’hui conseillé régional. L’élu a été très accroché par ce projet qu’il qualifie de « très beau geste d’architecture », élégant et parfaitement inscrit dans le Fort Saint-Jean. Mais le projet était « trop en avance pour certains par rapport à Marseille. » Et le jury a rencontré quelques difficultés au sujet des matériaux, se demandant « en quoi et comment s’est fait ? ».
Un Opéra de Sydney à Marseille, c’était il y a quelques années le souhait de Renaud Muselier, secrétaire d’Etat aux Affaires Etrangères et ancien président d’Euroméditerranée. Et aujourd’hui il se réjouit, « si c’est un architecte local qui a gagné, ça prouve que les locaux peuvent jouer dans la cour internationale». François Chaslin interrogeait M. Muselier sur un projet de bâtiment exceptionnel sur le site du Fort Saint-Jean il y de cela 10 ou 15 ans : un gratte-ciel en forme d’oeuf imaginé par l’architecte André Bruyère. « Ce site est un endroit magique, merveilleux et très compliqué car très fort et très puissant. Je souhaitais un geste fort comme l’Opéra de Sydney mais je rencontrais partout des résistances. Mon projet était un moyen de faire avancer le dossier pour bousculer les habitudes, ouvrir la discussion. »

Une modernité technologique ou esthétique peut-être parfois handicapante, comme pour le projet classé second (8 voix), celui de l’américain Steven Holl - André Jollivet. Trois points ont posé problème au jury : le contenu du béton vitrifié ou translucide, nouvelle technologie apparemment peu appliquée ailleurs, le manque de fenêtres pour voir la Grande Bleue, et l’échelle du bâtiment qui n’était pas à la hauteur du reste, notamment avec un étage de trop. Yves Lion, architecte coordonnateur du secteur Euroméditerranée, rapporte que le jury a été effrayé par le projet haut en couleurs de Rem Koolhaas (classé 5ème). Ce dernier souligne « qu’il aurait suffit que le dessin soit en noir et blanc et non en couleurs pour peut-être triompher ! »

Interviews complètes disponibles en écoute sur le site de «Métropolitains»


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